Que faire vis-à-vis des 112 sociétés criminelles dénoncées par le Conseil des Droits de l’Homme ?

Par Santiago González Vallejo (Comité de Solidarité avec la Cause arabe), le 4 janvier 2021

Réfugiés de Palestine à l’école du camp de Bureij, recevant des rations alimentaires pendant la pandémie de Covid-19.

Si le comportement criminel n’implique pas de rejet ni de coût, le message explicite est que la loi du plus fort prévaut, tout comme l’impunité et la récidive criminelles. C’est pourquoi la prévalence du droit et du droit international, qui touche également les entreprises, est si importante. 

Étant donnée la véracité de ces axiomes, il y a une défaillance dans la gouvernance internationale et dans les États démocratiques.

Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies a été mandaté en 2016 pour déterminer quelles entreprises profitaient de l’occupation israélienne des territoires palestiniens. Le mandat était limité au seul territoire palestinien postérieur à 1967, sans inclure les entreprises bénéficiant de l’occupation israélienne dans le Golan syrien.

Finalement, et après avoir surmonté la pression infinie des gouvernements des pays où se trouvaient les sièges sociaux des entreprises étudiées, Michèle Bachelet, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a rendu public le 12 février dernier un premier rapport incluant 112 entreprises. Il faut dire que le rapport initial en 2018 comprenait 307 entreprises ; les examens, avertissements et engagements ultérieurs ont finalement réduit la liste à 112 entreprises dont 94 ont leur siège en Israël, le reste étant des États-Unis, de France, du Luxembourg, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de Thaïlande. Certaines des entreprises mentionnées sont partenaires de l’Union européenne dans différents programmes et nombre d’entre elles ont des filiales dans de nombreux pays. Parmi les entreprises citées figurent Airbnb, Booking, TripAdvisor, Expedia et eDreams.

Les Nations unies et l’Union européenne considèrent que les colonies israéliennes dans les territoires palestiniens occupés sont illégales. Enfin, presque tous les pays des Nations unies, sauf les États-Unis et, curieusement, certains États insulaires du Pacifique qui mettent leurs votes aux enchères.

Cependant, on constate un laxisme dans la mise en œuvre et l’application de règles dissuasives à l’égard de la puissance occupante, prévues par la Quatrième Convention de Genève, et à l’égard des entreprises qui profitent de l’occupation, par l’Union européenne elle-même, ses États membres et de multiples organismes régulateurs. Négligence ou complicité.

Lorsque la liste a été publiée, nous avons constaté des lacunes importantes et une absence d’entreprises reconnues pour leur participation à l’exploitation et au profit grâce à la puissance de l’armée et des autorités israéliennes. Ainsi, par exemple, l’une des 112 entreprises nommées est l’entreprise israélienne Shapir Engineering and Industry qui possède des carrières et a construit des colonies et des infrastructures dans les territoires palestiniens occupés. Sa société partenaire dans l’extension et la construction de nouvelles lignes de tramway entre la ville occupée de Jérusalem et les colonies voisines, la société espagnole Construcciones y Auxiliar de Ferrocarriles (CAF), n’a pas été mentionnée. Pour l’instant.

Mais quelles sont les conséquences de l’inscription sur la liste des sociétés criminelles ? Une personne normale comprendrait que ces entreprises soient poursuivies en fonction de la gravité des faits démontrés, qu’elles soient sanctionnées pour leurs bénéfices et que leurs dirigeants soient disqualifiés. En outre, les mécanismes réglementaires devraient porter ces éléments d’information à la connaissance des investisseurs, des salariés et des clients ; ils perdraient leur droit de soumissionner aux appels d’offres publics, d’appartenir à certaines associations d’entreprises qui défendent le droit ou d’être sur le marché boursier.

Pour ces raisons, les députés Manu Piňeda et Sira Rego ont demandé à la Commission européenne, après la publication de la liste de l’ONU, comment elle allait traiter les 112 sociétés mentionnées et les autres qui opèrent dans les territoires occupés, au service de l’occupation.

La réponse de la Commission n’aurait pas pu être plus décevante. « L’UE estime que toutes les entreprises devraient appliquer les principes directeurs sur les entreprises et les droits humains, adoptés par consensus au Conseil des droits de l’homme des Nations unies le 16 juin 2011. L’UE a intégré la mise en œuvre des principes directeurs dans le plan d’action de l’UE pour les droits humains et la démocratie 2015-2019. Une communication conjointe de la Commission européenne et de la Haute représentante sur un plan d’action de l’UE pour les droits humains et la démocratie 2020-2024, publiée le 25 mars 2020, fait également référence à la nécessité d’encourager et de soutenir activement les efforts des pays partenaires pour mettre en œuvre les principes directeurs des Nations unies. Les États membres de l’UE ont la responsabilité de sensibiliser les entreprises et les citoyens européens aux principes directeurs et aux risques potentiels liés aux activités économiques et financières dans les établissements ».

Ce ne sont que grandiloquences qui ne dépassent pas le volontarisme mis en avant dans les Principes directeurs puisque leursa violations n’entraînent pas de sanctions. Simplement la possibilité d’affecter leur image de marque. 

Où sont les sanctions ? Le droit espagnol des contrats ou la Renfe espagnole, le British Network Rail ou la SNCF ont-ils dit quelque chose ? Les auditeurs de Shapir ou de la CAF, Deloitte, ont-ils montré dans leurs rapports que ces sociétés tirent profit de leurs crimes ? La Commission nationale espagnole du marché des valeurs mobilières ou le FTSE Russel ont-ils montré que la CAF ou Shapir avaient grossi leurs carnets de commandes aux dépens des Palestiniens ? Quelle promotion peut-on faire des principes directeurs lorsque leur non-respect ne coûte rien aux sociétés qui violent les lois internationales ? Ce sont les routes que nous devons emprunter.

Source : El diario

Traduction SF pour l’Agence média Palestine

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