Pour l’État juif, il faut se servir de l’outil qu’est l’holocauste

Orly Noy, le 20 novembre 2020

Si le sionisme a antérieurement justifié ses crimes contre les Palestiniens au nom de l’holocauste, aujourd’hui c’est pour lui un outil servant à justifier l’antisémitisme.

Quelque chose de remarquable s’est produit dans la même semaine où un comité interne du gouvernement israélien a approuvé la nomination d’Effi Eitam, un ancien général de l’armée israélienne, qui est un acteur politique d’extrême droite, comme président de Yad Vashem, le musée de l’Holocauste en Israël. Lors d’une réunion avec le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, le secrétaire d’État américain sortant, Mike Pompeo, a annoncé que le président Donald Trump avait l’intention de déclarer le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) antisémite.

La proximité entre les deux annonces symbolise la phase finale de la métamorphose manipulatrice que l’antisémitisme et l’Holocauste ont subi aux mains du sionisme.

Voici ce qu’a dit Effi Eitam, un faucon de droite et un raciste déclaré, en 2006 lors du service commémoratif pour le Lieutenant Amichai Merhavia, tué pendant la seconde guerre du Liban :

Nous devrons faire trois choses : expulser la plupart des Arabes de Judée et de Samarie [Cisjordanie]. Impossible avec tous ces Arabes et impossible d’abandonner le territoire, parce que nous avons déjà vu ce qu’ils y font. Certains pourront rester sous certaines conditions, mais la plupart devront partir. Nous devrons prendre une autre décision, à savoir chasser les Arabes israéliens du système politique. Là aussi, les choses sont claires comme de l’eau de roche : nous avons créé une cinquième colonne, un groupe de traîtres au premier degré, nous ne pouvons donc pas continuer à permettre une présence aussi hostile et importante dans le système politique israélien. Troisièmement, face à la menace iranienne, nous devrons agir différemment de tout ce que nous avons fait jusqu’à aujourd’hui. Ce sont trois choses qui nécessiteront un changement dans notre éthique de la guerre.

L’expulsion de sa terre d’un peuple indigène occupé, par la force d’occupation est un crime de guerre. Empêcher la participation de citoyens au système politique sur la base de leur affiliation ethnique ou nationale est assimilable au fascisme. Le futur président de Yad Vashem ne craint pas d’exprimer des opinions qui s’apparentent à des crimes de guerre, pour le succès de ses ambitions politiques.

Effi Eitam prenant la parole à la conférence du Goush Katif, au musée de Tel Aviv Museum, le 23 mars 2017. (Yossi Zeliger/Flash90)

Trump, comme l’a écrit Libby Lenkinski dans ces pages, est l’homme qui a remis l’antisémitisme classique à la mode aux Etats-Unis, ce qui n’a pas empêché le premier ministre de l’État juif de l’étreindre chaleureusement.

Le penchant de Yad Vashem pour les fascistes et les criminels de guerre n’est pas un secret non plus. Depuis que le premier ministre de l’Afrique du Sud de l’Apartheid, John Worster, membre d’une organisation pro-nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, a visité Yad Vashem en 1976, le musée a accueilli une délégation de la junte militaire du Myanmar responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Il a ouvert ses portes au président brésilien Jair Bolsonaro, l’homme qui a fait l’éloge d’Hitler et qui soutient ouvertement l’extermination physique des personnes LGBTQ, la population indigène du Brésil et une foule d’autres atrocités, dont le viol, la torture et la dictature militaire. Il a même accueilli le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui a exprimé son soutien à Miklós Horthy, le dirigeant hongrois antisémite de la Seconde Guerre mondiale, et Anthony Lino Makana, du Sud-Soudan, un haut fonctionnaire d’un gouvernement responsable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Le premier ministre hongrois,Viktor Orban, en visite à Yad Vashem, Jérusalem, 19 juillet 2018. (Hadas Parush/Flash90)

Si le sionisme justifiait auparavant ses crimes contre le peuple palestinien au nom de l’holocauste, aujourd’hui c’est pour lui un outil justifiant l’antisémitisme lui-même, en échange d’un profit politique. Plus que cela : il permet à un antisémite de définir ce qu’est l’antisémitisme. C’est l’amère vérité à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui : pour l’État officiel d’Israël, le concept de l’Holocauste et l’antisémitisme sont des outils purement politiques et, en tant que tels, ils peuvent être manipulés, déformés et trompés, comme n’importe quel autre outil politique.

Après avoir dépossédé les Palestiniens sous le prétexte de l’Holocauste, les dirigeants israéliens adoptent maintenant un antisémite comme Trump qui persécutera les descendants de ces mêmes Palestiniens dépossédés, au nom de la lutte contre l’antisémitisme. Et pas seulement eux, mais aussi les innombrables juifs qui manifestent leur solidarité avec la lutte palestinienne pour la justice. Cependant, tant qu’il y aura des gens de conscience qui trembleront à la vue de cette exploitation odieuse de la mémoire de l’Holocauste, cela sera difficile à faire.

C’est pourquoi Effi Eitam, raciste et promoteur de crimes de guerre, a été désigné pour garder la mémoire de la tragédie juive – afin que l’Holocauste reste à jamais soumis à une manipulation utilitaire et politique. C’est ainsi qu’Israël honore les morts en 2020.

Cet article a été publié à l’origine, en hébreu, sur Local Call

Orly Noy fait partie de la rédaction de Local Call ; c’est une militante politique, traductrice de poésie et de prose farsi. Elle est membre du bureau exécutif de B’Tselem et elle milite au parti Balad. Elle écrit dans le cadre de l’intersectionnalité de son identité mizrahi, de féministe de gauche, de femme, de migrante vivant au sein d’une immigration perpétuelle, dans le dialogue constant entre ces identités.

Source: +972mag

Traduction SF pour l’Agence média Palestine

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