Un employeur israélien met des heures avant de signaler la mort d’un Palestinien dans un accident du travail

Par Hagar Shezaf, le 26 Octobre 2020

Le cas de Majdi Hamad, dont la famille affirme qu’il a été emmené tardivement à l’hôpital, met en lumière le problème des employés des entreprises israéliennes en Cisjordanie qui ne bénéficient pas des contrôles de sécurité des travailleurs israéliens

L’employeur israélien d’un Palestinien mort mardi lorsque son camion s’est renversé en Cisjordanie n’a prévenu la police de cet accident du travail que des heures plus tard et a négligé de leur dire que l’employé était mort.

Majdi Majed Hamad, 37 ans, originaire de la ville palestinienne de Yatta, en Cisjordanie, était employé à la carrière de Natuf, appartenant à Shapir Engineering and Manufacturing, dans la colonie cisjordanienne de Modi’in Illit. L’entreprise a déclaré qu’au moment du rapport à la police, elle ignorait qu’il était mort.

Les employés palestiniens d’entreprises israéliennes qui sont blessés dans des accidents du travail ont droit à être soignés dans des hôpitaux israéliens et les y envoyer est de la responsabilité de l’employeur. Mais au lieu d’appeler le service d’urgences médicales israélien Magen David Adom pour emmener Hamad à un hôpital israélien, ses employeurs ont appelé la Croix rouge palestinienne, qui aurait pris une demi-heure pour arriver et l’extraire du camion avant de l’emmener à Ramallah en Cisjordanie.

Selon sa famille, lorsque Hamad est arrivé à l’hôpital, il était mort. L’entreprise a nié qu’il y ait eu un délai avant l’arrivée de l’ambulance et a dit qu’il avait été décidé d’emmener Hamad à l’hôpital de Ramallah parce que l’entreprise avait eu précédemment des problèmes pour faire traverser les checkpoints vers Israël à des Palestiniens. Un parent de Hamad avait aussi demandé une ambulance de la Croix rouge, a ajouté Shapir.

« Nous voulons savoir pourquoi ils ont attendu que la Croix rouge arrive et n’ont pas appelé Magen David Adom », a dit son frère Amjad à Haaretz. « Il a été blessé à 22h 50 mais n’est arrivé à l’hôpital qu’à minuit. Magen David Adom aurait pu arriver en 10 minutes ».  

Le camion renversé à la carrière de Modi’in Illit, 20 octobre 2020

Parce que l’accident n’a pas été rapporté à Magen David Adom, les autorités israéliennes, y compris la police, n’en ont rien su immédiatement.

C’est seulement tôt le matin suivant que la carrière a informé la police qu’un de ses ouvriers avait été blessé. Selon Shapir, le directeur de la carrière est arrivé au poste de police de Modi’in Illit à 4h, mais n’a pas rempli de déclaration parce que l’agent de sécurité qui s’y trouvait a dit qu’il n’y avait personne pour la recevoir. En conséquence, l’accident n’a pas été formellement déclaré avant 8h30. A cette heure-là, la municipalité de Yatta avait déjà posté sur Facebook la nouvelle de la mort d’Hamad.

La famille de Hamad était déterminée à comprendre les circonstances de l’accident et le matin ils ont appelé un avocat, Nizar Assi, et sont allés à la carrière photographier la scène de l’accident. « Ils pensent que nous ne comprenons pas ce qui se passe, mais nous travaillons en Israël et conduisons des camions », a expliqué Jahed, le cousin d’Hamad. Des membres de la famille ont affirmé que le directeur de la carrière a essayé de leur barrer l’entrée.

L’avocat est venu sur le site dans l’après-midi et a demandé à la police de convoquer un enquêteur de l’administration de la sécurité du ministère israélien du Travail, mais  les lois israéliennes sur la sécurité au travail ne s’appliquent pas en Cisjordanie et l’administration de la sécurité professionnelle n’y contrôle pas la sécurité du travail et n’y enquête pas sur les accidents de travai. Assi a dit qu’il a informé la police que le corps de Majdi Hamad était à Ramallah et que la famille souhaitait l’enterrer dès que possible mais il n’a pas reçu de réponse avant le soir, alors que le corps avait déja été enterré.

Selon l’avocat, le camion qu’Hamad conduisait transportait du sable et s’est retourné sur une colline où il le déchargeait. Des photos de la nuit de l’accident montrent le camion retourné. La famille soupçonne de la négligence de la part de l’employeur, parce qu’ils disent que la pente sur laquelle le camion montait n’avait pas de barrière pour le sable et s’est effondrée lorsque des matériaux ont été enlevés par dessous.

En juillet, un ouvrier de la carrière Etziona de Shapir, près de Beit Shemesh, a été tué quand des rochers sont tombés sur lui. Selon une enquête préliminaire de l’administration de la sécurité professionnelle, les rochers ont chuté sur l’employé de 72 ans à la suite d’une explosion dans la carrière.

Ce n’était pas la première explosion à avoir provoqué des dégâts dans la carrière, a rapporté le site d’information Ynet. Le mois précédent, une explosion similaire a endommagé les fenêtres et les toits des voitures garées dans un parking à proximité. Selon l’administration de la sécurité, le directeur de la carrière de Beit Shemesh et l’homme responsable pour les explosions font tous deux l’objet de poursuites qui pourraient aboutir à la révocation de leurs permis.

Onze ordonnances relatives à la sécurité ont été émises en lien avec d’autres sites que l’entreprise gère, mais l’administration de la sécurité n’a aucune autorité sur la carrière gérée par l’entreprise en Cisjordanie.

« La législation de la sécurité au travail ne s’applique pas en Cisjordanie, donc l’administration de la sécurité professionnelle n’y contrôle pas la sécurité des ouvriers, laissant les ouvriers sans la protection de la loi ou des contrôles. Ils ne sont même pas comptés dans les données officielles des victimes d’accidents du travail. Etant donné cette sérieuse omission du gouvernement, il y a une importance particulière à mener une enquête de police exhaustive et approfondie », a dit Hadas Tagari, qui dirige un groupe surveillant les  accidents dans la construction et l’industrie.

En réponse, Shapir Engineering a exprimé sa tristesse à propos de la mort de son employé et a ajouté en particulier que la compagnie « considère l’observation méticuleuse des règles et des règlements de sécurité comme une valeur suprême. Par rapport à l’accident, il semble que ce n’est pas une affaire de négligence de la part de la compagnie et pour des raisons compréhensibles nous ne développerons pas parce qu’il s’agit d’une question sensible ».

« La décision d’appeler la Croix rouge a été prise par le superviseur, entre autres raisons parce qu’un parent du décédé, un employé qui était sur le site, l’a demandé. Il faut noter que le superviseur, qui avait eu dans le passé des problèmes pour transférer des Palestiniens en Israël, a décidé de l’évacuer dans une ambulance de la Croix rouge spécifiquement parce qu’il voulait transférer [Hamad] vers un hôpital aussi vite que possible et était inquiet des problèmes au checkpoint vers Israël. Selon l’information de la compagnie, l’ambulance de la Croix rouge est arrivé en un quart d’heure au plus après avoir été appelée et elle a évacué Hamad vers l’hôpital alors qu’il montrait des signes de vie. »

« Contrairement à ce qui a été affirmé, le directeur de la carrière s’est présenté lui-même avant l’aube au poste [de police] de Modi’in Ilit et a attendu, selon les instructions de l’agent en service, jusqu’à ce qu’une autorité compétente enregistre la déclaration. Quand celle-ci a été déposée, on ne savait pas qu’[Hamad] était mort et quand cela a été connu de l’entreprise, le directeur de la carrière a été envoyé le dire à la police. »

Source: Haaretz

Trad. CG pour l’Agence média Palestine

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