En Israël, l’apartheid vaccinal

Par Nathaniel Flakin, le 4 janvier 2021 

Le gouvernement de droite d’Israël fait l’objet d’éloges concernant sa distribution efficace du vaccin. Mais qu’en est-il des 5 millions de Palestiniens soumis à l’occupation israélienne ?

Benjamin Nétanyahu se fait vacciner (Photo AMIR COHEN / REUTERS)

La distribution des vaccins aux États-Unis et dans d’autres pays impérialistes a été désastreuse. Au milieu de tant de mauvaises nouvelles, un pays est sorti du lot : Israël. Sous le gouvernement de Benjamin Nétanyahu, d’extrême droite et notoirement corrompu, Israël a vacciné environ 1 pour cent de sa population par jour. Il y a deux jours [le 2 janvier], plus de 1 million de personnes en Israël, 12 pour cent des 9 millions de citoyens du pays, avaient reçu une première dose de vaccin. Aux États-Unis, au même moment, 4,2 millions de personnes seulement avaient reçu une injection— à peine plus de 1 pour cent de la population.

Mais ces statistiques ne tiennent pas compte d’une réalité désagréable : 5 millions de Palestiniens vivent sous occupation israélienne en Cisjordanie et à Gaza. Ils ont leur propre administration, mais leurs frontières sont contrôlées par Israël, ce qui fait de Gaza une prison à ciel ouvert. L’armée israélienne maintient un dispositif d’occupation permanente auquel incombe la perception des impôts, mais aussi leur rétention.

Presque 500 000 colons israéliens vivent dans les territoires palestiniens, sans compter Jérusalem- Est. Ces colons vivent parfois à quelques mètres des Palestiniens, mais jouissent de droits complètement différents — ce qu’un ancien régime, en Afrique du Sud, appelait l’apartheid. Cela s’applique aussi à la pandémie, comme le rapporte le Guardian :

“Israël transporte des lots de vaccin Pfizer/BioNTech jusqu’au cœur de la Cisjordanie. Mais ces lots ne sont distribués qu’aux colons juifs, et non aux quelque 2,7 millions de Palestiniens qui vivent autour d’eux et devront peut-être attendre pendant des semaines ou des mois.”

En d’autres termes, Israël travaille dur pour vacciner ses citoyens, mais pas les millions d’opprimés qui vivent sous la botte de l’occupation. C’est un exemple de nationalisme vaccinal et des disparités meurtrières entre les pays impérialistes et dépendants — d’autant plus choquantes quand elles séparent des personnes qui vivent côte à côte. The Electronic Intifada, par exemple, indique qu’Israël va vacciner les prisonniers — mais pas les prétendus prisonniers de sécurité, qui sont tous palestiniens.

Le journal de droite Jerusalem Post a réagi de façon prévisible à un flot d’articles sur les disparités en termes de vaccin en taxant d’antisémitisme tous les critiques. Cette accusation mensongère est particulièrement cynique de la part d’un journal qui manifeste une attitude amicale à l’égard d’antisémites notoires comme le Hongrois Viktor Orbán. La droite s’efforce de redéfinir l’antisémitisme de façon radicale : quiconque critique le gouvernement israélien est qualifié d’antisémite, et cependant même ceux qui nourrissent une haine féroce envers les Juifs sont défendus s’ils se montrent amicaux à l’égard de Netanyahu.

L’article stupéfiant du Post évite de mentionner plus de 50 ans d’occupation, comme si la Palestine était un pays séparé, indépendant et limitrophe d’Israël. La Convention de Genève dispose que “la Puissance occupante a le devoir d’assurer et de maintenir […] la santé et l’hygiène publiques dans le territoire occupé […] notamment en adoptant et en appliquant les mesures prophylactiques et préventives nécessaires pour combattre la propagation des maladies contagieuses et des épidémies.” Pourtant Israël s’attend à ce que l’Autorité palestinienne, qui dépend entièrement d’Israël, rassemble des vaccins auprès de donateurs internationaux tels que Covax, partenariat dirigé notamment par l’OMS. Selon le bureau de Jérusalem de l’OMS, ce processus pourrait ne pas être mené à bien avant la mi-2021.

Imputer aux peuples occupés leur propre situation douloureuse n’a rien de nouveau. La monarchie marocaine, qui s’est récemment alignée sur Israël, profère des affirmations similaires quant aux souffrances du peuple du Sahara occidental occupé.

En tant que travailleurs dans les pays impérialistes, nous avons un devoir internationaliste de lutter pour une distribution équitable des vaccins dans le monde entier. Toute autre option implique que des  opprimés seront sacrifiés à la logique du capitalisme — et cela entravera en retour la solidarité internationale nécessaire pour mettre fin à cette pandémie et à d’autres. Cette démarche inclut le combat pour exproprier toutes les entreprises du secteur de la santé et de la pharmacie et les placer sous contrôle de la classe ouvrière. Cela implique aussi de supprimer la protection des brevets des vaccins — lesquels ont de toute façon été développés grâce à des financements publics— pour faire progresser la production. Enfin, cela implique de se battre pour l’autodétermination des Palestiniens, des Sahraouis, et des autres peuples sous occupation.

L’apartheid vaccinal dont nous sommes témoins en Palestine nous rappelle la nécessité de nous battre pour une Palestine unique, démocratique, socialiste, assurant des droits égaux à tous et toutes y compris les réfugiés palestiniens, qui doivent bénéficier du droit au retour. Si nous regardons la campagne de vaccination d’Israël, censée être “efficace”, elle s’appuie sur des systèmes “efficaces” d’occupation et de colonisation. Et face à une crise mondiale comme la pandémie de Covid-19, même le plus “efficace” des ethnonationalismes n’offre pas de solutions.

Au sujet de l’auteur, Nathaniel Flakin

Nathaniel est un journaliste et historien indépendant de New York. Il fait partie du comité de rédaction de Left Voice et de notre site allemand frère Klasse Gegen Klasse. Nathaniel, également connu sous son surnom de Wladek, est l’auteur d’une biographie de Martin Monath, combattant trotskiste de la résistance en France pendant la seconde guerre mondiale, publiée l’an dernier en allemand et cette année en anglais. Il vit avec un trouble autistique.

Source : Left Voice

Traduction SM pour Agence média Palestine

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