Les violations des droits humains par Israël se sont intensifiées en 2020

Par Yumna Patel, le 5 mars 2021

Un nouveau rapport de l’association palestinienne des droits de la personne humaine Al-Haq, émis cette semaine, décrit les nombreuses violations des droits humains qui ont eu lieu en 2020  en Palestine – violations dont l’association affirme qu’elles ont été exacerbées, et encouragées, par la pandémie de coronavirus en cours.

Les restes d’une salle de bains, qui avait été financée par l’UE dans le village de Khirbet Humsah, et qui a été complètement démolie le 3 novembre 2020 par les forces israéliennes. (Yumna Patel, Mondoweiss)

2020 a été une année lugubre pour les droits humains en Palestine, alors qu’Israël a resserré son emprise sur le territoire palestinien occupé (TPO) avec une augmentation des agressions sur les Palestiniens et leurs biens et l’introduction de nouvelles lois pour limiter encore plus les droits des Palestiniens, tout cela en pleine pandémie de COVID-19.

Dans son rapport, Al-Haq déclare que, tandis que les Palestiniens concentraient leurs efforts sur la lutte contre le coronavirus, Israël « s’est saisi de cette opportunité pour faire avancer son projet colonial et intensifier les mesures répressives contre les Palestiniens dans tous leurs lieux de résidence ».

Parmi ces mesures répressives, dit l’association, on trouve quantité de démolitions de maisons, de confiscations de terres, d’expansions des colonies, et de violations de la liberté de circulation et du droit à la santé, entre autres choses.

Le plus « remarquable » dans toutes ces violations israéliennes répertoriées en 2020, a déclaré l’association, fut l’augmentation de la fréquence des démolitions de maisons et de structures palestiniennes.

D’après Al-Haq, le nombre de structures palestiniennes, à la fois publiques et privées, détruites en 2020 en pleine pandémie, s’est élevé jusqu’à deux fois le chiffre moyen de structures détruites annuellement au cours des dix dernières années.

En 2020, l’association a enregistré la démolition de 535 structures palestiniennes, privées et publiques, à comparer avec une moyenne de 325 structures démolies au cours des dix dernières années (2010-2019).

Sur les 535 structures détruites en 2020, 248 étaient des logements, dont la grande majorité (242) a été démolie sous prétexte de l’absence de permis de construire émis par Israël, qui sont notoirement difficiles à obtenir.

Les six autres logements ont été détruits pour des raisons punitives – pratique utilisée par le gouvernement israélien contre les Palestiniens accusés d’avoir commis des agressions contre des Israéliens, et que les associations de défense des droits ont qualifiée de « punition collective ». Israël prétend que la démolition punitive de maisons « dissuade », bien que cette prétention ait été contestée par de hauts responsables de la sécurité au cours des années.

Les démolitions de maisons en 2020 ont provoqué le déplacement de 941 personnes, dont 462 sont des femmes et des filles, 442 sont des enfants, 267 sont des écoliers, et 124 sont des réfugiés palestiniens qui avaient déjà été déplacés de leurs maisons d’origine, explique Al-Haq dans son rapport.

Dans le cas de 69 démolitions de maisons, les autorités israéliennes n’ont pas laissé aux propriétaires la possibilité d’évacuer leurs biens avant l’exécution de la démolition. Par ailleurs, Al-Haq a rapporté que les membres de 27 des familles affectées ont été « violemment harcelés, attaqués et physiquement agressés » pendant la démolition.

Les forces israéliennes ont également démoli quatre structures publiques, dont une tente installée pour un sit-in de protestation contre l’occupation israélienne, les fondations d’une école, une salle de classe, et le mur qui entourait un terrain de football encore en construction.

Aujourd’hui, 500.000 structures palestiniennes situées à l’intérieur des frontières de la Ligne Verte sont encore sous menace de démolition. L’ONU a récemment annoncé que, parmi les structures en danger, on comptait 53 écoles de Cisjordanie.

Alors que les Palestiniens voyaient leurs maisons détruites à un rythme alarmant, les colons israéliens qui vivent illégalement en Cisjordanie et à Jérusalem Est ont continué de bénéficier d’une politique de construction et d’aménagement. En 2020, Israël a confisqué 20.030 dunums (environ 2.300 hectares) de terre du TPO pour l’expansion des colonies.

D’après le groupe La Paix Maintenant, 2020 a vu le niveau le plus élevé d’approbations annuelles de plans de construction de colonies de ces deux dernières décennies, avec 12.159 unités d’habitation approuvées pour les colonies israéliennes dans la seule année dernière. En comparaison, 245 unités d’habitation seulement, dont beaucoup existent déjà, ont été approuvées pour les Palestiniens.

Meurtres et violence physique

En plus de bénéficier de la confiscation de la terre des Palestiniens, les colons israéliens ont exercé une quantité considérable de violences contre les Palestiniens en 2020, a déclaré Al-Haq, disant que « de tous les autres auteurs israéliens d’infraction, ce sont les colons israéliens qui ont commis le plus grand nombre de violations ».

La nature de la violence des colons a notamment consisté en des attaques contre les Palestiniens et leurs biens – laissant de nombreux Palestiniens avec des blessures physiques- en du vandalisme sur les communautés palestiniennes avec des graffitis racistes. Les Palestiniens se sont également vu empêcher l’accès à leur terre, et plusieurs de leurs récoltes ont été coupées, brûlées et volées.

Al-Haq a remarqué qu’une majorité des attaques étaient conduites dans le district de Naplouse au nord de la Cisjordanie – un nombre important de ces attaques ayant lieu dans les villes et villages palestiniens qui entourent la colonie notoirement violente et ultra-nationaliste de Yitzhar.

En 2020, l’association israélienne des droits de la personne humaine B’Tselem a fait état de 248 incidents de violence des colons contre les Palestiniens, dont : 86 agressions physiques, au cours desquelles 75 Palestiniens ont été blessés ; 27 cas de jets de pierres sur des maisons ; 17 attaques sur des véhicules en marche ; 147 de ces attaques visaient des fermiers palestiniens ou leurs biens, dont 80 cas de dégâts sur des arbres et des récoltes appartenant à des Palestiniens, et aboutissant à plus de 3.000 arbres vandalisés.

B’Tselem a remarqué que 72 cas de violence des colons ont eu lieu en présence de soldats israéliens, de policiers ou de personnel de sécurité, qui ne sont pas intervenus pour mettre fin à l’agression contre les Palestiniens ou leurs biens.

« Ces actions violentes ne pourraient pas être accomplies sans le soutien catégorique de l’État », a dit B’Tselem, ajoutant que, dans 28 cas de violence des colons, les soldats israéliens ont dispersé les résidents palestiniens, qui ont subi des attaques de tirs de gaz lacrymogène, de grenades assourdissantes et de balles de métal enrobé de caoutchouc. A cinq occasions, on a fait usage de tirs à balles réelles sur les Palestiniens et au moins 12 Palestiniens ont été arrêtés au cours de ces altercations.

Outre la supervision et la promotion de la violence des colons, les forces israéliennes elles-mêmes ont été responsables du meurtre de 32 Palestiniens en 2020, dont neuf enfants, a rapporté Al-Haq.

L’association a fait remarquer qu’à neuf occasions, les soldats israéliens ont empêché les ambulances palestiniennes d’apporter les premiers soins à des Palestiniens blessés avant qu’ils ne succombent à leurs blessures. Dans 19 cas, et cela représente la majorité des Palestiniens tués en 2020, les soldats israéliens n’ont pas apporté les premiers secours aux Palestiniens blessés après avoir été atteints par balles.

D’après Al-Haq, 11 Palestiniens ont été tués dans des « circonstances particulières », dont quatre prisonniers palestiniens – dont on a pensé qu’ils étaient morts à cause de négligences médicales dans une prison israélienne.

En 2020, les autorités israéliennes ont retenu les corps de 18 Palestiniens dans le cadre de leur politique de retenue des corps de Palestiniens abattus accusés d’avoir commis des attaques contre des Israéliens – politique qui a été largement condamnée par les associations des droits de la personne humaine comme « cruelle et sans justification légale ».

Fin 2020, Israël a continué à retenir les corps de 69 Palestiniens. L’un de ces corps est celui d’Ahmad Erekat, pour lequel les autorités israéliennes ont été accusées « d’assassinat extrajudiciaire » en juin 2020 à un checkpoint militaire, et dont le cas a largement retenu l’attention internationale.

Dans une tentative pour enraciner davantage la politique d’impunité exercée par Israël envers ses soldats qui tuent et blessent les Palestiniens, un projet de loi a été proposé en 2020 qui empêcherait « qu’il soit possible de tenir pour responsables les soldats qui ont tué des Palestiniens pendant leur service militaire », a dit Al-Haq.

En plus de promouvoir la culture existante de l’impunité, ce projet de loi « encourage les troupes [israéliennes] à utiliser la force, en violation du droit international, en sachant qu’ils ne seront jamais mis face à leur responsabilité », a dénoncé l’association.

En plus des meurtres et des démolitions de maisons, les forces israéliennes ont été responsables de la perpétration de plus de 1.000 autres violations, a rapporté Al-Haq, dont des arrestations, la confiscation de biens, des coups, de la violence physique et de la torture, entre autres.

Al-Haq a rapporté que les soldats israéliens ont aussi « agressé des personnel médicaux palestiniens, refusé des permis d’accès ou des permis pour recevoir un traitement médical, imposé des restrictions aux droits à la liberté de circulation et aux rassemblements pacifiques, et ont commis des violations contre l’environnement. »

« Pour resserrer encore plus l’emprise coloniale israélienne, un projet de loi a été soumis pour réprimer le droits des Palestiniens à la résistance contre l’occupation coloniale israélienne », a rapporté Al-Haq, faisant référence à une loi qui propose de légaliser l’expulsion de familles de Palestiniens qui « mènent des opérations contre les autorités d’occupation israéliennes hors de Palestine ».

« C’est une forme plus flagrante de punition collective imposée par les autorités israéliennes d’occupation sur les familles de ceux qui sont chargés de mener des opérations contre l’occupation israélienne », a dit l’association.

Par ailleurs, dans le cadre « des efforts acharnés » d’Israël « pour réprimer le droit à la liberté d’expression », un projet de loi a été présenté à la Knesset, le parlement israélien, qui ajouterait une disposition à la « Loi Anti-Terrorisme » existante qui prescrit une condamnation à cinq ans de prison à quiconque aurait publié ou ‘aimé’ un post sur un réseau social « soutenant les droits des Palestiniens et leur lutte pour l’indépendance ».

Violations perpétrées par l’AP et le Hamas

Tandis que les forces israéliennes et les colons ont perpétré en 2020 la majorité des violations des droits humains en Palestine, les droits des Palestiniens ont également été menacés par leur propre gouvernement ainsi que par les autorités en Cisjordanie et à Gaza.

D’après Al-Haq, l’Autorité Palestinienne (AP) en Cisjordanie, et le Hamas, qui exerce de facto l’autorité dans la Bande de Gaza, ont perpétré nombre de violations des droits « sous couvert de l’état d’urgence » qui a été « illégalement » déclaré au début de la pandémie en mars 2020 et a depuis été étendu.

Les autorités palestiniennes se sont rendues responsables de nombreuses violations, dont la détention arbitraire, des infractions au droit à un procès équitable, au droit à des conditions d’incarcération humaines et au droit à la liberté d’expression, a détaillé Al-Haq.

Mauvais traitements, torture, coups, violence physique et confiscation d’appareils, d’argent et d’équipements figurent également sur la liste des violations commises en 2020 par les responsables palestiniens.

La majorité des violations des droits humains perpétrées par les autorités palestiniennes ont été commises par la police en Cisjordanie (106) et dans la Bande de Gaza (155) ; les forces de Sécurité Préventive (159) ; les forces de Sécurité Intérieure (148) ; et les Renseignements Généraux (66), a rapporté Al-Haq.

Les responsables palestiniens ont longtemps été accusés de corruption généralisée et ont été accusés d’étouffer la dissidence, à la fois en Cisjordanie et à Gaza. Des dizaines de citoyens palestiniens, principalement des jeunes, ont été arrêtés et torturés par l’AP ces dernières années à cause de posts sur les réseaux sociaux critiquant Abbas et son régime.

Source : Mondoweiss

Traduction J. Ch. pour l’Agence média Palestine

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