Un tribunal israélien s’appuie sur la loi sur « l’État-nation du peuple juif » pour rendre une décision raciste : pas de financement municipal des ramassages scolaires pour les enfants arabes, car il encouragerait les familles arabes à s’installer dans une « ville juive »

Par Adalah, le 30 novembre 2020

Fondant sa décision sur l’article 7 de la loi, un tribunal de police israélien a décidé que Karmiel était une « ville juive » et que les écoles de langue arabe ou le financement du transport des écoliers arabes étaient susceptibles d’altérer l’équilibre démographique de la ville et de lui nuire.

Le tribunal israélien s’est servi de la loi d’Israël sur l’État-nation juif pour justifier une politique municipale qui s’oppose à ce que les enfants arabes aient accès aux écoles de la ville  de Karmiel, dans le nord de l’État. Le tribunal laisse entendre que faciliter cet accès inciterait les citoyens arabes palestiniens d’Israël à s’installer dans la ville, ce qui porterait atteinte à son « caractère juif ».

Dans ce dossier, les plaignants intentaient un procès contre la municipalité de Karmiel afin d’obtenir 25 000 shekels (environ 6300 €) pour les frais de transports d’un frère et une sœur arabes, lesquels avaient été contraints de se rendre dans une école d’une ville voisine parce qu’il n’y avait aucune école de langue arabe dans leur ville.

Dans le rendu de sa décision, le tribunal de police israélien sous-entend que la création d’une école de langue arabe à Karmiel, voire même le financement du transport des enfants arabes palestiniens qui vivent dans la ville vers les écoles des communautés environnantes, inciteraient les familles arabes à venir vivre à Karmiel et que cet afflux de résidents arabes « altérerait l’équilibre démographique et nuirait au caractère de la ville ».

Dans son jugement, le tribunal déclare :

« Karmiel est une ville juive destinée à consolider la colonisation juive de peuplement en Galilée. La création d’une école de langue arabe ou même le financement du transport scolaire des élèves arabes  est susceptible d’altérer l’équilibre démographique et de nuire au caractère de la ville (actuellement environ 6 % des résidents de la ville sont des Arabes). L’article 7 de la Loi fondamentale : Israël – l’État-nation du peuple juif stipule que « l’État considère le développement de la colonisation juive comme une valeur nationale, et qu’il agira pour l’encourager et la promouvoir, et consolider son établissement ».

Le tribunal israélien poursuit :

« Le développement et l’établissement de la colonisation juive sont une valeur nationale inscrite dans la loi fondamentale et constituent une considération digne et éminente dans la prise de décision municipale, incluant l’établissement d’écoles et la détermination des politiques liées au financement des cars (scolaires) d’(élèves) venant de l’extérieur de la ville ».

L’avocat Nareman Shehadeh-Zoabi, d’Adalah – le centre juridique pour les droits des minorités arabes en Israël – a commenté la décision :

« Le refus de la municipalité de payer le coût du transport pour des centaines d’écoliers arabes qui vivent à Karmiel – alors qu’il n’y a aucune école de langue arabe dans la ville – viole manifestement les droits fondamentaux de ces enfants à l’éducation. C’est scandaleux. En fondant sa décision sur la loi sur l’État-nation juif, le tribunal a jugé que le mandat visant à préserver le « caractère juif » de Karmiel légitimait une politique ouvertement raciste et discriminatoire. C’est précisément ce contre quoi Adalah avait mis en garde lorsque nous avons lancé une action juridique contre cette loi. Au nom de la colonisation juive en tant que valeur nationale, les citoyens arabes palestiniens d’Israël ne peuvent même pas recevoir des services municipaux égaux ».

Au cours de l’année passée, Adalah a demandé à la municipalité de Karmiel de financer le transport scolaire des enfants arabes et au ministère israélien de l’Éducation d’élargir la carte des communautés voisines associées au programme de transport scolaire de Karmiel.

Une loi d’apartheid

Le 19 juillet, la Knesset israélienne a voté à 62 contre 55 pour approuver la loi fondamentale sur l’État-nation juif, qui asseoit constitutionnellement la suprématie juive et l’identité de l’État d’Israël en tant qu’État-nation du peuple juif.

Cette loi – qui comporte les caractéristiques des lois d’apartheid – garantit le caractère ethnico-religieux d’Israël comme exclusivement juif et consacre les privilèges dont jouissaient les citoyens juifs, tout en entérinant la discrimination à l’encontre des citoyens palestiniens, légitimant ainsi l’exclusion, le racisme et l’inégalité systémique.  

Adalah se bat contre la loi sur l’État-nation juif devant la Cour suprême

Moins d’un mois après sa promulgation, Adalah a déposé une requête contre la loi fondamentale d’Israël sur l’État-nation juif devant la Cour suprême israélienne.

La requête a été déposée le 7 août 2018 au nom de tous les dirigeants politiques arabes en Israël – le Haut Comité de suivi des intérêts des citoyens arabes en Israël, le Comité national des maires arabes, la faction parlementaire de la Liste commune, et au nom d’Adalah – contre la Knesset.

Adalah souligne dans sa requête que l’article 7 de la loi sur l’État-nation juif précise que l’État d’Israël déclare qu’« elle est uniquement au profit des juifs » et que par conséquent elle doit exclure les Arabe « afin de promouvoir et encourager la colonisation juive ».

L’article 7 « considère les citoyens arabes – où qu’ils se trouvent – comme ‘l’autre’ ; l’État doit en conséquence établir une discrimination dans l’attribution des terres, des logements, des budgets et des incitations, ainsi que dans l’aménagement du territoire et son découpage », explique l’équipe juridique d’Adalah dans sa requête devant la Cour suprême.

Les avocats d’Adalah poursuivent en soulignant qu’ « il n’y a pas une seule constitution dans le monde actuel à déclarer dans ses lois qu’elle agira pour promouvoir les intérêts du groupe dominant, particulièrement quand il s’agit de ressources publiques telles que la terre ».

Il est prévu qu’une audience de la Cour suprême israélienne portant sur la requête d’Adalah et de 14 autres requérants contre la loi sur l’État-nation juif, se tienne devant un jury élargi à 11 juges, le mardi 22 décembre 2020.

Source: Adalah

Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine

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