100 jours à souffrir de la faim pour la liberté

Par Tamara Nassar, le 3 novembre 2020

« Je ne veux pas mourir à l’hôpital Kaplan » a dit récemment Maher al-Akhras. « Je veux mourir au milieu de ma famille et de mes enfants ».

Taghrid all-Akhras, l’épouse du gréviste de la faim Maher al-Akhras, montre le portrait de son époux devant le centre médical Kaplan à Rehovot, le 6 octobre. (Oren Ziv ActiveStills)

Al-Akhras n’a pas mangé depuis 100 jours.

Ce père de six enfants, âgé de 49 ans, est en grève de la faim pour contraindre Israël à le libérer de sa détention.

Il est détenu depuis plus de trois mois sans inculpation ni procès – même devant les tribunaux militaires d’Israël où pourtant le taux de condamnation des Palestiniens atteint presque les 100 %.

Al-Akhras prend seulement de l’eau au centre médical Kaplan dans le centre d’Israël, où il est détenu.

Il souffre de « crises fréquentes, de maux de tête aigus, d’une faiblesse importante de sa vision et de son audition » et de douleurs intenses a déclaré lundi le Conseil des organisations de défense des droits de l’homme.

Celui-ci a mis en garde contre la « menace sérieuse et imminente sur sa vie ».

Le jeûne d’Al-Akhras au seuil de la mort est « une quête de justice », déclare le Conseil, ajoutant qu’il proteste non seulement contre son propre emprisonnement, mais aussi « contre la politique d’Israël, de longue date et illégale, de détention administrative ».

Il y a actuellement environ 350 Palestiniens placés en détention administrative, une politique coloniale britannique de détention, sans inculpation ni procès, poursuivie par Israël.

Les forces israéliennes ont arrêté al-Akhras le 27 juillet et lui ont remis un ordre de détention administrative de quatre mois, lesquels peuvent être renouvelés indéfiniment.

Al-Akhras a lancé une grève de la faim illimitée immédiatement après son arrestation.

Le Comité national du BDS, coalition de la société civile qui dirige le mouvement de la Palestine pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions, a demandé « aux groupes de solidarité du monde entier d’intensifier la pression sur Israël » pour faire libérer al-Akhras « immédiatement et sans condition ».

Une sanction pour activité politique

Également en détention administrative israélienne, Khalida Jarrar, membre du Conseil législatif palestinien, mise en détention par Israël en octobre 2019.

Son arrestation l’an dernier est intervenue huit mois seulement après sa libération d’une précédente période de détention administrative de 20 mois.

Jarrar a passé des années dans les prisons israéliennes et elle a été interdite de voyager en raison de son appartenance à un parti politique de gauche, le Front populaire pour la libération de la Palestine.

C’est de la même manière qu’Israël accuse al-Akhras d’être membre d’une organisation palestinienne politique et de résistance, le Jihad islamique – ce qu’il nie.

Israël considère pratiquement tous les partis et toutes les organisations de résistance palestiniens d’être des groupes « terroristes », ce qui signifie que toute personne qui milite politiquement peut être ciblée pour arrestation.

Les prisonniers palestiniens suspendent souvent leurs grèves de la faim une fois qu’Israël a accepté de ne pas renouveler leur ordre de détention administrative.

Al-Akhras a refusé de telles concessions, et il exige une libération immédiate, inconditionnelle.

« Mes seules conditions sont, la liberté ou la mort », dit-il dans une vidéo largement diffusée, depuis son lit d’hôpital.

La semaine dernière, la Haute Cour israélienne a refusé une demande de l’avocat d’al-Akhras pour qu’il soit transféré dans un hôpital palestinien.

« Je ne veux pas que mon corps soit mis dans congélateur (israélien) pour ne jamais être autopsié » a dit récemment al-Akhras.

« Je ne prendrai pas de nourriture, sauf chez moi ».

« Ma famille, ma mère et mes enfants, je vous aime tant » ajoute al-Akhras.

Une « suspension » dépourvue de sens

Le tribunal israélien a rejeté toutes les demandes de libération d’al-Akhras, insistant pour qu’il reste emprisonné jusqu’à la fin de son ordre de détention en cours, soit jusqu’au 26 novembre.

Ceci alors que le tribunal a admis qu’il ne représente aucune menace possible dans son état de santé.

La Haute Cour a mis une « suspension » sur l’ordre en cours de détention administrative d’al-Akhras.

Mais de tels gels ne changent rien pour le prisonnier : al-Akhras n’est toujours pas libre de quitter l’hôpital et de rentrer chez lui.

Le mois dernier, le groupe de défense des droits de l’homme, B’Tselem, a qualifié cette suspension de « solution interprétative inventée par la Haute Cour pour éviter d’avoir à prendre une décision – et d’en assumer la responsabilité – concernant les détenus administratifs au seuil de la mort ».

La persistance d’al-Akhras dans sa grève « ne permet pas à l’État et à la Cour de continuer à échapper à une décision » ajoute B’Tselem.

L’Union européenne refuse de demander sa libération

L’Union Européenne a finalement rompu son silence sur al-Akhras, vendredi.

Le bloc a déclaré qu’il « suivait de près » la détérioration de l’état de santé d’al-Akhras, dit Peter Stano, porte-parole de l’UE pour les Affaires étrangères.

L’UE a demandé à Israël de « respecter pleinement le droit humanitaire international » ainsi que « ses obligations en matière de droits de l’homme envers tous les prisonniers ».

Elle a aussi demandé à Israël de « faire tout ce qu’il peut pour préserver la santé » d’al-Akhras.

Mais la déclaration, ostensiblement, a failli à condamner la détention d’al-Akhras, de même qu’à demander sa libération.

Le silence prolongé de l’UE et sa déclaration minimaliste rappellent son manque d’intérêt quand Israël a arrêté le défenseur des droits de l’homme, Mahmoud Nawajaa, en début d’année.

Nawajaa, coordinateur général du mouvement BDS – Boycott, Désinvestissement et Sanctions – a été mis en détention et interrogé par l’occupation israélienne pendant 19 jours, avant d’être libéré sans condition.

Israël arrête constamment les défenseurs des droits de l’homme.

Au début de ce mois, Khitam Saafin, la présidente de l’Union des comités de femmes palestiniennes, et Muhannad al-Azzah, autre défenseur et militant pour les droits de l’homme, ont tous deux été placés en détention par les forces israéliennes.

Le harcèlement contre les militants et défenseurs des droits de l’homme palestiniens entre dans la politique d’Israël de « réduire au silence tous ceux qui défendent et expriment leur opposition à la politique d’occupation d’Israël » a déclaré Addameer, autre groupe de défense des droits de l’homme.

Michael Lynk, rapporteur spécial des Nations-Unies pour les Territoires palestiniens occupés, a lui aussi demandé à Israël de libérer immédiatement al-Akhras ou de le mettre en accusation pour crime sur la base de preuves « qui seraient admises dans tout État démocratique ».

Lynk a déclaré qu’Israël doit abolir la détention administrative, qu’il a qualifiée d’ « anathème dans toute société démocratique qui adhère à l’état de droit ».

Source: The Electronic Intifada

Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine

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