Israël offre des vaccins à des alliés lointains, tandis que les Palestiniens attendent

Par Patrick Kingsley, le 24 février 2021

Les dons iront à des nations comme la République Tchèque et le Honduras qui se sont engagées à déplacer leurs diplomates vers Jérusalem. Les critiques soulignent le fait qu’Israël a l’obligation de vacciner les Palestiniens sous son occupation.

Nasser Nasser/Associated Press

JERUSALEM – Le gouvernement israélien a promis d’envoyer des milliers de vaccins disponibles contre le coronavirus à des alliés étrangers, ravivant le débat autour des responsabilités d’Israël envers la population la plus proche de chez lui : les Palestiniens qui vivent sous son occupation.

Mardi, les gouvernements de la République Tchèque et du Honduras ont confirmé qu’Israël leur avait promis à chacun 5.000 doses du vaccin fabriqué par Moderna. Les médias israéliens ont rapporté que la Hongrie et le Guatemala devraient recevoir à peu près la même quantité, mais les gouvernements hongrois et israélien ont refusé d’en parler, tandis que le gouvernement guatémaltèque n’a pas répondu à la demande de commentaires.

Ces dons sont le dernier exemple d’une nouvelle expression du « soft power » : diplomatie vaccinale par laquelle les pays riches en vaccins cherchent à récompenser ou à influencer ceux qui y ont peu accès.

Rivalisant d’influence en Asie, la Chine et l’Inde ont fait don de milliers de doses de vaccin à leurs voisins. Les Emirats Arabes Unis ont fait la même chose pour leurs alliés comme l’Egypte. Et la semaine dernière, Israël a même promis d’acheter des dizaines de milliers de doses au nom du gouvernement syrien, ennemi de longue date, en échange du retour d’un civil israélien détenu en Syrie.

Les vaccins distribués mardi l’ont été sans conditions, mais ils récompensent tacitement les gestes des pays bénéficiaires qui acceptent implicitement la souveraineté israélienne sur Jérusalem, qu’Israéliens et Palestiniens considèrent tous deux comme leur capitale. Le Guatemala a déménagé son ambassade à Jérusalem, tandis que le Honduras a promis de le faire. La Hongrie a installé une mission commerciale à Jérusalem, tandis que la République Tchèque a promis d’y ouvrir un cabinet diplomatique.

Israël a fourni au moins une première dose sur les deux du vaccin fabriqué par Pfizer à tout juste plus de la moitié de sa population de neuf millions d’habitants – y compris ceux qui vivent dans les colonies juives des territoires palestiniens occupés – ce qui en fait le leader des campagnes de vaccination. Ceci a permis au gouvernement israélien de renforcer ses relations internationales avec son surplus de vaccins Moderna.

Mais cette démarche a suscité la colère des Palestiniens parce qu’elle laisse entendre que les alliés d’Israël sont prioritaires par rapport aux Palestiniens qui vivent sous contrôle israélien dans les territoires occupés et dont l’immense majorité attend encore de recevoir un vaccin.

Israël a promis au moins deux fois plus de doses à des pays lointains qu’il en a promis jusqu’ici aux presque neuf millions des Palestiniens qui vivent en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.

Le gouvernement israélien affirme que l’Autorité Palestinienne a reçu dans les années 1990 la responsabilité de l’organisation de son système de santé après avoir signé les Accords d’Oslo qui donnaient à la direction palestinienne une autonomie limitée sur certaines parties des territoires occupés.

Israël a donné 2.000 doses de vaccins à l’Autorité Palestinienne et en a promis 3.000 de plus – chiffre symbolique étant donnée la taille de la population palestinienne. Et tandis qu’Israël a laissé entendre qu’il pourrait y en avoir d’autres, il n’a encore formalisé aucun détail.

« Il y a quelques semaines, il restait encore des points d’interrogation sur la question de savoir si nous aurions assez de vaccins pour notre propre population », a dit Mark Regev, conseiller du Premier ministre Benjamin Netanyahou. « Maintenant qu’il semble que ce soit le cas, nous pouvons nous engager davantage envers nos voisins. »

Mr. Regev a ajouté : « Le virus ne s’arrêtera pas à la frontière et nous avons un très grand intérêt à ce que les Palestiniens soient les premiers concernés. »

Mais mardi soir, un responsable de la sécurité israélienne a déclaré que le département militaire qui assure la coordination entre Israël et la direction palestinienne n’avait pas encore reçu l’autorisation du gouvernement de livrer davantage de vaccins à l’Autorité Palestinienne.

En tout cas, les contrôleurs des droits de la personne humaine soutiennent qu’Israël devrait organiser un programme de vaccination systématique dans les territoires occupés, plutôt que de livrer de façon sporadique quelques milliers de ses réserves à chaque fois. Ils rappellent la Quatrième Convention de Genève qui oblige une puissance occupante à se coordonner avec les autorités locales pour maintenir la santé publique dans un territoire occupé, y compris pendant les épidémies.

Les associations de surveillance font également remarquer que le gouvernement israélien contrôle non seulement toutes les importations en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, mais aussi, dans de récentes demandes soumises à la Cour Pénale Internationale, les revendications palestiniennes controversées pour un Etat souverain.

« C’est un régime d’oppression », a déclaré Salem Barahmeh, directeur exécutif de l’Institut Palestinien pour la Diplomatie Publique, groupe de défense basé à Ramallah.

« Cela en dit beaucoup sur un régime », a ajouté Mr. Barahmeh, « qu’il soit disposé à envoyer des vaccins à l’autre bout du monde, éventuellement en échange de contreparties, et n’offre pas de vaccins aux millions de Palestiniens qui vivent sous occupation israélienne. »

Source : NY Times

Traduction J. Ch. pour l’Agence média Palestine

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