La haine de Joe Biden pour les Palestiniens fait écho à son racisme anti-Noirs

Par Ali Abunimah, 22 mai 2020

Le programme de Joe Biden est une liste de souhaits du lobby israélien. (Gage Skidmore)

Joe Biden a fait connaître son projet pour les Palestiniens et les Israéliens.

Il est intéressant de voir qu’il ne figure pas dans la section de politique étrangère de son site de campagne, mais sous le titre « Joe Biden et la Communauté Juive ».

C’est un signe évident qu’il regarde cette question comme une affaire de politique intérieure, sans le prétexte habituel qu’il s’agirait de la recherche de « la paix » ou des « intérêts américains ».

C’est aussi la preuve que Biden s’accroche à cette croyance antisémite que les Juifs américains sont, ou devraient être, avant tout intéressés par Israël, chose pour laquelle Donald Trump a été fustigé ces dernières années par la presse libérale.

La page web mentionne 21 fois Israël ! Elle se lit comme une liste de souhaits du lobby israélien pour une politique anti-palestinienne et anti-iranienne – et c’est précisément ce qu’elle est.

Parmi les promesses, auxquelles vous pourriez penser, de soutenir pour ainsi dire toute politique radicale pro-israélienne, il n’y a qu’une référence en passant à une « issue à deux Etats », et il n’est fait aucune mention des droits des Palestiniens – , un tarif standard et fastidieux, pour les principaux politiciens américains.

Mais une ligne en particulier ressort – l’attaque de l’ancien vice-président contre le mouvement boycott, désinvestissement et sanctions pour les droits des Palestiniens.

« Reines de l’aide sociale »

Biden s’engage à « repousser fermement le mouvement BDS, qui distingue Israël – foyer de millions de juifs – et verse trop souvent dans l’antisémitisme, tout en laissant les Palestiniens libres de leurs choix ».

Leurs choix ? Les Palestiniens ont-ils choisi d’être expulsés de leur terre natale en 1947 et 1948 par les milices sionistes ?

Ont-ils choisi de vivre depuis 1967 sous occupation militaire et sous blocus en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza ?

Les Palestiniens ont-ils choisi de voir leur terre confisquée et leurs maisons démolies, tandis que les soldats et les colons israéliens tuent leurs enfants pour qu’Israël puisse construire des colonies sur leur terre ?

Il est frappant de voir comment le langage libéral du « choix » déployé internationalement contre les Palestiniens fait tellement écho aux justifications utilisées nationalement depuis l’ère Reagan pour soutenir l’incarcération massive et pour attaquer les filets de solidarité sociale qui soutenaient les pauvres, et particulièrement les communautés noires.

Dans ce contexte, la pauvreté de ceux qui ont le moins de pouvoir est toujours le résultat de leurs propres faiblesses morales – une résurgence des notions victoriennes de pauvres « méritants » et « déméritants ».

Cela a débuté avec la campagne présidentielle de 1976 où Ronald Reagan a notoirement maquillé le seul cas extrême d’une femme de Chicago coupable de fraude aux programmes d’assistance publique, pour créer le stéréotype racial durable de « reine de l’aide sociale ».

Comme le fait remarquer Josh Levin, cette « caricature vicieuse et sans fondement a diabolisé certains parmi les plus vulnérables de la nation, préparant le terrain pour des réformes bipartites de l’aide sociale qui sabraient l’aide directe aux pauvres ».

Biden l’a avidement repris : A la fin des années 1980, il a admis qu’il n’y avait peut-être rien de vrai dans l’histoire des « mères de l’aide sociale roulant dans des voitures de luxe », mais il l’a néanmoins ressortie pour justifier son soutien aux réductions de Reagan.

La logique sous-jacente, était que ce n’était pas un système américain construit sur des siècles de génocide, d’esclavage des Noirs, de ségrégation et de capitalisme rampant qui avait créé et enraciné la pauvreté et l’inégalité, mais les mauvais « choix » faits par des individus qu’un Etat punitif devait maintenant obliger à prendre « leur responsabilité personnelle ».

Une incarnation parfaite de cette approche était la loi de 1996 de l’administration Clinton sur la « réforme de l’aide sociale », qui a provoqué une augmentation de l’extrême pauvreté : on l’a appelée la « Loi sur la réconciliation des responsabilités personnelles et des possibilités de travail ».

En tant que sénateur, Biden a bien sûr voté cette loi – décision qu’il ne souhaite pas défendre aujourd’hui.

Biden conservera la politique de Trump

Cependant, l’approche de la « réforme de l’aide sociale » demeure bien vivante dans le projet de Biden pour les Palestiniens.

Il dit qu’il voudrait « révoquer » les coupures dans l’aide humanitaire et « sécuritaire » aux Palestiniens faites par l’administration Trump, mais sous la seule condition que l’Autorité Palestinienne « prenne des mesures pour mettre fin aux violences contre les citoyens israéliens et américains, y compris en cessant de verser de l’argent aux individus engagés dans des actions de terrorisme ».

Les Palestiniens, comme les jeunes Noirs américains, sont toujours ceux à qui on donne le rôle de super prédateurs.

Les Palestiniens doivent sans cesse surmonter des obstacles, dont la hauteur est toujours définie par Israël et ses lobbies selon leurs propres intérêts et leurs définitions.

Accessoirement, les coupures de l’aide sont la seule politique dont Biden dit qu’il la révoquera.

Il garde un silence total sur les décisions de Trump de reconnaître l’annexion illégale par Israël des Hauteurs du Golan occupées en Syrie et de Jérusalem Est, sur son déménagement de l’ambassade américaine, ainsi que sur la déclaration de Trump comme quoi les colonies israéliennes en Cisjordanie sont légales.

Les propositions de Biden ne comportent aucune expression d’opposition aux projets du gouvernement israélien d’annexer encore plus de territoire en Cisjordanie.

Et il s’engage à poursuivre les niveaux record de l’aide militaire que l’administration Obama-Biden a fournie à Israël afin de garantir – et ce sans conditions – qu’ « Israël maintiendra toujours sa supériorité militaire ».

A la différence de la punition réservée aux Palestiniens, qui n’ont pas choisi d’être colonisés par Israël, on ne tiendra pas Israël pour responsable de ses mauvais choix, mais on l’en récompensera toujours.

Incarcération massive

La même logique punitive sous-tend le régime d’incarcération massive qui cible les communautés noires décrite par Michelle Alexander dans son livre emblématique de 2010 Le Nouveau Jim Crow.

Dans le sillage du mouvement pour les droits civiques, Biden s’est associé aux sénateurs ségrégationnistes pour empêcher les étudiants noirs de rejoindre leurs homologues blancs dans les salles de classe du pays.

Et Biden s’est notoirement vanté de son rôle d’aide à l’incarcération de beaucoup de ces jeunes Noirs.

« La vérité est que », a déclaré Biden en 1993, « chaque projet de loi sur les crimes majeurs depuis 1976 qui a été présenté au Congrès, chaque projet de loi sur les crimes mineurs, a été signé par le sénateur démocrate de l’État du Delaware : Joe Biden »

https://twitter.com/shaunking/status/1235994964238249984

Le sénateur du Delaware a également été l’un des principaux partisans du projet de loi de 1994 de Bill Clinton sur la criminalité, qui a ensuite fait augmenter l’incarcération massive des racialisés.

Biden avait averti qu’il fallait absolument s’occuper des « prédateurs qui circulent dans nos rues » et qui ont « dépassé les bornes ».

Le racisme de l’administration Obama-Biden

L’un des principaux arguments de campagne de Biden, c’est son rôle de vice-président du président Obama. Mais loin de représenter une rupture avec son racisme passé, cela lui a procuré l’occasion de la perpétuer, sous un masque respectable.

Après tout, Obama lui-même a ardemment adopté les tropes [métaphores] racistes de l’ère Reagan afin d’attaquer les communautés noires.

Par exemple, dans son discours de rentrée de 2013 à Morehouse College, institution historiquement réservée aux Noirs, Obama a mis en garde les étudiants diplômés, disant que « de trop nombreux jeunes gens de notre communauté continuent de faire les mauvais choix ».

« En prenant la pleine mesure de la présidence Obama jusqu’ici, il est difficile d’éviter d’en conclure que cette Maison Blanche a une façon de traiter les problèmes sociaux qui fait du tort aux Noirs – et particulièrement à la jeunesse noire – et une autre façon de s’adresser à tous les autres », a remarqué à l’époque le rédacteur d’Atlantic Ta-Nehisi Coates.

« J’aurais du mal à imaginer le président dire aux femmes de Barnard [College] que – il n’y a plus de place pour des excuses – comme si elles étaient en train de les fabriquer. »

Dans un discours de la même année commémorant les 50 ans de la Marche sur Washington conduite en 1963 par Martin Luther King, Obama « a ressuscité les armées fantômes de ‘Reines de l’Aide Sociale’ de Ronald Reagan », comme l’a exprimé Glen Ford du Black Agenda Report.

Biden prétend maintenant avoir désavoué une partie de son racisme anti-Noirs – bien qu’il y ait peu des raisons de penser qu’il changerait fondamentalement après une carrière passée à promouvoir une politique de droite.

(En fait, l’année dernière, Biden a rassuré les riches donateurs, disant que, s’il était élu président, « personne ne verrait son niveau de vie changer. Rien ne changerait fondamentalement ».)

De la même façon, quand on en vient aux Palestiniens, le sectarisme demeure totalement intact, et dans le discours et sur le fond.

En réalité, c’est à Israël, qui soumet des millions de Palestiniens à une brutale oppression, qu’est donnée l’autorisation de faire ce qu’il veut, tout en vivant largement aux frais du contribuable américain.

Et pendant ce temps, les Palestiniens, enfermés dans des bantoustans et des ghettos, et régulièrement bombardés par Israël et assassinés par ses tireurs d’élite, sont réprimandés pour leurs piètres « choix ».

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada

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