“Nous avons besoin de nourriture”: les Palestiniens déplacés à l’intérieur de la bande de Gaza demandent un approvisionnement

Par Linah Alsaafin, le 17 mai 2021

Selon l’ONU, plus de 58 000 Palestiniens ont été déplacés à l’intérieur de la bande de Gaza pendant que les Israéliens continuent leur bombardement intense du territoire.

haher Barda’s family left their home in Gaza’s Shujaiyah with only the clothes on their back following intensive artillery and aerial bombardment [Mohammed Salem/Al Jazeera]
Les membres de la famille de Shaher Barda ont quitté leur maison de Shujaiyah, sur le front est de Gaza, en n’emportant que les vêtements qu’ils avaient sur le dos, après des tirs d’artillerie et des bombardements aériens intensifs [Mohammed Salem/Al Jazeera]

Berçant Hasan, son nouveau-né, sur le sol d’une salle de classe de Gaza City, ses cinq autres enfants ne cessant d’entrer et de sortir, Suheir al-Arbeed fait la liste des fournitures de base dont sa famille manque.

“Il nous faut de la nourriture, des vêtements, des couettes, des matelas et du lait”, énumère al-Arbeed lors d’une interview donnée au téléphone à Al Jazeera. Elle a accouché il y a deux semaines. “J’ai mal au dos à force de dormir par terre sur une couverture fine.”

“Je suis forcée de demander à d’autres personnes des couches pour mon fils”, ajoute-t-elle. “J’essaie de l’allaiter, mais il a quand même faim et il n’arrête pas de pleurer.”

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Suheir al-Arbeed tient dans ses bras son fils nouveau-né, dans l’école Gaza al-Jadeeda, à Gaza City, après avoir été forcée, avec sa famille, de quitter leur maison de Shujaiyah [Mohammed Salem/Al Jazeera]

Cette femme de 30 ans, comme des centaines de familles vivant dans le nord et l’est de Gaza, a fui sa maison jeudi [13 mai] du jour au lendemain, pendant que des tirs d’artillerie et des bombardements aériens massifs ébranlaient le sol sous leurs pieds.

Les familles se sont échappées à pied et ont parcouru hâtivement dans l’obscurité une distance de plusieurs kilomètres jusqu’à l’école Gaza al-Jadeeda, gérée, comme beaucoup d’autres, par l’UNRWA, agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens.

“Aucune voiture, aucun moyen de transport n’était disponible”, précise al-Arbeed dont la maison est située à Shujaiyah, dans le nord-est de Gaza.

Quant à Umm Jamal al-Attar, ce n’est pas la première fois qu’elle et sa famille sont déplacés. Elle a raconté à Al Jazeera qu’elle avait passé 40 jours à l’abri dans une école en 2014, lors de la guerre de Gaza au cours de laquelle Israël a tué plus de 2 100 Palestiniens, dont 1 462 civils, sur une période de 51 jours.

https://www.aljazeera.com/wp-content/uploads/2021/05/D5A1133-copy.jpg?w=770&resize=770%2C513Les familles déplacées font sécher leur linge sur les garde-corps tandis que les enfants jouent dans la cour de l’école [Mohammed Salem/Al Jazeera]

Umm Jamal, son mari et leurs cinq enfants ont quitté en toute hâte leur maison d’Atatra, à Beit Lahia, dans le nord, après qu’un bâtiment voisin a été visé par un missile israélien.

L’attaque a tué Lamya al-Attar et ses trois enfants – Amir, Islam et Mohammed – qui habitaient un appartement au deuxième étage.

“Les Israéliens nous bombardaient avec des missiles et de l’artillerie. Ils ont aussi lancé une sorte de gaz”, raconte Umm Jamal, en ajoutant qu’elle n’a pas pu rentrer chez elle pour prendre des vêtements ou de la nourriture.

“Nos enfants ont besoin d’être distraits par des jouets, par quelque chose qui va écarter de leur pensée les bombardements et la peur qui remplit leur vie”, dit-elle encore. “Le bombardement, ils ne parlent que de ça en ce moment.”

“Un besoin urgent de soutien”

Le bombardement par Israël de la Bande de Gaza assiégée, qui entre dans sa deuxième semaine, a tué au moins 213 Palestiniens, dont 61 enfants et 36 femmes, selon les autorités sanitaires de Gaza. On compte plus de 1 300 blessés.

Israël a fait état d’au moins 10 morts, dont deux enfants, tués à la suite de tirs de roquettes du Hamas, le groupe palestinien au pouvoir à Gaza.

L’escalade a été déclenchée lundi dernier [10 mai] lorsque des troupes israéliennes ont attaqué des manifestants autour de la mosquée Al-Aqsa dans Jérusalem-Est occupée, blessant des centaines de Palestiniens. Quand Israël a défié la date limite fixée par le Hamas en ne retirant pas ses forces de la zone entourant ce site, sacré tant pour les musulmans que pour les juifs, le Hamas a tiré plusieurs roquettes vers Jérusalem. Peu après, Israël a lancé des raids aériens sur Gaza.

Selon les Nations unies, plus de 58 000 Palestiniens de Gaza ont été déplacés à l’intérieur du territoire. Au moins 42 000 d’entre eux sont en quête d’un abri dans 50 écoles de l’UNRWA en différents lieux de cette bande côtière. Ce chiffre inclut au moins 2 500 personnes dont les maisons ont été complètement détruites sous les bombes israéliennes.

Dans une brève déclaration faite lundi, Adnan Abu Hassan, porte-parole de l’UNRWA, indique que l’agence a commencé à répondre à certains besoins fondamentaux des familles déplacées.

“Nous avons un besoin urgent de soutien”, souligne-t-il, en évoquant le bouclage effectué le 10 mai par Israël des points de passage utilisés pour faire venir l’aide humanitaire.

“J’ai besoin de couvertures pour mes enfants”

Majda Abu Karesh, mère de sept enfants dont la maison à Beit Lahia a été détruite, dit que les familles ont dû se débrouiller seules en ce qui concerne les produits de base. 

“C’est la quatrième guerre où nous devons chercher refuge dans une école”, raconte-t-elle à Al Jazeera.

“Il y a maintenant cinq jours que nous dormons à même le sol, et l’UNRWA ne nous a remis ni nourriture ni fournitures. On n’a même pas d’eau potable, et les toilettes sont en mauvais état.”

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Majda Abu Karesh, 30 ans, mère de sept enfants, raconte que, pour la quatrième fois depuis l’offensive israélienne de 2008-09, sa famille a été contrainte de quitter Beit Lahia [Mohammed Salem/Al Jazeera]

Selon Shaher Barda, forcé de quitter Shujaiya avec les membres de sa famille en n’emportant que les vêtements qu’ils avaient sur le dos, l’agence d’aide aux réfugiés ne s’est pas “beaucoup préoccupée de [leur] situation”.

“Nous nous sommes réunis, et chacun a versé 1 shekel (0,30 dollar) pour que nous puissions acheter assez d’eau”, ajoute-t-il. “Nous sommes ici non pas par choix, mais parce que nos maisons ne sont pas des abris anti-bombes et que personne n’aurait survécu à ces attaques israéliennes démentes.”

Vendredi [14 mai], un porte-parole de l’armée israélienne a reconnu l’intensité des bombardements terrestres et aériens. Selon ses dires, l’offensive aérienne d’avant l’aube a été menée par 160 avions de guerre et a utilisé environ 450 missiles et obus pour attaquer 150 cibles en 40 minutes.

Le porte-parole a dit que l’armée visait un vaste réseau de tunnels souterrains utilisés par le Hamas, mais de nombreux habitants de ce secteur ont contesté cette affirmation, indiquant qu’ils n’avaient vu aucun combattant.

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Rajai Barda et sa famille ont fui leur maison de Shujaiyah après la destruction de la maison d’un voisin par des attaques aériennes israéliennes, le 12 mai [Mohammed Salem/Al Jazeera]

Rajai, un parent de Shaher Barda, explique que lui et les membres de sa famille ne peuvent pas rentrer chez eux parce que c’est trop dangereux.

“Pour de nombreuses familles ici, comme nous vivons à proximité de la clôture israélienne, ce n’est pas la première fois que nous sommes déplacés”,  ajoute-t-il, assis sur un morceau de carton qui lui sert également de lit.

“Nous voulons que le monde nous soutienne”, continue-t-il. “Et nous, à Gaza, nous soutenons la mosquée Aqsa, nous sommes aux côtés des Palestiniens de Jérusalem et d’ailleurs. Nous devons tous rester unis. Mais pour l’instant j’ai seulement besoin de couvertures pour mes enfants, qui n’ont pas pu dormir la nuit dernière à cause du froid.”

Source: Al Jazeera

Traduction SM pour l »Agence média Palestine

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