Un juif américain sur quatre considère le sionisme comme un mouvement d’apartheid raciste et colonialiste (selon un groupe de réflexion israélien de droite)

Par Philip Weiss le 18 septembre 2020 

Un quart des Juifs américains expriment des idées extrêmement critiques sur Israël et le sionisme, notamment sur le fait qu’Israël est raciste, colonial et un état d’apartheid. Plus encore, 31 % d’entre eux voteraient pour Rashida Tlaib et Ilhan Omar, même si le lobby israélien qualifie les deux congressistes d’antisémites. Bien que les organisations de lobbying israéliennes s’efforcent de rejeter la responsabilité de l’antisémitisme sur la gauche, les Juifs américains n’y croient pas : 51 % d’entre eux considèrent la droite comme la source de l’antisémitisme, tandis que 12 % seulement estiment que la gauche joue un rôle égal ou supérieur dans sa promotion.

Ce sont les conclusions d’une enquête menée par un groupe de réflexion de droite, le Jerusalem Center for Public Affairs ( JCPA ) , intitulée « Les Juifs américains en transition : Comment les attitudes à l’égard d’Israël peuvent changer ». Publié en juillet, je n’ai vu le sondage que maintenant parce que J Street a apprécié sa conclusion selon laquelle les juifs américains libéraux peuvent être pro-israéliens et se sentir aliénés par le gouvernement israélien de droite.

La découverte la plus intéressante est que la solidarité palestinienne s’accroît au sein de la communauté juive. Et pas moins d’un quart des 700 Juifs américains interrogés par le JCPA sont antisionistes !

Les juifs américains libéraux « pro-israéliens » éprouvent au moins une certaine sympathie pour les Palestiniens, avec des niveaux de sympathie globalement faibles à modérés. Ce qui peut être considéré comme une minorité distincte mais peut-être significative (qui peut atteindre 25%) semble avoir des croyances qui sont intensément critiques envers Israël et le sionisme lui-même, y compris des opinions selon lesquelles le sionisme pourrait être un mouvement colonial et/ou raciste d’apartheid tel qu’il est pratiqué en Israël aujourd’hui. 

Le message de solidarité palestinien a été efficace : les « droits humains » ont gagné en popularité même au sein de la communauté juive pour créer des « associations négatives » envers Israël :

Le langage des « droits humains » par les activistes anti-Israël joue un rôle important dans l’évaluation cognitive de la politique israélienne et en général a travaillé à créer un doute et à légitimer la remise en question de la politique israélienne et à renforcer certaines associations négatives envers Israël chez certaines personnes.

Le BDS a également eu un grand retentissement dans la communauté juive ! Même si tout le monde, de Barack Obama à Jonathan Greenblatt, dit que c’est antisémite.

Dans les « tests » de groupes de discussion sur la sympathie et l’approbation perçues… Lorsque des exemples critiques d’Israël étaient formulés en termes de « droits humains », comme dans le cas du BDS ou du centre des droits arabes Adalah, une minorité distincte s’identifiait à ces mouvements et leur exprimait sa sympathie (bien que la plupart n’aient pas été sympathiques).

Ces attitudes se traduisent dans le comportement de vote. De nombreux Juifs voteraient pour des membres du Congrès que le lobby israélien a qualifiés d’antisémites.

Bien qu’elles soient massivement et fermement d’accord avec les déclarations indiquant qu’ils ne voteraient jamais pour un candidat antisémite (95/100) ou anti-Israël (76/100), lorsqu’on les interroge sur Ilhan Omar et Rashida Tlaib, deux représentantes démocrates dont l’histoire est associée à des positions sans doute antisémites/anti-Israël, nous avons constaté que de nombreuses personnes de notre échantillon étaient prêtes à voter pour elles plutôt que pour un républicain « modéré » et « pro-Israël » si cet opposant n’avait pas d’autres positions avec lesquelles elles étaient d’accord… Alors qu’environ 18 % seraient « en difficulté et ne sauraient pas quoi faire », 31 % voteraient pour Omar ou Tlaib carrément, et 23 % de plus diraient qu’Israël ne serait pas le facteur décisif si’elles n’étaient pas d’accord avec le candidat sur d’autres questions.

Choix de réponsesRéponses
J’envisagerais de m’abstenir et de ne pas participer à cette élection.6,09 %19
Je voterai Démocrate (Rashaida Tlaib ou Ilhan Omar)31,41 %98
Je voterai pour le Républicain le plus pro-Israel14,10 %44
Je voterai pour le candidat avec qui je suis le plus en accord malgré Israël23,72 %74
Je voterais pour un candidat tiers2,24 %7
Je serais en difficulté et ne saurais pas quoi faire18,27 %57
Autres4,17 %13
TOTAL
312

Les Juifs ne considèrent pas, dans leur écrasante majorité, la gauche comme une source d’antisémitisme. Bien que l’ADL [Anti-Defamation League ] et l’AJC [American Jewish Committee]s’efforcent de dire que la gauche est aussi dangereuse que la droite. À la question de savoir si l’antisémitisme provient de la droite ou de la gauche, ou s’il ne s’agit pas d’une idéologie politique, voici comment les Juifs répondent :

Choix de réponsesRéponses
Presque exclusivement de la Droite21,47 %67
Principalement de la Droite30,77 %95
Presque exclusivement de la Gauche0,32 %1
Principalement de la Gauche0,64 %2
A peu près la même chose pour les deux Droite et Gauche11,86 %37
Lié à des facteurs sociaux/culturels/ethniques et pa à une idéologie politique 29,81 %93
Autres (merci de préciser)5,13 %16
TOTAL
312

Retour à l’antisionisme. Le JCPA estime que l’approbation retentissante de Peter Beinart en faveur d’un seul État en juillet n’est pas « surprenante ». Beinart n’est pas un cas particulier (comme je l’ai dit à l’époque) ; il voit le processus :

Depuis que cette étape de notre recherche est terminée, un article de Peter Beinart, qui autrefois prétendait soutenir et s’identifier à un «sionisme humain et universaliste», démontre clairement ce que nos données et nos conclusions ont trouvé…. [L] a croyance de Beinart, autrefois vraisemblablement sioniste, dont l’article proclamait: «Je ne crois plus en un État juif», n’est ni particulièrement choquante ni surprenante [à la lumière des données]…. Alors que ses idées peuvent refléter les sentiments d’une partie de l’Amérique juive qui n’a peut-être pas ressenti cela dans le passé, la plupart des organisations juives progressistes de gauche ne sont toujours pas d’accord publiquement avec Beinart.

Typique des organisations de lobbying israéliennes, le JCPA attribue ces attitudes critiques à l' »ignorance » américaine et à la désinformation sur la gravité de la situation des Palestiniens. Et il note qu’une majorité de Juifs approuvent le sionisme et l’idée d’un État juif, même s’ils ne sont pas enthousiastes quant à son bilan en matière de droits humains. Ceci est conforme à l’affirmation de l’écrivain pro-israélien Batya Ungar-Sargon selon laquelle 95 % des Juifs américains sont pro-israéliens, mais nous pouvons tout de même critiquer Israël.

L’enquête indique que Bernie Sanders et le mouvement Black Lives Matter servent à diviser la communauté juive, entre les progressistes et l’establishment :

Ajoutez à cela… le nombre important de juifs américains qui souscrivent à ce que l’on peut décrire comme une vision du monde libérale ou progressiste qui tend également à ne pas soutenir de nombreuses politiques israéliennes, et l’on peut comprendre comment la pression idéologique visant à s’éloigner de l’identification à Israël peut augmenter. L’idéologie progressiste semble être de plus en plus acceptée dans les cercles « libéraux » traditionnels, y compris les cercles libéraux juifs. La tendance à un soutien de plus en plus tiède à Israël, en particulier les politiques israéliennes perçues comme étant en contradiction avec les valeurs libérales-progressives, était mesurable avant la pandémie COVID-19 et les protestations du BLM. Les données ultérieures montrent que cette tendance est toujours présente. Le vecteur changeant du soutien général peut également être responsable des changements dans la façondont certains (bien qu’ils soient encore une nette minorité) Juifs américains, des personnes qui auraient normalement semblé être « pro-israéliennes », considèrent maintenant un principe fondamental du sionisme, à savoir le droit pour les Juifs d’avoir un « État juif ».

Ces attitudes sont cohérentes avec les tendances résolument progressistes de la communauté juive: 54% mettraient un genou à terre en participant à une manifestation contre le racisme systémique. 20% ne le feraient pas. 22% abandonneraient personnellement un emploi ou une place à l’école à une personne noire pour une action positive – bien que dans ce cas 45% ne le feraient pas.

Quant à l’annexion, un énorme bloc de la communauté juive américaine est contre l’annexion – 40 % – mais ce n’est encore qu’un bloc. Les 60 % restants sont dans le vague, ou ne veulent pas s’en mêler, ou soutiennent l’annexion.

 » Nous avons constaté que près de 60 % de l’échantillon… ne s’opposent pas fermement à l' »annexion », bien qu’un solide 40 % y soit opposé. Une minorité y est carrément favorable (environ 12+%)… »

Ce que je retiens de ces conclusions, c’est que J Street et d’autres organisations sionistes libérales doivent être inquiètes. Alors qu’Israël se montre encore et toujours de droite et intolérant, J Street va avoir de plus en plus de problèmes avec ses positions pro-juives et pro-américaines en matière d’aide au sein de la communauté juive libérale. De plus en plus de juifs vont adopter la position des démocrates progressistes, pour des sanctions contre Israël. De plus en plus de Juifs adopteront la position de Beinart, d’un État démocratique. Il n’est pas étonnant que les sionistes libéraux commencent à vaciller.

Traduction : GD pour l’Agence Media Palestine

Source : Mondoweiss

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