La “profonde préoccupation” n’arrêtera pas les évictions à Jérusalem

Par Maureen Clare Murphy, le 7 Mai 2021 

La police israélienne bloque un manfestant palestinien à Sheikh Jarrah le 4 mai (Ammar Awad/ Reuters)

Il semblerait qu’Israël compte s’en tirer à bon compte en matière de meurtres et de nettoyage ethnique perpétuel.

Les autorités de l’État ont déclaré qu’elles enquêtaient sur la mort de Said Yousef Muhammad Odeh, un jeune Palestinien qui a été abattu d’une balle dans le dos par des soldats israéliens en début de semaine.

Cette prétendue enquête ne peut cependant pas être prise au sérieux, étant donné le bilan catastrophique d’Israël en matière d’enquêtes sur la mort de Palestiniens par ses forces. 

Au contraire, les auto-enquêtes d’Israël ne doivent être considérées que comme des exercices creux destinés à échapper à la responsabilité internationale.

Il reste à voir si la Cour pénale internationale accorde du poids à ces enquêtes, qui n’ont abouti qu’à une poignée de condamnations de soldats de bas rang ces dernières années.

Ce tribunal a annoncé qu’il avait ouvert une enquête sur des crimes de guerre présumés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza au début de l’année.

Enquêtes fictives

La CPI s’en remet aux enquêtes internes d’un pays, lorsqu’elles existent, en vertu du principe de complémentarité qui veut que « les États ont la responsabilité première et le droit de poursuivre les crimes internationaux. »

Près de 200 Israéliens, dont des professeurs d’université et des officiers supérieurs de l’armée de réserve, ont écrit à la CPI cette semaine pour dire que l’État « n’a pas l’intention d’enquêter sérieusement sur les plaintes pour crimes de guerre. » 

L’armée israélienne dit enquêter sur la mort par balle, dimanche, d’une femme palestinienne à un carrefour routier près d’une colonie de Cisjordanie.

Comme le dit sans ambages, le journaliste de Haaretz Gideon Levy, la vidéo de la fusillade de Fahmiya Hroub « ne laisse aucune place au doute : Il s’agit d’une exécution ».

Les images montrent la sexagénaire avançant lentement vers les soldats tout en tenant un couteau de cuisine. Elle ne représentait aucune menace immédiate pour la vie de quiconque avant d’être abattue de balles dans l’estomac, la jambe et la main et laissée en sang dans la rue avant d’être transférée dans un hôpital où elle est décédée.

B’Tselem, une organisation israélienne de défense des droits de l’homme, a déclaré que le meurtre de la femme reflétait la politique de feu ouvert d’Israël « soutenue par de hauts responsables gouvernementaux et militaires ». Cette politique autorise le recours à la force meurtrière « contre tout Palestinien tenant un couteau, quel que soit le degré de dangerosité ».

Selon B’Tselem, aucun Israélien responsable de la mort d’un Palestinien dans des circonstances similaires n’a été inculpé.

La famille de Hroub a déclaré à Levy que la femme tuée avait des problèmes psychiatriques et qu’elle était sortie de l’hôpital la veille de son assassinat.

Israël détient le corps de la femme, empêchant sa famille d’organiser un enterrement.

La Cour suprême d’Israël a approuvé la rétention des corps des Palestiniens tués afin de les utiliser comme monnaie d’échange dans les négociations avec le Hamas, qui détiendrait les restes de deux soldats israéliens tués lors de l’invasion de Gaza en 2014.

Al-Haq, un important groupe palestinien de défense des droits de l’homme, affirme que « la pratique consistant à retenir les corps équivaut à une politique de punition collective. »

Le recours d’Israël à la punition collective constitue une violation de l’article 33 de la quatrième convention de Genève et donc un crime de guerre.

La Cour suprême de l’État a donné sa bénédiction à une autre forme de punition collective : les démolitions punitives de maisons.

Cette punition est infligée aux familles de Palestiniens soupçonnés d’être impliqués dans des attaques contre des Israéliens, mais n’est jamais utilisée contre des Israéliens qui ont attaqué des Palestiniens.

Jeudi soir, les forces d’occupation ont envahi une maison appartenant à la famille de Muntasir Shalabi, un Palestinien arrêté par Israël pour avoir tiré sur trois jeunes Israéliens en Cisjordanie, dont l’un est décédé de ses blessures, en début de semaine.

L’armée israélienne a publié une vidéo de ses soldats dans la maison, la cartographiant avant sa démolition – en d’autres termes, elle a publié une vidéo de ses forces préparant un crime de guerre.

Pendant ce temps, les vidéos terrifiantes circulant sur les médias sociaux (malgré la censure de Twitter et de Facebook) et montrant la brutalité de la police israélienne et des colons à l’encontre des Palestiniens de Sheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est occupée, ne manquent pas.

Expulsions de Sheikh Jarrah

Les Palestiniens menacés d’une expulsion imminente de leurs maisons à Sheikh Jarrah demandent à la Cour pénale internationale d’enquêter sur les crimes commis par Israël, à savoir « transfert forcé, appropriation de biens, persécution, apartheid et autres actes inhumains causant de grandes souffrances ou des blessures graves ».

Un tribunal israélien a ouvert la voie à ces expulsions, statuant en faveur de Nahalat Shimon International – une organisation basée aux Etats Unis – et d’Ateret Cohanim, un autre groupe d’implantation qui cherche à s’emparer des propriétés.

Il s’agirait du deuxième ou troisième déplacement forcé de familles palestiniennes qui se sont vu refuser le droit de retourner dans les villes et villages dont elles ont été expulsées au moment de la création d’Israël en 1948.

Selon les groupes de défense des droits de l’homme, ces familles sont soumises à un « environnement coercitif » à Jérusalem « conçu pour transformer la composition démographique de la ville afin de garantir le contrôle de Jérusalem par les Juifs israéliens et de provoquer le déplacement continu des Palestiniens ». 

Vendredi, le bureau des droits de l’homme des Nations unies a averti Israël que ces expulsions constituaient un crime de guerre.

Le ministère israélien des affaires étrangères a qualifié la situation de « litige immobilier ».

Le Comité national palestinien de Boycott, Désinvestissement et Sanctions a déclaré que « les scènes de violence des colons à Sheikh Jarrah sont répugnantes. Mais elles ne sont pas nouvelles ».

Elles s’inscrivent dans la continuité de la violence exercée contre les Palestiniens avant, pendant et après qu’Israël ait déclaré son indépendance sur leur patrie. 

La violence de la domination et du déplacement – exercée par les colons et les forces en uniforme – est soutenue par l’État israélien à tous les niveaux.

La “profonde préoccupation”– la formulation constamment utilisée par les diplomates occidentaux – n’offre aucune protection aux Palestiniens sous la botte de l’occupation militaire israélienne.

Tout État ou institution qui peut exercer une pression matérielle mais qui, au lieu de cela, se contente d’exhorter Israël à agir avec retenue et à enquêter lui-même est complice de la poursuite de ce régime brutal de colonisation.

Source : The Electronic Intifada

Traduction JPB pour l’Agence média Palestine

Retour en haut