Israël rend la COVID bien pire pour les Palestiniens

Par Maureen Clare Murphy, le 8 décembre 2020

Un malade du coronavirus est soigné le 6 décembre à l’hôpitalm Al-Aqsa de Deir al-Balah, au centre de la Bande de Gaza. (Ashraf Amra / APA images)

Dimanche, le ministère de la Santé de Gaza a annoncé qu’il avait cessé de tester pour la COVID-19 après avoir épuisé ses fournitures.

Des kits de test supplémentaires ont été livrés le lendemain par l’Organisation Mondiale de la Santé, évitant une véritable urgence – pour l’instant.

L’interruption des tests est survenue alors qu’un tiers des résultats des tests pour COVID-19 à Gaza se révélaient positifs – taux très élevé qui indique vraisemblablement en premier lieu qu’on ne fait pas assez de tests.

De ces cas confirmés, 20 pour cent étaient graves ou critiques. Jusqu’ici, plus de 150 personnes sont mortes à Gaza du coronavirus.

Les craintes deviennent réalité

Dès le début, des craintes bien fondées que la pandémie fasse des dégâts disproportionnés à Gaza ont été formulées. La transmission communautaire semblant maintenant hors de contrôle, ces craintes pourraient bientôt devenir réalité.

La Bande de Gaza, invivable, est peuplée de quelque deux millions de personnes – dont plus de 40 % âgées de 14 ans ou moins et dont deux tiers de réfugiés – confinées dans ses 218.000 mètres carrés. C’est l’un des endroits les plus densément peuplés au monde. C’est aussi l’un des endroits où le taux de chômage est le plus élevé sur cette planète, et plus de la moitié de ses résidents vivent dans la pauvreté.

Comme tous les autres secteurs à Gaza, le système de santé s’est détérioré après plus de 13 ans de blocus et des offensives militaires israéliennes brutales et répétées. Les centres médicaux de Gaza se relevaient à peine d’une épidémie de blessures catastrophiques, provoquées par l’utilisation par Israël de tirs à balles réelles contre les manifestants civils, quand la pandémie a frappé.

Les pénuries de fournitures médicales essentielles – pour ne rien dire de l’électricité et du fuel pour faire fonctionner les générateurs pendant les coupures – n’ont rien de nouveau à Gaza.

Fin novembre, le ministère de la Santé du territoire a rapporté qu’il y avait moins d’un mois de réserve pour la moitié des médicaments essentiels. Il y avait aussi pénurie de produits médicaux à usage unique.

« Urgence permanente »

Depuis des années, le système de santé de Gaza est au bord de l’effondrement. Cela fait partie de « l’urgence permanente » soutenue par le régime israélien d’occupation, de colonisation et d’apartheid, comme le déclare l’association de défense des droits de l’homme Al-Haq dans un nouveau document de synthèse sur la COVID-19 et le droit à la santé des Palestiniens.

« La COVID-19 fait peser une menace disproportionnée et substantielle sur la société palestinienne à qui on dénie délibérément depuis des décennies le droit de développer un système de santé opérationnel », d’après Al-Haq.

C’est un résultat direct de « la politique et des pratiques d’apartheid imposées par l’occupation israélienne prolongée », ajoute l’association palestinienne.

Les Palestiniens ont été fragmentés en « territoires juridiquement, politiqument et géographiquement distincts », explique Al-Haq.

Ces territoires distincts comprennent les Palestiniens qui vivent sous législation civile israélienne discriminatoire à l’intérieur d’Israël ; ceux qui ont un statut de résidents permanents dans Jérusalem Est occupée et illégalement annexée ; les Palestiniens qui vivent sous occupation militaire israélienne en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza ; et les Palestiniens réfugiés et exilés dans la diaspora à qui Israël dénie le droit au retour.

Gaza, soumise à un sévère blocus économique et à des fermetures israéliennes aggravées depuis 2007, a été séparée de la Cisjordanie, qui a été divisée en enclaves avec différents degrés d’autonomie palestinienne limitée.

Cette fragmentation est une stratégie essentielle du régime d’apartheid, comme l’a découvert une étude de 2017 de la Commission Economique et Sociale de l’ONU.

« Cette division géographique crée un système complexe de dépendance à Israël », déclare Al-Haq, « et à son dispositif militaire et sécuritaire général, qui contrôle tout mouvement de personnes ou de marchandises, ainsi que l’accès aux soins de santé pour les Palestiniens. »

Forces politiques et historiques

L’occupation prolongée, la colonisation et l’apartheid israéliens ont privé les Palestiniens de leurs moyens de subsistance, d’après Al-Haq.

L’aide humanitaire, comme les kits de test de la COVID fournis par l’OMS, comble les manques dans les services de base. Mais elle ne remédie pas à la violation constante et systématique des droits fondamentaux des Palestiniens.

Au-delà des restrictions israéliennes à la circulation, le déni constant de l’autodétermination des Palestiniens « demeure une entrave majeure à la réalisation entière et progressive de la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels des Palestiniens, dont le droit à la santé », déclare Al-Haq.

On dénie aux Palestiniens l’accès à l’eau potable et à un système sanitaire adéquat tandis que les prisonniers politiques détenus par Israël font face à « des conditions de détention dificiles, entre surpeuplement et insalubrité », ajoute l’association de défense des droits.

« Les forces politiques et historiques auxquelles les Palestiniens ont été soumis aggravent leur susceptibilité à la COVID-19 », d’après Al-Haq.

Israël, en tant que puissance occupante, est juridiquement – et pas seulement moralement – obligée de procurer les biens essentiels aux civils qui vivent sous sa loi.

Inaction internationale

Comme pour tant de ses obligations, Israël se moque de ses obligations juridiques tandis que les Etats tiers regardent et ne font presque rien.

« Alors que la COVID-19 aggrave l’oppression des Palestiniens, on a plus que jamais besoin de la justice et de la responsabilité internationales pour mettre fin à l’impunité d’Israël », déclare Al-Haq.

L’association appelle à « une enquête complète, approfondie et exhaustive par la Cour Pénale Internationale » et à la mise en place des recommandations des investigations préalables de l’ONU dans les violations des droits des Palestiniens.

En attendant, mardi, les chefs des missions diplomatiques de l’Union Européenne à Ramallah et à Jérusalem sont allés en visite à Gaza pour la première fois depuis 2016.

Cette absence remarquablement longue démentit leur déclaration comme quoi « Gaza reste une priorité pour l’UE et ses Etats membres ».

« Dans sa première visite depuis 2016, les Chefs de Missioin de l’UE à Jérusalem et à Ramallah sont allés à Gaza aujourd’hui et ont rencontré les responsables de la société civile palestinienne, du secteur privé, des organisations internationales, de l’Hôpital Européen et de la petite usine de désalinisation financée par l’UE » Tweet de l »UE et les Palestiniens » (@Eupalestinians) 8 décembre 2020.

Quoiqu’elle reconnaisse la « crise humanitaire » désastreuse à Gaza, la déclaration de l’UE sur sa visite fait à peine mention de la responsabilité d’Israël dans cette situation et ne fait absolument pas mention de ses obligations en tant que puissance occupante.

Au lieu de cela, le Représentant de l’UE Sven Kühn von Burgsdorff a émis un appel générique comme quoi « tous les détenteurs d’obligation devraient agir maintenant et respecter leurs obligations selon le droit international ».

L’UE se vante de son soutien humanitaire à la population « en souffrance » de Gaza. Mais c’est précisément à cause de la mauvaise volonté tenace de l’UE face à la nécessité de tenir Israël pour directement responsable que les médecins palestiniens qui ont renseigné mardi ses diplomates font face à « des défis aussi inédits ».

Source : The Electronic Intifada

Traduction : J. Ch. Pour l’Agence Média Palestine

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