Par le Conseil des Organisations Palestiniennes des Droits de l’Homme (PHROC), le 2 novembre 2020
Alors qu’il entame le 99ème jour d’une grève de la faim, Maher Al-Akhras, Palestinien de 49 ans et père de six enfants, fait face à une grave et imminente menace sur sa vie au Centre Médical Kaplan. A cause d’une carence en sels minéraux et liquides organiques et de son refus de prendre des suppléments nutritifs, Maher a subi de fréquentes convulsions, de terribles maux de tête, une faiblesse significative de la vision et de l’ouïe, ajoutées à de sévères douleurs dans tout le corps, spécialement dans la poitrine. Le jour de sa dernière arrestation, le 27 juillet 2020, Maher a annoncé qu’il entamerait une grève de la faim, dans une quête de justice, non seulement contre son ordre de détention administrative de quatre mois, mais aussi contre la politique israélienne de longue date et illégale de détention administrative, qui touche actuellement environ 350 Palestiniens.

Le 25 octobre 2020, la Haute Cour d’Israël a encore rejeté une autre pétition déposée par l’avocat de Maher pour le faire libérer immédiatement. Dans sa décision, la Cour a mis en avant que l’ordre de détention administrative contre Maher est figé et qu’il devra rester sous la garde de l’occupant israélien au Centre Médical Kaplan. Significativement, la décision de « geler » l’ordre de détention administrative n’annule l’ordre en aucune façon ni n’élimine le risque de le voir renouvelé quand l’ordre de détention administrative de quatre mois prendra fin le 26 novembre 2020. Une décision de ce genre est l’illustration de l’intention de maintenir et de prolonger à tout prix la détention administrative de Maher. Compte tenu de la persistance de la Cour à ne pas révoquer l’ordre de détention administrative de Maher et de l’engagement de Maher contre la politique israélienne de détention administrative, il reste en grève de la faim jusqu’à son immédiate libération.
Le 27 juillet 2020, Maher a été arrêté par les forces israéliennes d’occupation et emmené au checkpoint et centre de détention d’Huwwara, où il a immédiatement annoncé le démarrage de sa grève de la faim. Maher a alors été transféré à la prison d’Ofer, où il est resté environ trois semaines, avant d’être emmené à la clinique médicale de la prison d’al-Ramla. Le 23 septembre 2020, alors que Maher commençait à perdre parfois conscience et à souffrir de conséquences sur sa santé, on l’a transféré au Centre Médical Kaplan où il est encore actuellement.
Significativement, Maher avait déjà été la cible des autorités d’occupation israéliennes et avait subi la politique israélienne d’arrestation et de détention administrative. Il a été arrêté pour la première fois en 1989, quand il a été emprisonné pour sept mois, puis à nouveau en 2004 pour deux ans. En 2009, il a été emprisonné et a passé 16 mois en prison sous détention administrative. Sa quatrième arrestation a eu lieu en 2018 où il a été détenu pendant 11 mois sous détention administrative.
Le 23 octobre 2020, le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, Professeur Michael Lynk, a émis un communiqué exhortant Israël, la Puissance Occupante, à libérer immédiatement Maher, spécialement au vu de l’état de santé désastreux de Maher et du manquement d’Israël à fournir des informations qui justifient ses allégations. Soulignant l’illégalité de la conduite d’Israël et l’utilisation de la détention administrative, le Professeur Lynk a par ailleurs appelé Israël à « abolir sa pratique de la détention administrative ». Parallèlement, l’Union Européenne a exprimé ses inquiétudes devant l’utilisation extensive par Israël de la détention administrative et a appelé Israël à « entièrement respecter le droit humanitaire international ainsi que ses obligations concernant les droits de la personne humaine envers tous les prisonniers… et de faire tout ce qu’il peut pour préserver la santé de Mr. Al-Akhras dans la poursuite du traitement de cette affaire ».
L’article 9 de la Convention Internationale des Droits Civiques et Politiques (CIDCP), dont Israël est un Etat Partie, garantit à chacun le droit de ne pas être soumis à une détention arbitraire et, en cas d’arrestation, d’être promptement informé sur les raisons de l’arrestation et de quelque accusation criminelle que ce soit. Alors qu’Israël a dérogé à ses obligations selon cet article, le Comité des Droits de l’Homme de l’ONU (CDH) a expliqué clairement, dans ses examens périodiques de la conformité d’Israël avec la CIDCP, qu’il s’inquiétait du fait que la pratique par Israël de la détention administrative violait les droits essentiels protégés dans la Convention. Par ailleurs, le CDH a maintenu qu’on ne peut déroger à l’exigence d’un contrôle juridictionnel effectif de la détention.
En plus, le droit à un procès équitable est garanti par le droit humanitaire international. Le principe juridique comme quoi personne ne peut être accusé ou condamné, si ce n’est à la suite d’un procès équitable offrant toutes les garanties juridiques essentielles, a été jugé conforme à l’usage par le Comité International de la Croix Rouge. Par ailleurs, et le droit humanitaire international et les lois sur les droits de l’homme établissent fermement que les personnes détenues doivent être traitées humainement et avec respect. On ne peut utiliser la détention administrative qu’exceptionnellement en cas d’urgence. Selon l’Article 78 de la Quatrième Convention de Genève, les personnes protégées ne peuvent être détenues que pour des « raisons impératives de sécurité », et cependant l’usage routinier de la détention administrative par Israël est en violation évidente des normes du droit international. Israël utilise systématiquement et arbitrairement la détention administrative, tout en agissant sur la base de « preuves secrètes », auxquelles ni le détenu ni son avocat ne peuvent accéder, sapant leur droit à un procès équitable. Il faudrait noter également que Maher est actuellement détenu en Israël, ce qui constitue une violation des Articles 49 et 75 de la quatrième Convention de Genève qui interdit le transfert de prisonniers hors du territoire occupé.
Le Conseil des Organisations Palestiniennes des Droits de l’Homme (PHROC) soutient que Maher ne devrait pas avoir à recourir à l’utilisation de son estomac vide pour exiger ses droits, ses droits ayant dû être protégés par le droit international. Alors que la communauté internationale faillit systématiquement à mettre fin à l’impunité d’Israël, Maher, comme tous les Palestiniens, restera sous la menace des pratiques et des politiques illégales d’Israël, dont la politique de la détention administrative.
En conséquence, le PHROC demande urgemment une intervention immédiate pour mettre fin à la détention administrative de Maher Al-Akhras et pour assurer ses droits à la santé, à la vie et à un procès équitable. Dans ce but, nous exhortons :
1. Israël, en tant que Puissance Occupante, à libérer immédiatement Maher Al-Akhras, actuellement en danger imminent pour sa vie, à arrêter toutes procédures et intentions de garder Maher en détention administrative, et de mettre fin à toute utilisation systématique et arbitraire de la détention administrative contre la population palestinienne protégée ;
2. la communauté internationale et toutes les Hautes Parties Contractantes de la Quatrième Convention de Genève de remplir leurs obligations envers la protection des droits de l’homme et de renforcer la mise en place du droit humanitaire international, surtout quand de graves brèches y sont ouvertes en période de conflit et d’occupation ;
3. à l’intervention immédiate de missions pertinentes de la Procédure Spéciale des Nations Unies, dont le Rapporteur Spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans le territoire palestinien occupé depuis 1967, le Professeur Michael Lynk, Rapporteur Spécial sur la Torture et Autres Traitements ou Punitions Cruels, Inhumains et Dégradants, le Professeur Nils Melzer et le Groupe de Travail sur la Détention Arbitraire ; et
4. à la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens en détention administrative, détenus indéfiniment sans charges ni procès, en contravention du droit international, et la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens qui approchent de la fin de leur condamnation et/ou qui devraient être mis en libération conditionnelle, afin de réduire la surpopulation des prisons.
FIN
Mahmoud Al Afranji
Coordinateur
Conseil des Organisations Palestiniennes des Droits de l’Homme
…
Le Conseil des Organisations Palestiniennes des Droits de l’Homme a été créé pour permettre aux ONG palestiniennes des droits de l’homme d’agir collectivement au service d’un but commun, promouvoir les droits de l’homme et le rôle du droit dans le territoire palestinien occupé.
Protégez l’environnement. Veuillez n’imprimer qu’en cas de nécessité absolue.
Le Conseil des Organisations Palestiniennes des Droits de l’Homme comprend :
…
Source: Alhaq
Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine