Le programme de vaccination d’Israël est moralement indéfendable

Par Omar Karmi, 15 janvier 2021

Un homme est testé pour le COVID-19 à Gaza. L’exclusion de cinq millions de Palestiniens en territoire occupé du programme de vaccination d’Israël est moralement indéfendable, dit l’ONU. (Ashraf Amra / APA images)

L’exclusion par Israël de cinq millions de personnes de son programme de vaccination contre la COVID-19 continue de soulever des protestations.

Cette semaine, l’ONU a appelé Israël à assurer « un accès rapide et équitable » à la vaccination pour les Palestiniens qui vivent sous son occupation.

Depuis qu’Israël a commencé sa campagne de vaccination, des organisations de défense des droits palestiniennes, israéliennes et internationales ont protesté contre le fait que le pays manque à ses obligations en tant que puissance occupante en n’offrant pas de vaccins aux Palestiniens du territoire occupé.

C’est une politique, a dit le 6 janvier Amnesty International, qui met en évidence « la discrimination institutionnelle » d’Israël.

Israël – et spécialement le Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui va encore affronter une nouvelle élection à la fin mars, juste au moment où il est prévu que le programme de vaccination aura touché la plupart des Israéliens – est fier d’un programme qui a vu apparemment dix pour cent de sa population vaccinée en moins d’un mois.

Les Palestiniens détenteurs de la citoyenneté israélienne sont éligibles, comme le sont les résidents palestiniens de Jérusalem Est et les colons juifs qui vivent – contrairement au droit international – en Cisjordanie occupée.

Mais les responsables israéliens se sont débattus pour expliquer et intentionnellement induire en erreur quand on les a interrogés sur la raison pour laquelle ils n’ont pas étendu ce programme aux cinq millions de Palestiniens du territoire occupé.

Obligations et le jeu des reproches

En tant que puissance occupante, Israël a la responsabilité selon le droit international, dont l’article 56 de la Quatrième Convention de Genève, d’assurer « la santé publique et l’hygiène dans le territoire occupé ».

L’article 56 fait « particulièrement référence à l’adoption et à l’application des mesures prophylactiques et préventives nécessaires pour combattre l’extension des maladies contagieuses et des épidémies ».

Mais les responsables israéliens ont mis en avant que les accords d’Oslo avaient supplanté le droit international, laissant l’Autorité Palestinienne responsable.

D’après les Accords d’Oslo, l’AP est supposée maintenir les standards internationaux de vaccination.

Cependant, ce n’est pas la même chose quand on répond à une pandémie mondiale. Et les accords intérimaires de 1995 mentionnent spécifiquement et séparément les épidémies, appelant Israël, dans l’article 17, à aider l’AP à combattre «  les épidémies et les maladies contagieuses… [et] … à élaborer des méthodes pour échanger des dossiers et des documents médicaux ».

L’organisation israélienne Gisha de défense des droits de l’homme a rejeté l’idée que les accords d’Oslo annulaient les obligations d’Israël selon le droit international. Quel que soit le rôle joué par les autorités palestiniennes en Cisjordanie et à Gaza, a dit Gisha dans un communiqué au début de ce mois, « cela ne dispense pas Israël de son ultime responsabilité envers les Palestiniens qui vivent sous occupation ».

Jeudi, des experts des droits de l’homme de l’ONU ont eux aussi rejeté cet argument.

« Il faut interpréter et appliquer les accords d’Oslo conformément au droit international, et on ne peut les faire déroger à leurs protections étendues », ont déclaré les experts. « L’ultime responsabilité des services de santé demeure dans les mains de la puissance occupante jusqu’à la fin totale et complète de l’occupation. »

Selon l’ONU, la décision d’Israël d’exclure les Palestiniens sous son autorité est indéfendable.

« Moralement et juridiquement, cet accès différentié aux soins de santé nécessaires dans le cadre de la pire crise sanitaire mondiale en un siècle est inacceptable. »

L’AP dans l’embarras

Israël a également reproché à l’AP de ne pas avoir demandé de l’aide tandis que les responsables ont essayé de repousser les critiques.

« Israël veut bien aider les Palestiniens, mais il faut d’abord ouvrir un dialogue avec eux », a dit en décembre un responsable du ministère israélien de la Défense au Jerusalem Post. « Jusqu’à maintenant, malheureusement, ce dialogue n’a pas eu lieu. Nous attendons toujours que l’Autorité Palestinienne nous contacte à ce sujet. »

Et les responsables de l’AP eux mêmes ont brouillé les cartes en envoyant des signaux contradictoires. Un responsable anonyme a dit le mois dernier au Jerusalem Post que l’AP ne s’attendait pas à ce que Israël leur vende ou leur procure quelque vaccin que ce soit.

Pourtant, ce mois-ci, le ministère des Affaires étrangères de l’AP a annoncé que, bien que l’AP ait des obligations envers sa propre population, cela ne dispensait en rien Israël de ses obligations juridiques et humanitaires internationales.

« En tant qu’occupant illégal de l’Etat de Palestine, Israël a un contrôle absolu et total sur tous les passages et les frontières ainsi que sur l’espace aérien. »

La déclaration faisait aussi remarquer qu’Israël n’autorise en aucun cas l’AP à agir à Jérusalem Est occupée ou dans la Zone C de Cisjordanie, qui représente environ 60 % de la région.

Par ailleurs, et en contradiction apparente avec sa position officielle disant qu’il est prêt à aider, on rapporte qu’Israël a rejeté une demande officieuse de l’Organisation Mondiale de la Santé pour qu’il mette des vaccins à la disposition des travailleurs de santé.

Une pandémie qui fait rage

Sur le terrain, les Palestiniens craignent que la COVID-19 ne se répande hors de tout contrôle.

L’AP est à court d’argent et peu capable d’offrir un programme de vaccination de masse sans l’aide internationale.

Par ailleurs, la capacité réduite en soins de santé en Cisjordanie occupée signifie que la zone, où vivent trois millions de Palestiniens, n’a  que deux congélateurs capables de stocker le vaccin Pfizer, qui exige des conditions spéciales de stockage, ce qui rend cette possibilité particulière difficile à réaliser.

Jusqu’ici, l’AP a été incapable d’offrir aucun vaccin à quiconque et, bien qu’il y ait des accords en discussion avec quatre fabricants de vaccins, aucune livraison n’est attendue avant des semaines.

Le problème est spécialement aigu dans la Bande de Gaza densément peuplée, où quelque 2 millions de personnes sont maintenues au bord de la famine depuis 14 ans par un blocus israélien et égyptien.

Là, un secteur de santé délabré, sapé par presque quinze ans de de sanctions, se débattait déjà pour assurer une suffisance en médicaments essentiels quand les premiers cas de transmission de COVID-19 dans la communauté ont été diagnostiqués.

Jusqu’ici, près de 170.000 Palestiniens du territoire occupé ont contracté la COVID-19.

Il y a eu plus de 1.800 morts.

Source : The Electronic Intifada

Traduction : J. Ch. pour l’Agence média Palestine

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