À Gaza, un père essayait de consoler ses enfants. Et puis Israël l’a tué

Par Tamara Nassar, le 12 juin 2021

En mai, après 11 jours de bombardement de Gaza par Israël, l’enclave côtière était en ruines… encore une fois.

Plus de 250 Palestiniens ont été tués, dont au moins 67 enfants.

Environ la moitié des personnes tuées étaient des civils, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), et 245 d’entre elles ont été tuées par des tirs israéliens. Certaines sont mortes du fait de roquettes tirées depuis Gaza qui n’ont pas atteint leur cible.

Dans certains cas, plusieurs générations de plusieurs familles palestiniennes ont été presque  complètement anéanties. Quatorze familles ont perdu trois de leurs membres ou davantage lors d’une seule attaque, et 19 familles ont perdu deux de leurs membres ou davantage.

Dans certains cas, un seul membre d’une famille nucléaire a survécu. Dans un cas, 21 membres de la même famille ont été tués.

Ce qui suit est la partie III d’une série qui documente les noms, les visages et les histoires de quelques victimes de l’offensive menée par Israël contre Gaza en mai 2021. Lisez la partie I ici et la partie II ici

Quand Israël a commencé à bombarder Gaza au début du mois de mai, Ahmad al-Mansi s’est efforcé de consoler ses enfants terrifiés.

Hala, Sarah et Malek figuraient régulièrement sur la chaîne YouTube de leur père intitulée “Sarah et Hala les étoiles”, qui a actuellement 280 000 abonnés.

Les enfants créent avec leur père toutes sortes de vidéos, filmant par exemple un barbecue familial, accrochant des décorations de Ramadan, se faisant des farces ou répondant à des défis.

Pendant les derniers jours du Ramadan, les trois enfants ont acheté des vêtements pour la fête de l’Aïd al-Fitr et ont posé pour leurs abonnés en les portant.

“Le jour de l’Aïd, en général, nous mettons de beaux habits le matin, nous prions puis nous rendons visite à notre famille pour partager les bienfaits de la fête”, explique al-Mansi dans une autre vidéo qu’il a postée le 12 mai.

“Cela n’arrivera pas à Gaza. Pourquoi ? Parce que la peur règne dans les rues.”

C’était le troisième jour de l’offensive d’Israël contre la Bande de Gaza.

Malek, Sarah et Hala ont perdu leur père Ahmad al-Mansi, tué par une frappe aérienne israélienne.

Dans la vidéo, al-Mansi va au marché et achète des bonbons, des jouets, des friandises pour ses enfants, pour essayer de les réconforter et de les distraire du bruit des bombes israéliennes.

Il prend pour chaque enfant sa marque de chips préférée et un jeu de pêche à la ligne pour les filles.

Au moment même où ils s’amusent avec leurs nouveaux jouets, ils semblent inquiets et préoccupés par le bruit des avions de combat qui les survolent et des missiles qui tombent autour d’eux.

À la fin de la vidéo, on voit les enfants chercher à s’abriter sous des coussins et dans les bras de leur père quand on entend le bruit d’un avion de combat à proximité.

Cette vidéo est la dernière qu’il a filmée.

Deux jours après, juste avant minuit, des avions de combat israéliens ont lâché des missiles sur leur quartier de Qalibo Hill, à l’est de Beit Lahiya, dans le nord de Gaza.

Un missile est tombé dans le jardin de la maison familiale, tuant Ahmad al-Mansi et son frère Yousif al-Mansi. Leur voisin, Ahmad Muhammad Sabbah, 28 ans, a été tué, lui aussi.

Selon certaines informations, Ahmad al-Mansi était membre des Brigades Qassam, branche armée du  Hamas.

Deux jours avant d’être tué, il avait demandé à Nesma, sa femme, de s’installer chez le père de Nesma avec leurs trois enfants afin d’être plus en sécurité, a relaté Hamza Abu Eltarabesh dans un article pour The Electronic Intifada.

Le photojournaliste palestinien Muhammad al-Mansi, frère d’Ahmad al-Mansi, dit qu’il “documentait les crimes d’Israël” à l’Hôpital Indonésien dans le nord de Gaza quand il a reconnu ses frères parmi les morts.

La femme de Muhammad al-Mansi avait fait une fausse couche quelques jours plus tôt à cause de l’anxiété provoquée par les bombardements israéliens, avait-il écrit dans un post antérieur sur Instagram.

Hala, Sarah et Malek – désormais orphelins de père – ont posté une vidéo sur leur chaîne où ils pleurent leur père et disent qu’il aimait Jérusalem et qu’il avait toujours voulu s’y rendre.

Dans une autre vidéo postée par leur oncle le mois dernier, on voit Hala et Malek essayer de sourire et de prier pour leur père.

Sarah, un peu plus âgée et plus consciente que ses frère et sœur, s’efforce visiblement de cacher sa douleur.

Tamara Nassar est rédactrice adjointe à The Electronic Intifada.

Source : The Electronic Intifada

Traduction SM pour l’Agence média Palestine

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