À Gaza, des familles appellent à l’aide après que deux nourrissons soient mort en attente de permis pour un traitement médical en Israël

Par Tareq S. Hajjaj, le 3 juillet 2020

Jehad Yaghi tend une photo de son petit-fils de neuf mois, Omar Yaghi, mort la semaine dernière à Gaza après que l’Autorité Palestinienne ait interrompu les permis de sortie pour les Palestiniens en quête d’un traitement médical en Israël et en Cisjordanie.
(Photo : Mohammed Salem)

Deux nourrissons sont morts dans la Bande de Gaza en attendant des permis pour des traitements médicaux en Israël, une tragédie dont les Palestiniens redoutent avec angoisse qu’elle s’amplifie dans les semaines à venir. Les permis pour autoriser les patients les plus malades de Gaza à recevoir un traitement en Israël et en Cisjordanie ont pris fin abruptement le 19 mai quand le président palestinien Mahmoud Abbas a annoncé la fin de la coordination avec Israël. C’était pour protester contre les projets israéliens d’annexer des parties de la Cisjordanie en juillet.

Le premier enfant est mort la semaine dernière, le petit Omar Yaghi de neuf mois qui attendait la permission de sortir de Gaza pour l’opération d’une anomalie cardiaque. Lundi, Anwar Harb est mort neuf jours après sa naissance, lui aussi d’une maladie cardiaque.

Mercredi, l’Envoyé Spécial des Nations Unies au Moyen Orient, Nikolay Mladenov, a dit que, et Israël et l’Autorité Palestinienne étaient responsables de « l’arrêt de la coordination civile » et de la mort d’Omar Yaghi.

« Déjà, un bébé de [neuf] mois a perdu la vie à cause de cette situation », a dit Mladenov. « Il faut vraiment tracer une ligne rouge quand il s’agit de la vie d’enfants. »

Jehad Yaghi, le grand-père d’Omar, a dit qu’ « il aurait survécu s’il avait pu bénéficier des deux opérations restantes qui devaient avoir lieu le 21 mai à l’hôpital Sheba en Israël ».

« La vie des patients est sacrée et ne devrait pas être mise en jeu à cause de situations politiques. Omar serait dans les bras de sa famille maintenant s’il avait pu bénéficier de l’opération telle qu’elle était programmée. Les médecins l’ont confirmé, et pourtant, il est décédé. Un ange qui avait un sourire charmant, il est mort uniquement parce qu’il était malade à Gaza », a-t-il dit.

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Jehad Yaghi étale les documents médicaux, résultats d’analyse et diagnostiques, de son petit-fils, Omar Yaghi, qui est mort la semaine dernière. (Photo : Mohammed Salem)

Yaghi a étalé les comptes-rendus des médecins et les vieux formulaires de permis qu’il a remplis pour les quatre dernières opérations d’Omar. Les larmes aux yeux, il a ajouté : « C’était un très bel enfant et qui souriait chaque fois qu’on le portait et qu’on l’embrassait. C’était un petit ange, et maintenant il est monté au ciel. »

Omar est né avec des malformations congénitales au coeur. Deux heures après sa naissance, on l’a transporté à l’unité de soins intensifs de l’Hôpital pour enfants Abdel Aziz Al-Rantisi. Quand il devint clair qu’aucun hôpital de Gaza n’était en capacité d’assurer la chirurgie dans il avait besoin, sa famille a alors pu obtenir les permis pour quatre opérations différentes en Israël.

« La famille nourrissait de l’espoir après avoir reçu les commentaires des médecins disant qu’il s’en sortirait », a dit Yaghi. « Son état était curable si les choses s’étaient passées comme prévu. C’est inhumain de soumettre des malades à des différends politiques. » « Des malades qui ont besoin d’un traitement ne sont pas des ennemis, encore moins les enfants », a dit le grand-père.

L’Autorité Palestinienne a dit qu’elle arrêterait sa coordination avec Israël et gèlerait le Comité Palestinien des Affaires Civiles, l’organe responsable du traitement des demandes de permis médical à l’administration civile de l’armée israélienne pour les patients vivant à Gaza. Et de même, l’AP a dit qu’elle cesserait de régler les factures médicales des Palestiniens déjà en soins en Israël.

Le Coordinateur des Activités du Gouvernement dans les Territoires, ou COGAT, administrateur militaire civil d’Israël, a confirmé sur les réseaux sociaux qu’il ne recevait plus de permis de la part de l’AP.

« Dans cette période, il y a des retards et des perturbations dans le processus de transfert des demandes de permis d’entrée en Israël pour les résidents de Gaza. Ces perturbations sont le résultat de la décision du Comité Civil de l’AP de cesser de traiter les demandes [de permis] venant de la Bande de Gaza et de nous les transférer », à écrit le COGAT sur Facebook, rapporté par The Times of Israel.

Certains Palestiniens ont contacté en urgence la Croix Rouge et Médecins pour les Droits de l’Homme, implorant ces agences de secours de remplir des demandes de permis. Quelques uns ont réussi, mais on ne sait toujours pas clairement si la majorité des Palestiniens dont des opérations ou des chimiothérapies étaient programmées en Israël ont réussi.

Jehad Yaghi montre un compte-rendu médical sur son petit-fils Omar Yaghi.
(Photo : Mohammed Salem)

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé, avant le début de la pandémie, plus de 1.750 patients de Gaza ont déposé tous les mois des demandes de permis pour un traitement dans les hôpitaux d’Israël ou de Cisjordanie. Les données fournies par l’association israélienne des droits de l’Homme Gisha montrent, qu’avant le mois de mars, près de 1.500 Palestiniens ont quitté Gaza tous les mois pour accéder à un traitement. Après le déclenchement de l’épidémie, le chiffre est tombé à 200. On s’attend à ce que le chiffre de juin ne dépasse pas quelques dizaines.

« Presque un tiers des demandes concerne des patients cancéreux ; d’autres demandent des chirurgies spécialisées, de l’imagerie médicale, de la cardiologie, ou d’autres services autrement indisponibles », a indiqué l’OMS la semaine dernière. « Et surtout, les patients de ce groupe sont très malades, avec une probabilité de survie à six mois à partir de la première demande de permis de moins de 90 %. »

La famille de Bayan Kahlout, âgée de quinze jours, a contacté la Croix Rouge et a appris lundi que sa demande de permis était enregistrée pour des soins à l’hôpital Al Makassed de Jérusalem Est. Elle a déjà raté son premier rendez-vous qui était programmé pour quatre jours plus tôt.

« Nous savions que, si nous ne disions rien, elle décéderait, nous avons donc commencé à faire tout ce qui était possible pour qu’elle soit transférée et soignée », a dit son oncle Hadi Kahlout. « Nous avons posté son dossier et sa photo sur les réseaux sociaux, nous avons sans cesse appelé la Croix Rouge, nous leur avons demandé de trouver un moyen d’aider Bayan avant qu’il ne soit trop tard. »

« Lundi, la Croix Rouge nous a informés qu’elle pouvait organiser son transfert en Israël, ils avaient obtenu un permis en urgence à cause de la dégradation de l’état de Bayan. Mais, lundi soir, Bayan n’est pas entrée à l’hôpital. » Des retards au checkpoint d’Erez, sortie de Gaza vers Israël, ont empêché leur voyage, « mais peut-être qu’elle y arrivera cette nuit ? » a continué Kahlout.

D’autres Palestiniens de Gaza attendent urgemment de reprendre leur traitement habituel pour des pathologies qu’on ne peut soigner à Gaza. Fayez Abu Shurbi, 55 ans, a entamé fin novembre une chimiothérapie pour une leucémie myéloïde aiguë. A l’époque où il a été diagnostiqué, il travaillait dans le bâtiment et souffrait d’inexplicables accès de fatigue.

« Découvrir que j’avais cette grave maladie a bouleversé ma vie. J’ai commencé à aller à l’hôpital An-Najah, très souvent, dans la ville de Naplouse en Cisjordanie », a dit Abu Shurbi.

Son premier cycle de chimiothérapie a duré quatre mois et les rendez-vous étaient incohérents. Pour chaque traitement, j’avais besoin d’un nouveau permis de sortie.

« Parfois j’obtenais le permis, d’autres fois non. Ma santé se dégradait de plus en plus, j’ai quitté mon travail et j’ai consacré ma vie à me battre pour mon traitement », a-t-il dit.

Son dernier traitement, une greffe de moelle osseuse, avait été prévu pour la mi-mars. Cependant, une fois que la pandémie du coronavirus a atteint la région, l’hôpital a annulé son opération. Deux autres dates

reprogrammées pour l’opération ont elles aussi été annulées, mais cette fois parce que l’AP avait gelé le bureau des permis.

« Pendant tout ce temps là, mon état a empiré », a dit Abu Shurbi. « Le nouveau rendez-vous est pour le 7 juillet, et je ne sais pas si je vais avoir mon traitement ou pas. »

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : Mondoweiss

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