J Street rassemble des progressistes et des criminels de guerre israéliens

Par Ali Abunimah, le 19 avril 2021

La présidente de la Chambre des Représentants des États-Unis, Nancy Pelosi, intervenant au congrès annuel de J Street en 2019. Cette année, la rencontre du groupe de lobbying pro israélien s’est tenue en ligne. (via Facebook)

J Street a tenu son assemblée annuelle en ligne dimanche et lundi derniers.

Ce groupe de pression pro israélien progressiste peut se vanter de mettre en avant une liste d’orateurs impressionnante, ceux qu’on appelle progressistes au Congrès, des ténors de l’administration Biden et même quelques Palestiniens. 

Ils apparaissent aux côtés de criminels de guerre israéliens endurcis, aux mains sales de sang palestinien et libanais.

Cela se passe le même mois où Alexandria Ocasio-Cortez, peut-être la progressiste la plus influente du Congrès, a fait un étalage remarquable de complaisance envers un groupe de pression pro israélien de droite de New York.

Ces dernières années, davantage de démocrates ont montré une réticence à se tourner vers l’AIPAC, le puissant groupe de lobbying pro israélien qui est vu de plus en plus comme aligné sur la droite dure aux États-Unis et en Israel.

La représentante Betty McCollum – qui ne participe pas au congrès de J Street – a même fustigé le caractère de « groupe haineux » de l’AIPAC.

S’exprimer au congrès de J Street – un AIPAC plus gentil, plus aimable – est ainsi devenu une façon pour les Démocrates de rendre hommage à Israël et à ses lobbyistes, tout en essayant d’adoucir la critique de la base du parti qui se positionne plus que jamais en faveur des droits des Palestiniens.

Des membres progressistes de la Chambre des représentants Ro Khanna, Ayanna Pressley, Pramila Jayapal, Barbara Lee et Jamaal Bowman, ainsi que la patronne qu’ils ont tous réélue, la présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi, sont sur la scène virtuelle de J Street cette semaine.

Les sénateurs Bernie Sanders et Elizabeth Warren prennent la parole, ainsi que le révérend Raphael Warnock, un ancien partisan des droits des Palestiniens, qui s’est rapidement et totalement vendu au lobby israélien dans le cadre de sa campagne réussie pour remporter l’un des sièges du Sénat américain de Géorgie.

Son collègue sénateur de Géorgie, Jon Ossoff,  qui n’a jamais prétendu être autre chose qu’un partisan de la ligne dure pro-israélienne, est également présent.

Parmi les orateurs au congrès de J Street figure en bonne place le chef de la majorité du Sénat,  Chuck Schumer, qui a dénoncé le mouvement non violent de boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) à direction palestinienne comme étant « antisémite », et qui croit que Dieu l’a envoyé au Sénat pour protéger Israël.

Schumer affrme souvent que son nom vient du mot hébreu shomer – gardien.

« Je crois que Hachem [Dieu] m’a donné ce nom pour l’un de mes rôles très importants au Sénat des États-Unis, celui d’être un shomer pour Israël, et je continuerai à l’être avec tous les os de mon corps », a déclaré Mr Schumer.

L’administration Biden est représentée par l’ambassadrice des États-Unis auprès des Nations unies,  Linda Thomas-Greenfield, qui a récemment calomnié le mouvement BDS en le traitant d’anti-juif et en réaffirmant l’opposition de son gouvernement à ce mouvement.

Ils sont rejoints par Tom Malinowski, membre de la Chambre des représentants, partisan belliqueux de l’intervention militaire américaine et autre opposant au mouvement BDS.

Plusieurs représentants des vestiges de la gauche sioniste d’Israël sont présents au congrès de J Street, notamment le chef du parti travailliste Merav Michaeli et Nitzan Horowitz, le chef du Meretz, et Yousef Al Otaiba, ambassadeur de longue date des Émirats Arabes Unis aux États-Unis, comme représentant de l’alliance entre le régime d’apartheid israélien et les dictatures régionales soutenues par les États-Unis.

J Street s’oppose aux droits fondamentaux des Palestiniens

Tout à fait comme les partis démocrate et républicain, J Street et l’AIPAC représentent essentiellement deux volets des mêmes intérêts – en dépit de différences de style et de discours. 

S’agissant en substance des droits des Palestiniens, J Street et l’AIPAC ont davantage de points d’accord que de différences.

Autant J Street que l’AIPAC prétendent soutenir la solution éteinte « à deux États », dans le but de maintenir Israël comme État « juif ».

Comme d’autres pro-israéliens de la ligne dure, J Street soutient pleinement le refus raciste d’Israël au retour de millions de réfugiés palestiniens dans les foyers dont ils ont été expulsés par un nettoyage ethnique dû au seul fait qu’ils ne sont pas juifs.

J Street a même publié de la propagande raciste ignoble sur « la menace démographique d’une population dépourvue d’État » – comme si la simple existence de Palestiniens était un acte de violence contre Israël.

Et tout comme l’AIPAC, J Street maintient une farouche opposition à BDS, un mouvement construit sur le modèle de la campagne de solidarité internationale qui a contribué à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud. 

J Street tente d’édulcorer cette opposition en prétendant qu’il ne s’oppose pas au boycott quand celui-ci « soutient explicitement une solution à deux États, reconnaît le droit d’Israël à l’existence et se centre uniquement sur le territoire occupé ».

Mais J Street reproduit les calomnies habituelles d’Israël – sans apporter aucune preuve – selon lesquelles les dirigeants du mouvement BDS « se sont livrés à une rhétorique antisémite inacceptable ». 

Il n’y a pas eu de plus claire démonstration de l’engagement de J Street sur ces positions anti palestiniennes que lorsque le groupe a retiré son soutien à la représentante Rashida Tlaib au moment où elle s’est présentée au Congrès pour la première fois en 2018.

J Street a retiré son soutien à Tlaïb après que la démocrate du Michigan ait exprimé son soutien à BDS et pour un État démocratique unique où Palestiniens et Juifs israéliens seraient égaux devant la loi.

Il est vrai que J Street a modifié certaines de ses positions

Tout en restant un ardent défenseur des milliards d’aide militaire américaine annuelle à Israël, le groupe approuve un nouveau projet de loi qui empêcherait Israël d’utiliser les fonds américains pour des violations de droits, notamment la détention d’enfants palestiniens et la démolition de maisons palestiniennes.

Mais J Street n’a rien eu à voir avec l’important travail réalisé à la base pour arriver à présenter ce projet de loi au Congrès.

Que le groupe prenne le train en marche est un signe qu’il sait que le terrain est en train de changer et qu’il doit agir pour maintenir sa crédibilité «progressiste» alors même qu’il continue de tenir fermement à des positions profondément anti-palestiniennes.

Notamment, alors que J Street dit que l’aide américaine à Israël ne devrait pas être utilisée pour payer la note de l’annexion ou pour «fouler aux pieds les droits des Palestiniens», il ne pense pas que les 3,8 milliards de dollars annuels fournis par les contribuables américains devraient réellement être réduits, soumis à conditions ou supprimés, mais simplement que leur utilisation soit «limitée» à des fins spécifiques.

Criminels de guerre et racistes

Sans aucun doute, si leur présence était contestée, de nombreux démocrates s’exprimant au congrès de J Street affirmeraient qu’ils le font au nom de la « paix».

Mais, apparaître avec des criminels de guerre impénitents est une façon étrange de le montrer.

Ils partagent la scène virtuelle de J Street avec Ehud Olmert , qui en tant que Premier ministre d’Israël a ordonné l’attaque de l’ opération Plomb durci sur Gaza en décembre 2008, tuant plus de 1 400 Palestiniens, civils en grande majorité, dont 300 enfants.

Olmert était également en responsabilité quand Israël a envahi le Liban en 2006 , bombardant le pays avec des bombes à sous-munitions et tuant plus de 1 100 personnes, pour la plupart des civils.

Il y a aussi l’ancienne ministre israélienne des Affaires étrangères Tzipi Livni , qui s’est soustraite aux tentatives des autorités judiciaires de plusieurs pays de l’interroger sur son rôle dans le massacre de 2008-2009 à Gaza.

Livni, il faut le rappeler, s’est vantée en janvier 2009 qu ‘«Israël a fait preuve d’un véritable vandalisme au cours de la récente opération, que j’ai exigée».

Les orateurs prestigieux au congrès de J Street incluent également le général de division à la retraite Yair Golan , qui a participé à l’opération Plomb durci et a commandé les forces d’occupation qui imposent le régime militaire oppressif d’Israël aux Palestiniens en Cisjordanie.

En tant que commandant des forces israéliennes aux frontières avec le Liban et le plateau du Golan occupé par la Syrie il y a dix ans, Yair Golan a joué un rôle important dans le soutien d’Israël – qui comprenait fondamentalement des armes et des financements – aux groupes armés djihadistes liés à Al-Qaida en Syrie.

Ami Ayalon , ancien chef de l’agence israélienne d’espionnage et de torture , Shin Bet , est un autre rouage de la machine d’oppression israélienne qui trouve un accueil à J Street .

L’un des sponsors du congrès de J Street est l’organisation des Commandants pour la sécurité d’Israël.

Ce groupe représente plus de 300 généraux israéliens à la retraite, ainsi que des vétérans du Shin Bet et de l’agence internationale d’espionnage et d’assassinat israélienne Mossad, qui se sont engagés à «séparer Israël des Palestiniens» au nom de la préservation de la «démocratie juive».

Ces administrateurs de l’occupation s’inquiètent de la «situation démographique» d’Israël exactement de la même manière que les dirigeants blancs d’Afrique du Sud l’ont fait autrefois .

Les commandants pour la sécurité d’Israël se réfèrent à la perspective de donner aux Palestiniens – pour eux des «Musulmans» – des droits pleins et égaux comme à un «fléau».

Un des arguments racistes avancés par le groupe pour ne pas conférer aux Palestiniens tous les droits sous le régime israélien, est qu’ «Israël sera responsable des services médicaux pour des millions de Palestiniens annexés» et que «notre santé en sera affectée» en conséquence.

En vertu du droit international, Israël est déjà légalement responsable de la santé des Palestiniens qu’il occupe, mais il choisit de faire fi de cette obligation, notamment en refusant aux Palestiniens les vaccins COVID-19.

Une telle ségrégation est ce qui passe souvent pour une politique «progressiste» en ce qui concerne Israël.

Des organisations israéliennes telles qu’Ir Amim, qui documente les activités de colonisation à Jérusalem, et Breaking the Silence , un groupe d’anciens combattants critiquant l’occupation, soutiennent également le congrès qui offre une scène à des responsables militaires israéliens impénitents.

C’est en se tordant les mains de façon spectaculaire que J Street a déclaré en mars qu’il ne pouvait « prendre aucune position » sur la récente décision de la Cour pénale internationale d’ouvrir une enquête officielle sur les crimes de guerre commis en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza.

Dans le même temps, J Street a affirmé qu’il ne pouvait pas soutenir «l’impunité totale» pour les actions d’Israël.

Mais si J Street n’a pas le courage de soutenir l’enquête de la CPI, s’il s’oppose au mouvement non-violent BDS, à la réduction de l’aide américaine à Israël et, il va sans dire, condamne toute forme de lutte armée palestinienne, alors, en fait, il soutient une impunité totale pour Israël.

Il ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre.

En refusant de soutenir l’enquête de la CPI, J Street s’évite au moins la maladresse d’accueillir des conférenciers dont il croit qu’ils pourraient un jour être tenus de rendre compte de leurs actions devant un tribunal.

Couverture palestinienne et musulmane

Malheureusement, certains Palestiniens et militants musulmans ont choisi d’offrir une couverture à J Street et à sa politique profondément anti-palestinienne.

Il n’est évidemment pas surprenant que le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, figure parmi les principaux orateurs.

J Street voit à juste titre Abbas comme un allié dans la quête commune d’abroger le droit au retour des réfugiés palestiniens.

Les autres participants palestiniens – malgré l’opposition de J Street à BDS et aux droits des réfugiés – sont le membre palestinien du parlement israélien Ayman Odeh et l’entrepreneur et activiste palestinien-américain Sam Bahour.

S’est également exprimé Rawan Odeh, un Palestinien dont il a été récemment révélé qu’il était impliqué dans «Heart of a Nation», une nouvelle initiative pro-israélienne «progressiste» lancée par un ancien membre du personnel de l’AIPAC.

Se joint à eux Salam al-Marayati , directeur du Conseil des affaires publiques musulmanes et ardent défenseur d’ Emgage , le groupe musulman américain qui soutient et collecte des fonds pour les candidats pro-israéliens.

Un autre participant au congrès de J Street est Yehuda Kurtzer, président du Shalom Hartman Institute of North America.

Il fait partie de l’Institut Shalom Hartman de Jérusalem, qui travaille en étroite collaboration avec l’armée israélienne et héberge l’ Initiative du leadership musulman .

MLI fait faire à des soi-disant dirigeants musulmans américains des voyages en Israël s’efforçant ainsi de les coopter comme porte-parole de la propagande israélienne sous la bannière du soi-disant dialogue interconfessionnel.

Parer l’apartheid d’un joli visage 

J Street, avec l’aide de progressistes et de certains Palestiniens, continue de se présenter comme le visage acceptable du lobby israélien, celui que les démocrates peuvent embrasser sans se sentir coupables.

Le signe le plus clair de la position réelle de J Street est son silence sur le rapport de janvier du groupe israélien de défense des droits humains B’Tselem déclarant – enfin – qu’Israël applique un régime d’apartheid contre les Palestiniens dans tout le territoire entre le Jourdain et la Mer Méditerranée.

Comme Phil Weiss et Joshua Gold l’ont observé dans Mondoweiss, B’Tselem a mis les groupes de pression israéliens «dans une impasse parce qu’à la suite du rapport, il est pratiquement impossible de se dire à la fois progressiste et pro-israélien, comme le font J Street et de nombreux autres groupes. . »

« Si vous reconnaissez qu’Israël pratique l’apartheid, vous soutenez essentiellement BDS», ont ajouté Weiss et Gold. « Parce que l’apartheid est un crime contre l’humanité, et comme ce fut le cas avec l’apartheid en Afrique du Sud, notre devoir est de soutenir le boycott, le désinvestissement et les sanctions ».

J Street ne peut pas reconnaître l’apartheid israélien, car en s’opposant aux droits des réfugiés palestiniens, il soutient la ségrégation raciale, la suprématie et la discrimination.

J Street n’approuvera pas BDS parce qu’il ne veut pas que les Palestiniens aient le pouvoir, l’influence et l’égalité des droits, ou qu’ils contrôlent leur sort.

J Street reste un ennemi des droits des Palestiniens dont la mission est de donner un visage plus doux et «progressiste» à l’apartheid.

Personne ne devrait tomber dans le piège ni participer à la mascarade.

Source : The Electronic Intifada

Traduction SF pour l’Agence média Palestine

Retour haut de page