Mahmoud Abbas va-t-il vraiment mettre fin à la collaboration de l’AP avec Israël

Par Ali Abunimah, le 20 mai 2020

[Vidéo sur Youtube : Ali Abunimah sur Al Jazeera English 19 mai 2020 : Mahmoud Abbas dit qu’il annule les accords avec Israël

Avec le Marché de Trump, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu pourrait commencer à annexer des terres palestiniennes en juillet.

Le chef de l’Autorité palestinienne (AP), Mahmoud Abbas, a annoncé pour la énième fois mardi qu’il annulait tous les accords avec Israël, en protestation contre les plans de la puissance occupante de poursuivre l’annexion de vastes parties de la Cisjordanie.

Dans le même temps, l’Union européenne s’est inclinée une fois encore devant les pressions israéliennes.

« L’Organisation de libération de la Palestine et l’Etat de Palestine se retirent, à partir d’aujourd’hui, de tout accord et de tout arrangement avec les gouvernements américain et palestinien », a dit Abbas à une réunion de responsables à Ramallah, ajoutant que cela incluait les accords sur la sécurité.

J’ai dit à Al Jazeera qu’Abbas fait couramment de telles déclarations, mais qu’il n’y a pas de raison de prendre celle-ci plus au sérieux que les annonces précédentes.

Les armes doivent être tournées seulement vers les Palestiniens

L’Autorité palestinienne, créée après qu’Israël et l’OLP ont signé les accords d’Oslo en 1993, n’existe que dans un seul but : agir comme une force de police auxiliaire autochtone pour Israël.

J’ai fait remarquer qu’Israël permet aux forces de sécurité de l’Autorité palestinienne de porter des armes, mais que ces armes ne peuvent être utilisées que contre d’autres Palestiniens. Cette collaboration entre l’AP et Israël est connue officiellement en tant que « coordination de sécurité ».

Remarquablement, alors même qu’Abbas faisait son annonce, les responsables de l’AP rassuraient les médias israéliens en leur disant que probablement peu de choses allaient changer.

Haaretz a rapporté que « des responsables palestiniens qui ont assisté à la réunion ont dit que le président avait l’intention d’arrêter la coordination, mais n’avait pas encore ‘fermé la porte’ ».

Selon le journal de Tel-Aviv, un responsable palestinien l’a informé qu’« il se peut que les forces de sécurité diminuent le niveau de leur engagement avec leurs homologues en Israël, mais qu’il n’est pourtant pas possible de déterminer que la coordination sera complètement arrêtée ».

« Un responsable palestinien de la sécurité a dit qu’en dépit des déclarations d’Abbas, chaque mesure prise par l’AP requiert une coordination avec Israël », a rapporté Haaretz. Selon la même source, « Abbas a affirmé que l’autorité est engagée dans le combat contre le terrorisme, tel qu’il est défini, ce qui requiert une coordination continue de la sécurité entre les états ».

Mon hôte à Al Jazeera m’a demandé si la déclaration d’Abbas revenait donc à un simple bruit de sabre. Ma réponse : « Vous ne pouvez faire du bruit avec un sabre que vous n’avez pas ».

La seule mesure significative qu’Abbas pourrait prendre serait celle que la direction de l’AP a éliminée : dissoudre l’Autorité et forcer Israël à endosser complètement les responsabilités juridiques, les coûts et les conséquences de son occupation de millions de Palestiniens et de leurs terres.

L’UE cède devant Israël, encore une fois

Pendant ce temps, l’Union européenne semble avoir complètement fait marche arrière et ne menace plus de faire rendre des comptes à Israël sur ses plans d’annexion.

Lundi, le chef de la politique étrangère du bloc des 27 nations, Josep Borrell, a publié une déclaration saluant la prestation de serment du nouveau gouvernement d’unité d’Israël.

« Je félicite le nouveau gouvernement d’Israël et me réjouis à l’avance de continuer à travailler avec lui dans l’esprit de l’amitié de longue date qui nous lie. Sur #MEPP l’UE est désireuse de soutenir + faciliter des négociations véritables pour réaliser une paix juste & durable 1/2 https://t.co/3lpeO3iGMv . »

— Josep Borrell Fontelles (@JosepBorrellF) 18 mai 2020

Borrell a indiqué que l’UE avait hâte de travailler avec Israël « à développer notre relation dans tous les domaines, en particulier dans des questions comme le COVID-19, l’éducation, la recherche et le développement de tout autre domaine d’intérêt mutuel ».

Mais il a aussi exprimé la « grave inquiétude » du bloc à propos du plan du gouvernement israélien d’annexer de vastes parties de la Cisjordanie.

« Nous demandons instamment à Israël de s’abstenir de toute décision unilatérale qui conduirait à l’annexion d’un territoire palestinien occupé et serait, en tant que telle, contraire au droit international », a ajouté Borrell.

Ce langage inoffensif et passe-partout de « demander instamment » et « d’inquiétude » est identifique à d’innombrables déclarations de l’UE depuis des décennies, objectant à la construction des colonies israéliennes en Cisjordanie, tout en récompensant Israël de milliards d’euros en commerce, en aide et en armes.

Ce qui est totalement absent de la dernière déclaration de l’UE est une quelconque mention de conséquences.

Rappelons qu’en février, Borrell avait averti Israël que « des mesures en vue d’une annexion, si elles étaient mises en oeuvre, ne pourraient pas rester sans contestation ».

Cependant, Israël a mobilisé une campagne diplomatique majeure pour saper Borrell et creuser des fossés entre les états de l’UE – qui sont tous très pro-Israël, mais à des degrés légèrement variables.

L’Autriche et la Hongrie auraient bloqué une déclaration plus énergique de l’UE mettant en garde Israël contre l’annexion.

L’Autriche a bloqué une déclaration de l’UE invitant le nouveau gouvernement israélien à ne pas entreprendre l’annexion, disant que cette déclaration serait prématurée.

« Parce que, vous savez, cela figure seulement dans l’accord de coalition & cela a été affirmé seulement par le Premier ministre quand il a présenté le nouveau gouvernement. https://t.co/MlgLXQmima. »

— Martin Konečný (@MartinKonecny) 20 mai 2020

Le ministre des Affaires étrangères de la France, dont le gouvernement soutient constamment Israël, a publié sa propre déclaration mercredi en utilisant le langage plus ferme qui a été abandonné par l’UE. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a averti que l’annexion de la Cijsordanie « ne pourrait être sans conséquences pour les relations entre l’UE et Israël ».

L’Allemagne, par ailleurs, a affirmé son plein accord avec la déclaration totalement inoffensive de Borrell :

« Nous nous joignons à @JosepBorrellF pour féliciter le nouveau gouvernement en Israël. Nous soutenons pleinement la déclaration du Haut Représentant. https://t.co/b9Wxd6P8oL. »

— Bureau allemand des Affaires étrangères (@GermanyDiplo) 18 mai 2020

En théorie, une politique étrangère unifiée de l’UE est supposée renforcer le poids du bloc sur la scène mondiale. En réalité, sa position combinée tend vers le plus petit dénominateur commun et vers le statu quo.

Et cela est toujours à l’avantage d’Israël.

Ali Abunimah, cofondateur de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books. Il a aussi écrit : One Country: A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse. Les opinions exprimées sont les siennes seules.

Traduction : CG. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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