La France brave la décision de la Cour européenne de justice ayant affirmé le droit de boycotter Israël

Par Ali Abunimah, le 17 novembre 2020

Le gouvernement du président Emmanuel Macron brave un jugement historique de la Cour européenne des droits de l’homme qui protège le droit des gens à appeler au boycott des produits israéliens.

Cette décision intervient dans un contexte de crise grandissante, en France, sur les droits humains, où le gouvernement mène une violente répression de la dissidence et des protestations, et intensifie sa répression de la population musulmane du pays.

La décision unanime de la Cour européenne en juin a porté un coup majeur aux efforts d’Israël pour faire taire les critiques à son endroit, en annulant les condamnations pénales contre 11 militants de la défense des droits des Palestiniens en France.

La Cour a estimé que les condamnations des militants pour avoir appelé les acheteurs à boycotter les produits israéliens violaient la liberté d’expression garantie par la Convention européenne des droits de l’homme.

Elle a ordonné au gouvernement français de verser à chacun des militants près de 7000 euros de dommages et intérêts et leur a accordé les frais de justice.

Selon deux experts en droit français, la décision de la Cour européenne aurait dû inciter le gouvernement français à annuler ses instructions aux procureurs, publiées pour la première fois en 2010, selon lesquelles ils devraient poursuivre énergiquement les partisans du mouvement de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) pour les droits des Palestiniens.

Pourtant, loin de respecter cette décision qui fait jurisprudence – et de respecter les droits politiques des citoyens français – le ministère de la justice du gouvernement Macron a publié le mois dernier un mémorandum à l’intention des procureurs leur disant de continuer à enquêter sur les militants qui appellent au boycott d’Israël.

Le mémorandum affirme que les actions « appelant au boycott des produits israéliens » peuvent toujours constituer un crime en vertu de la loi française sur la presse en « incitant à la discrimination publique envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une nation ».

Un objectif politique

Selon les experts juridiques – le magistrat Ghislain Poissonnier et le professeur de droit Nicolas Boeglin – le nouveau mémorandum « cherche évidemment à préserver la pénalisation à la française des appels au boycott ».

« Il est clair que les autorités françaises refusent, en violation de la hiérarchie des normes, de se soumettre à la décision de la [Cour européenne des droits de l’homme] et au droit européen », ajoutent-ils.

Ils affirment que le ministère français de la justice essaie de contourner la distinction claire établie par la Cour européenne entre, d’une part, « l’incitation à ne pas consommer des produits pour contester la politique d’un État » et, d’autre part, les « appels à la violence contre des personnes ou les « propos racistes et antisémites visant les Juifs en tant que collectif ethno-religieux ».

Le gouvernement français tente d’entretenir « un flou sur la distinction entre l’appel au boycott des produits israéliens et l’antisémitisme, sans préciser clairement ce qui pourrait faire basculer l’un vers l’autre », observent Poissonnier et Boeglin.

Dans le même temps, le mémorandum du ministère de la justice incite les procureurs à soumettre les militants politiques à un niveau d’inquisition et de contrôle terrifiant : Il affirme que « le caractère antisémite d’un appel au boycott pourrait résulter directement des paroles, des gestes et des écrits des accusés » et peut également être « déduit du contexte ».

Le ministère de la justice « ne parvient pas à masquer son but qui est manifestement de réprimer à tout prix les appels au boycott des produits israéliens lancés dans le cadre de la campagne Boycott Désinvestissement Sanctions (BDS), concluent Poissonnier et Boeglin.

Une répression violente

Alors que la France mène depuis longtemps une campagne de répression visant les partisans des droits des Palestiniens, la répression autoritaire du gouvernement Macron s’étend à presque toutes les formes de dissidence.

La violence du gouvernement français contre son propre peuple met en évidence l’une des nombreuses valeurs qu’il partage avec Israël.

En septembre, le Comité pour la protection des journalistes a déclaré que « la France et Israël se distinguent par l’utilisation de munitions dangereuses » utilisées pour attaquer les manifestants et les journalistes qui les couvrent.

L’ironie est qu’en prétendant être un champion de la liberté d’expression, Macron insiste sur le fait que l’affichage des infâmes caricatures déshumanisant et dénigrant les croyances des Musulmans est non seulement permis mais nécessaire pour démontrer cet engagement en faveur de la liberté.

Macron mène en fait une guerre contre les citoyens musulmans de France, en se servant de la liberté d’expression pour couvrir l’animosité de l’État français envers les Musulmans et en menant une politique raciste de désignation de cette population comme bouc émissaire accusé de terrorisme.

La semaine dernière, Amnesty International a publié une déclaration intitulée « La France n’est pas le champion de la liberté d’expression qu’elle prétend être » – un euphémisme s’il en est.

« Des milliers de personnes sont condamnées chaque année pour « outrage aux fonctionnaires », une infraction pénale définie de manière vague, que les autorités policières et judiciaires ont appliquée massivement pour faire taire les dissidents pacifiques », déclare Amnesty.

« Ainsi, en 2019, deux hommes ont été condamnés « après avoir brûlé une effigie représentant le président Macron lors d’une manifestation pacifique ».

Dans un autre incident alarmant mentionné par Amnesty, « la police française a interrogé pendant des heures quatre enfants de 10 ans soupçonnés d’avoir fait « l’apologie du terrorisme » » après avoir apparemment remis en question le choix du professeur de français assassiné, Samuel Paty, d’afficher des caricatures qui dénigrent le prophète Mahomet.

Pendant ce temps, le gouvernement français utilise l’indignation suscitée par la violence des récentes attaques comme prétexte pour interdire des groupes musulmans de la société civile et de défense des droits civiques, en se fondant sur de vagues accusations politiques selon lesquelles ils promeuvent le « séparatisme ».

Alors que les Musulmans sont une cible clé de la répression, le gouvernement Macron a essayé d’éradiquer les protestations et les dissensions contre sa politique intérieure de la part du mouvement des gilets jaunes et des militants pour le climat.

« Des milliers de manifestants pacifiques ont été balayés par la répression draconienne des manifestations en France, qui a vu les autorités abuser de la loi pour imposer des amendes, arrêter arbitrairement et poursuivre des personnes qui n’ont commis aucune violence », selon un rapport d’Amnesty publié en septembre.

En 2018 et 2019, plus de 40 000 personnes, dont des manifestants, ont été condamnées sur la base de lois imprécises, pour des activités qui « ne devraient pas constituer une infraction pénale », selon Amnesty.

Les tours de force de Macron susciteraient l’envie de toute « dictature » que les gouvernements occidentaux nous appellent à vilipender, tout en se dépeignant faussement comme des champions de la liberté et des droits de l’homme.

Source: The Electronic Intifada

Traduction SF pour l’Agence Media Palestine

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