L’exécution par la police d’un Palestinien handicapé est un crime de guerre

Maureen Clare Murphy, le 9 juin 2020

Des Palestiniens handicapés de la ville de Gaza protestent contre le meurtre par la police israélienne de Iyad Hallaq à Jérusalem, le 3 juin. 
Mahmoud AjjourAPA images

L’assassinat par la police israélienne d’un Palestinien handicapé à Jérusalem le mois dernier équivaut à une exécution extrajudiciaire, a déclaré mardi le groupe Al-Haq, dans un appel urgent aux experts des droits de l’homme des Nations Unies.

Iyad Hallaq « ne représentait aucune menace pour la vie de ceux qui l’entouraient au moment » de son assassinat dans la vieille ville de Jérusalem, le 30 mai. Son assassinat est un crime de guerre relevant de la « responsabilité pénale individuelle », a ajouté le groupe palestinien de défense des droits de l’homme.

Hallaq avait « une déficience intellectuelle de type autistique qui limitait son interaction avec le monde extérieur et des handicaps physiques qui affectaient son audition et ses mouvements », a déclaré Al-Haq.

Le jeune homme de 31 ans « avait déjà fait part de sa crainte de la police israélienne à ses parents « , a déclaré Al-Haq, qui a enquêté sur son assassinat, dans son appel urgent.

Hallaq se rendait au Centre Elwyn, une école pour personnes handicapées qu’il fréquentait quotidiennement depuis six ans, lorsque la police des frontières israélienne lui a demandé d’arrêter de marcher.

En raison de sa peur de la police, Hallaq a commencé à courir vers son école.

Warda Abu Hadid, l’aide-soignante de Hallaq, a vu Hallaq courir et s’est adressée à la police en criant en arabe et en hébreu que Hallaq était handicapé.

La police, qui prétend avoir cru que Hallaq était armé, a ignoré les appels de Warda Abu Hadid et a tiré à balles réelles sur Hallaq alors qu’il continuait à courir.

Lorsqu’un officier a demandé à Abu Hadid « Où est le pistolet », la soignante a de nouveau déclaré que Hallaq était handicapé. Touché au pied, Hallaq a montré Abu Hadid du doigt et a dit à l’officier qu’elle était son professeur.

« Puis, après cinq minutes de préméditation apparente, l’officier de la police des frontières israélienne a tiré trois balles réelles sur Iyad, d’une distance ne dépassant pas cinq mètres. »

Une aide-soignante traumatisée, une descente au domicile familial

Selon l’enquête d’Al-Haq, Hallaq ne tenait rien dans ses mains quand il a été tué.

Les forces d’occupation israéliennes ont manqué au devoir de fournir à Hallaq un traitement médical immédiatement après l’avoir blessé.

Vingt minutes plus tard, après que la directrice du Centre Elwyn soit arrivée sur les lieux et ait déclaré que Hallaq était l’un de ses étudiants, les forces israéliennes ont permis à une ambulance d’atteindre l’homme blessé.

Abu Hadid, l’accompagnatrice de Hallaq, a été agressée par la police et emmenée à un poste proche, où elle a été forcée d’enlever son voile de tête et ses vêtements.

Elle y a été retenue pendant environ deux heures avant d’être emmenée au célèbre Domaine russe, où elle a été interrogée pendant trois heures avant d’être libérée.

Abu Hadid, qui avait un pistolet de police pointé sur sa tête dans les moments précédant le tir fatal sur Hallaq, a été laissée « frissonnante et dans un état d’hystérie, résultant d’une maltraitance interdite », a déclaré Al-Haq.

Pendant ce temps, les forces israéliennes ont fait un raid sur la maison de la famille Hallaq, la fouillant et agressant les membres de sa famille. C’est alors que la famille a été informée que Hallaq avait été tué.

Selon Al-Haq, Israël a retenu les images des caméras de surveillance de la zone où Hallaq a été tué et un ordre de silence a été imposé à l’avocat de la famille Hallaq, pour empêcher que les informations sur les procédures judiciaires ne soient communiquées au public.

L’assassinat délibéré de Hallaq « entraîne la responsabilité pénale individuelle » des auteurs de son assassinat, « ainsi que celle des responsables militaires et civils israéliens qui ont rédigé et approuvé les règles d’engagement d’Israël pour l’utilisation de tirs réels », a déclaré Al-Haq.

Le groupe a appelé les Etats tiers à « activer les mécanismes de compétence universelle » et a demandé « l’ouverture immédiate » d’une enquête par la Cour pénale internationale pour tenir Israël responsable.

Benjamin Netanyahu, le premier ministre israélien, a dénoncé le meurtre comme « tragédie » et a demandé « une enquête complète sur cette affaire ».

Cependant, les groupes de défense des droits de l’homme ont longtemps rejeté les auto-enquêtes d’Israël comme des mécanismes de blanchiment, dont le véritable objectif est de décourager le contrôle judiciaire international.

Des Palestiniens handicapés tués

Par exemple, Israël s’est absous du meurtre d’Ibrahim Abu Thurayya, un double-amputé qui a été abattu lors de manifestations dans la bande de Gaza en décembre 2017.

Les forces d’occupation ont tué plusieurs autres Palestiniens handicapés lors des manifestations de la Grande Marche du retour qui ont été lancées à Gaza quelques mois après la mort d’Abu Thurayya.

L’un d’entre eux était Fadi Abu Salmi qui, comme Abu Thurayya, avait perdu ses jambes lors des frappes aériennes israéliennes, des années auparavant.

Il a reçu une balle dans la poitrine alors qu’il était assis dans son fauteuil roulant sous un arbre avec des amis lors des manifestations de la Grande Marche du retour, le 14 mai 2018.

Une commission d’enquête de l’ONU a conclu qu’Abu Salmi « ne représentait pas une menace imminente de mort ou de blessure pour les soldats [israéliens] au moment où il a été tué ».

Cette commission d’enquête a conclu que les forces d’occupation pourraient avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en utilisant une force militaire mortelle contre des manifestants non armés à Gaza. Ces crimes impliquent des tireurs d’élite israéliens qui ont intentionnellement tiré sur des personnes handicapées en sachant qu’elles étaient handicapées.

Selon Al-Haq, Israël recourt systématiquement à un usage excessif de la force, y compris contre les Palestiniens handicapés.

Dix Palestiniens handicapés, « dont cinq souffraient de handicaps psychosociaux, intellectuels ou de troubles du développement », ont été tués par les forces israéliennes en 2018, selon le groupe.

Parmi eux se trouve Muhammad Habali, qui a été abattu alors qu’il s’écartait de la direction des tirs des soldats lors d’un raid sur la ville de Tulkarem en Cisjordanie.

Al-Haq a déclaré à l’époque que Habali « est né avec un handicap mental, ce qui lui a laissé des difficultés à reconnaître son environnement et à identifier les menaces et les conséquences des risques ».

La vidéo montre que Habali ne représentait aucune menace concevable pour qui que ce soit lorsqu’il a été tué.

Traduction : SF pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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