Un message retentissant de Bethléem : Mettez fin à l’occupation

Par Sami Abu Shehadeh, le 26 décembre 2020 

Les Palestiniens ont droit à un avenir de paix basé sur la justice, la tolérance et le respect.

L’église de la Nativité (wikipedia)

Les développements politiques qui ont eu lieu en 2020 devraient être correctement compris afin de rendre l’année 2021 meilleure pour tous.

Le gouvernement de Trump laisse derrière lui un legs d’incitation à la haine et d’utilisation de la religion comme d’une arme contre les droits du peuple palestinien.

Le gouvernement israélien sera bientôt dispersé et la quatrième élection en moins de deux ans aura lieu au printemps ; pourtant il n’y a aucun signe que ses politiques d’annexion dans les territoires occupés, son incitation contre les citoyens palestiniens d’Israël et leur discrimination institutionnalisée vont se terminer rapidement. 

C’est le contexte dans lequel nous devrions aborder le Noël de cette année en Terre sainte occupée : Bethléem, le lieu de naissance de Jésus, a connu une « nuit silencieuse » avec très peu de pélerins et presque aucune activité touristique, à cause de la Covid-19. La cité est assiégée par des milliers de nouvelles unités de colonisation israéliennes illégales construites sur ses terres.

Etrangler Bethléem

Il y a quelques semaines, j’ai rejoint un groupe de diplomates européens pour une visite sur le terrain à la colonie illégale de Giv’at Hamatos, qui consolidera la séparation artificielle entre les cités bibliques de Bethléem et de Jérusalem. Récemment, le maire de Bethléem a envoyé une lettre désespérée aux missions européennes, les appelant à une action urgente pour arrêter l’installation de la colonie : « Bethléem mérite d’être restaurée dans son ancienne gloire comme cité ouverte pour la paix », a-t-il écrit.  

Le gouvernement israélien et son appareil de propagande feront de ces temps de fête une occasion pour se présenter comme « protecteur » des chrétiens au Moyen-Orient. Mais rien n’est plus loin de la vérité.

Ces mots signifient peu de choses pour le Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui semble déterminé à étrangler Bethléem, que ce soit par l’extension de colonies comme  Har Homa, Gilo ou Efrat, toutes illégales selon le droit international, ou par le mur d’annexion,  jugé illégal par la Cour internationale de justice il y a 16 ans.

Un groupe d’ecclésiastiques de Bethléem a également supplié la communauté internationale d’intervenir pour arrêter le processus d’annexion en cours. « Nos paroissiens ne croient plus que quiconque se dressera courageusement pour la justice et la paix et arrêtera cette injustice immense qui a lieu devant vos yeux ». Quelqu’un leur donnera-t-il tort ?

Le gouvernement israélien et son appareil de propagande feront néanmoins, encore une fois, une utilisation cynique de Noël.

Netanyahou lui-même a adressé un « message de Noël » dans lequel il a traité les chrétiens d’« étrangers » ; pourtant nous célébrons la naissance du Christ dans le même pays qu’Israël occupe aujourd’hui. 

Cette approche hypocrite a été clairement représentée par le délégué d’Israël aux Nations Unies,  Gilad Erdan,  dans un «  message de Noël  » dans lequel il a déclaré : «  J’espère que vous vivrez tous des vacances paisibles et une nouvelle année heureuse et en bonne santé. ».

Mais Erdan a soutenu toutes les politiques qui menacent la présence chrétienne en Israël et en Palestine, des colonies et de l’annexion aux lois racistes. Il était aussi derrière la mise sur liste noire des Quakers et le refus d’entrée dans le pays à un membre officiel du Conseil mondial des Eglises, en plus d’autres organsations chrétiennes qui soutiennent les droits palestiniens et s’opposent aux installations illégales.  

Bon nombre de choses se sont produites. De la Nakba de 1948, qui a eu un impact immense sur les chrétiens palestiniens — avec près de 50000 chrétiens parmi les 135000 de la population globale déplacée — aux réalités actuelles des colonies champignons et des lois visant à empêcher la réunification familiale palestinienne, Israël a mis en place une politique systématique contre ses citoyens non-juifs. 

Prenons par exemple les cas emblématiques des villages d’Iqrith et de Kufr Bir’im .

Un miracle de justice

Pendant la Nakba, l’armée israélienne a demandé aux habitants tant d’Iqrith que de Kufr Bir’im de quitter leurs maisons pour deux semaines seulement. Soixante-douze ans plus tard, pourtant, ils sont encore incapables d’y retourner. Ils ont demandé justice par le système juridique israélien, mais le gouvernement israélien a seulement bloqué la réalisation d’une résolution autorisant leur retour.  

L’affaire a été soulevée par des évêques catholiques de premier plan et a même atteint le Saint Siège, pourtant aucun gouvernement israélien n’a été prêt à restaurer les droits de ces citoyens palestiniens d’Israël qui, ce Noël, sont retournés au seul bâtiment encore debout de leurs villages respectifs, l’église catholique d’Iqrith et l’église maronite de Kufr Bir’im, pour célébrer Noël, tout en attendant un miracle de justice sur cette terre. 

Ce ne sont pas des cas isolés. Près de 25 % des citoyens palestiniens d’Israël sont des déplacés de l’intérieur. Leurs droits n’ont pas été honorés simplement parce que l’égalité pour tous les citoyens israéliens n’existe pas. Des dizaines de lois consolident un système institutionnel de discrimination qui a été encouragé ces dernières années par le gouvernement de Trump. 

Il aurait été difficile d’imaginer une loi telle que  la loi de l’état-nation du peuple juif sans des personnes comme David Friedman, Jared Kushner et Jason Greenblatt  à proximité.

Des réalités douloureuses 

De nos jours, nous pouvons constater les conséquences de ces politiques. L’incendie criminel terroriste qui a ciblé l’église Gethsemane au début du mois n’a échoué que grâce à l’action efficace de jeunes chrétiens et musulmans palestiniens de Jérusalem-Est occupée. Cette attaque ne devrait pas être considérée comme un événement isolé.  

Quand des responsables israéliens soulignent constamment qu’il s’agit d’« une terre juive », niant les droits des chrétiens et des musulmans palestiniens, personne ne devrait être surpris par de tels événements. Il semble que  brûler l’église de la multiplication des pains et des poissons  à Tiberias en 2015 n’était pas un avertissement suffisant pour comprendre les menaces auxquelles nous sommes confrontés.  

Le soir de Noël, le patriarche latin de Jérusalem a parcouru le chemin historique entre la porte de Jaffa à Jérusalem et l’église de la Nativité à Bethléem. Cette procession de Noël pourrait, paradoxalement, être décrite comme la nouvelle « Via Dolorosa » puisqu’elle reflète la douleur et les injustices dont souffre le peuple palestinien.

La procession passe à travers la propriété de centaines de familles chrétiennes palestiniennes réfugiées à  Qatamon et Baqaa, pour entrer ensuite en territoire occupé, témoignant de l’expansion des colonies illégales de  Giv’at Hamatos et Har Homa, qui feront bientôt du monastère historique de Mar Elias, le premier arrêt du patriarche, un îlot dans un océan de colonies. 

De là il devrait traverser le mur d’annexion par le tristement célèbre checkpoint 300 de Bethléem.

Voilà les réalités quotidiennes que  Netanyahou et ses amis populistes de droite, tant localement qu’au niveau international, ont perpétué.  

Mon voeu de nouvel an

Je suis né à Jaffa dans une famille musulmane et j’ai fait mes études au collège Terra Sancta, une institution chrétienne traditionnelle. Noël fait partie de notre identité nationale palestinienne et de la coexistence entre des fois différentes depuis des générations.

Alors que le gouvernement de Trump touche à sa fin, et que nous nous préparons à de nouvelles élections en Israël, mon voeu sincère pour cette nouvelle année est que le message d’amour porté par cette fête soit réalisé. 

Cela ne peut avoir lieu qu’en reconnaissant les principes fondamentaux d’égalité pour tous les citoyens israéliens, tout en mettant fin à l’occupation qui perpétue l’injustice infligée au peuple de Palestine.

Puissent les enfants célébrant Noël en « Terre sainte occupée »  jouir d’un avenir de paix basé sur la justice, la tolérance et le respect.

Les opinions exprimées dans cet article appartiennent à l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Sami Abu Shehadeh est un membre de la Knesset israélienne, représentant la Liste jointe.  

Source : Middleeasteye

Traduction CG pour l’Agence média Palestine

Retour haut de page