Par Maureen Clare Murphy, le 15 juillet 2020
Le processus de paix au Moyen-Orient, pour lequel se sont écrites tant de nécrologies, est toujours en vie et, même si ce n’est pas exactement ça, au moins il maintient le salaire de certaines personnes.
Nickolay Mladenov, l’envoyé des Nations Unies pour la paix au Moyen-Orient, a twitté lundi une capture d’écran d’une vidéoconférence entre les bâtisseurs de paix palestiniens et israéliens. Il a salué ce qu’il a qualifié d’ « excellente discussion » sur le dialogue et le « maintien de la perspective de paix ».
Certains des Palestiniens qui participaient à la réunion travaillent pour des organisations dont le programme va à l’encontre des principes du mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS).
Ce mouvement se fonde sur un appel lancé en 2005 qui a été approuvé par la grande majorité de la société civile palestinienne.
Comme l’explique le site web du comité directeur de BDS, le mouvement « s’oppose aux activités qui créent une fausse impression de symétrie entre le colonisateur et le colonisé, qui présentent Israël comme un État ‘normal’, un État comme les autres, ou qui tiennent les Palestiniens, les opprimés, et Israël, l’oppresseur, responsables à part égale du ‘conflit’ ».
Ceci est un principe diamétralement opposé à l’approche que défendent Mladenov et d’autres qui sont payés pour imposer un paradigme privilégiant une solution à deux États, plutôt que d’exiger le respect des droits humains des Palestiniens.
Un appel à la justice
Pendant que Mladenov discutait de la « nécessité d’un dialogue », plus de 80 Palestiniens et groupes internationaux de défense des droits de l’homme lançaient un appel pressant aux Nations Unies suite à l’exécution extrajudiciaire d’Ahmad Erakat à un check-point militaire israélien le mois dernier.
Les groupes exigent « la justice internationale et qu’Israël ait à rendre des comptes pour sa politique du tirer pour tuer qui vise les Palestiniens ».
Erekat a été pris pour cible et tué « sans aucune nécessité ni qu’il ait constitué une menace pour la vie ou de blessures graves » déclarent les groupes.
« Il a alors été laissé à se vider de son sang pendant une heure et demie, alors que les forces d’occupation israéliennes lui refusaient l’accès aux soins médicaux ».
L’armée israélienne a diffusé des images censées montrer Erakat en train de heurter intentionnellement le check-point avec sa voiture. Erakat, dont l’image est brouillée, a été abattu aussitôt sorti de son véhicule.
Israël a plus tard diffusé les images non brouillées, à la demande de la famille d’Erekat.
La vidéo non modifiée « montre clairement qu’Erekat n’était pas armé et qu’il levait les mains en l’air, ne représentant aucune menace pour les soldats armés israéliens ni pour quiconque dans le secteur » déclarent les groupes dans leur intervention.
Dans les mêmes moments, la famille d’Iyad Hallaq, un autre Palestinien récemment exécuté dans une rue par les forces israéliennes, conteste les affirmations d’Israël selon lesquelles les caméras de sécurité de la zone ne fonctionnaient pas au moment du tir.
Le journal Haaretz de Tel Aviv a découvert qu’il y avait au moins 10 caméras de sécurité à proximité de l’endroit, dans la Vieille Ville de Jérusalem, où Hallaq, qui avait des traits autistiques, a été poursuivi par la police et tué alors qu’il se rendait dans une école pour personnes handicapées.
« Nous avons une très forte présomption que (la police) dissimule des preuves dans ce dossier » a déclaré à la publication l’avocat de l’homme qui a été tué.
Selon Harretz, les parents de Hallaq ont dit que leur fils enregistrait souvent son trajet vers et depuis l’école avec son téléphone portable, lequel a été rendu à la famille mais avec son contenu effacé.
Israël ne publie la documentation de sa violence que s’il pense qu’elle alimente sa version, comme dans le cas de l’exécution d’Erakat. Plus généralement, les caméras de sécurité sont confisquées et aucune des images enregistrées ne voit jamais la lumière du jour.
Deux parmi la poignée de condamnations de soldats israéliens pour le meurtre d’un Palestinien ont été prononcées alors que l’exécution avait été enregistrée sur vidéo et publiée par des organisations de premier plan.
Lutter contre l’impunité
Même dans ces cas, les soldats n’ont reçu que des peines légères. Ben Dery, policier de la Police des frontières, a été condamné à neuf mois de prison pour le meurtre intentionnel de Nadim Siam, 17 ans, en 2014.
Elor Azarya, médecin de l’armée israélienne, a été condamné à 18 mois de prison pour avoir tiré dans la tête d’Abd al-Fattah Yusri al-Sharif, alors que celui-ci était blessé et allongé à terre dans une rue, en 2016.
Plus de 750 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza depuis octobre 2015, affirment les groupes de défense des droits de l’homme dans leur intervention aux Nations Unies.
Ils notent que la politique du « tirer pour tuer » d’Israël est utilisée contre les Palestiniens des deux côtés de la Ligne verte qui sépare Israël des territoires qu’il occupe.
« L’impunité généralisée d’Israël doit être considérée comme partie intégrante de son régime institutionnalisé d’oppression raciale systématique et de domination sur le peuple palestinien, régime qui constitue le crime d’apartheid » ajoutent les groupes.
L’apartheid en Afrique du Sud a pris fin quand la perpétuation de l’injustice a coûté trop cher à la classe dirigeante de ce pays.
Il n’a pas pris fin comme le résultat d’efforts interminables de « dialogue » et de « construction de la paix ».
Quand les systèmes de violence et d’oppression seront démantelés, alors la paix sera possible.
En appelant à la paix sans exiger que soient assumées les responsabilités, Mladenov montre clairement que ce qu’il recherche en réalité, c’est la pacification des Palestiniens.
Mauren Clare Murphy est rédactrice en chef de The Electronic Intifada et vit à Chicago.
Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine
Source : The Electronic Intifada