La mort sans avertissement

Par Amjad Ayman Yaghi, le 15 juin 2021

L’armée israélienne n’a pas donné d’avertissement avant de bombarder le camp de réfugiés de Beach, dans la ville de Gaza, le 15 mai (Ashraf Amra/APA images)

Un des mensonges proférés par l’armée israélienne pendant les récents bombardements sur Gaza était qu’elle tentait de minimiser les souffrances infligées aux civils.  

C’est ce qui a été prétendu, par exemple, dans un tweet du 17 mai. Pourtant, à cette date et lors des deux jours précédents, Israël a mené des attaques sans prévenir, dans lesquelles de nombreux civils ont été tués. 

Muhammad al-Hadidi a perdu son épouse et tous ses enfants sauf un, le 15 mai. 

Son épouse était partie la veille, voir son frère et sa famille dans le camp de réfugiés de Beach où elle avait passé la nuit, avec leurs enfants. Muhammad était resté seul chez eux. 

Tôt le matin il a été réveillé par une forte explosion. Peu après, il a reçu un appel téléphonique d’un voisin.

Son voisin lui a appris une terrible nouvelle. La maison de son beau-frère avait été bombardée sans avertissement.

Maha, la femme de Muhammad et quatre de leurs enfants ont été tués. Son bébé de tout juste 5 mois, Omar, était le seul survivant de la famille.

La belle-sœur de Muhammad et plusieurs de ses enfants ont aussi été tués.

« Quiconque veut croire qu’Israël ne tue pas des innocents à Gaza devrait se taire » a dit Muhammad. « Israël prétend toujours donner un avertissement pour nous protéger. Le fait est qu’Israël tue des enfants et des civils sans prévenir et sans une once d’humanité ».

Le personnel de la boulangerie al-Shanty s’est habitué à travailler dans des situations d’urgence.

Dans les trois épisodes précédents d’offensives israéliennes majeures contre Gaza depuis décembre 2008, la boulangerie était restée ouverte.

Son personnel était déterminé à continuer à produire du pain le mois dernier, lorsque la quatrième offensive s’est produite. Israël les a forcés à changer leurs dispositions.

Ahmad al-Shanty était dans la boulangerie – située dans la ville de Gaza, rue al-Wihda, aux premières heures de la journée du 16 mai.

Lui et ses collègues avaient un grand nombre de commandes à préparer. Ces commandes devaient être livrées à des gens qui avaient cherché refuge dans des écoles de l’UNWRA.

Le quartier, selon al-Shanty, était « complètement vide : pas un mouvement, pas même un chuchotement ».

« Puis, tout d’un coup, des missiles ont fracassé les vitres de la boulangerie » dit-il. « Nous avons dû nous mettre à l’abri derrière un four ».

“Pas de pitié”

C’était une horrible attaque israélienne contre un service de proximité très apprécié. Et ce n’était que le début d’une journée de grande violence.

Peu après, Israël fit tomber un bâtiment voisin où vivait la famille al-Qawlaq.

Le bâtiment fut complètement rasé. Au total, 21 membres de la famille élargie ont été tués ; le plus vieux était âgé de 90 ans et le plus jeune était un bébé. 

Muhammad Fawwaz al-Qawlaq, âgé de 24 ans, fait partie des quelques survivants.

Il a confirmé qu’Israël n’avait pas prévenu avant de bombarder sa famille.

Muhammad Fawwaz al-Qawlaq n’a que mépris pour les allégations de l’armée israélienne lorsqu’elle dit vouloir minimiser la souffrance en permettant aux familles d’évacuer leur maison avant de recevoir des bombes.

« C’est complètement merdique » dit-il. « Les Israéliens ont tué des civils sans pitié ».

« J’ai vu comment l’armée israélienne s’est vantée sur internet de la précision de ses bombardements. Les Israéliens auraient pu mettre en œuvre leur technologie pour vérifier si les gens tués rue al-Wihda étaient des civils ou non ? Mais ils n’ont rien à foutre des innocents, dont des enfants, qui ont été tués, de tous les rêves qui ont été détruits. Ils n’ont aucune humanité ».

Quelque 44 Palestiniens ont été tués dans le massacre. Dix-huit étaient des enfants

Réussite ?

Un jour après le massacre, Israël a frappé cette zone une fois de plus.

L’immeuble Ghazi al-Shawa a été bombardé sans avertissement le 17 mai. Lui aussi est situé rue al-Wihda.

Ziad Abu Dayer et a famille s’étaient mis à l’abri à cet endroit. Leur maison familiale avait été détruite pendant le désastre de la veille, aussi se sont-ils rendus chez des parents vivant dans l’immeuble Ghazi al-Shawa.

« Nous pensions que ce serait un endroit sûr où se cacher » a dit le fils de Ziad, Kamel âgé de 16 ans. 

Aucune sûreté nulle part. Ziad et sa nièce Rafeef sont parmi ceux qui ont été tués le 17 mai.

Kamel venait de voir si son père souhaitait manger quelque chose juste avant que le bombardement n’éclate. Ziad lisait le Coran et voulait continuer.

“Le bombardement a commencé quelques minutes plus tard » a dit Kamel. « Une fumée noire s’est rapidement répandue tout autour. Nous ne pouvions rien voir. J’ai trouvé mon père étendu au sol ». 

Kamel, blessé au bras, a accompagné son père à l’hôpital en hâte en ambulance. 

L’ambulance a pris plus de temps à arriver qu’elle n’aurait dû. La rue al-Wihda est située près d’al-Shifa, le plus grand hôpital de Gaza.

La rue adjacente ayant été gravement endommagée par Israël, les conducteurs d’ambulances rencontraient des difficultés à circuler vers et depuis l’hôpital.

Kamel a attendu à l’hôpital pendant que le personnel essayait de sauver son père. 

Ils n’y sont pas parvenus. Ziad a bientôt été déclaré mort.

“Israël dit qu’il a atteint tous ses objectifs (pendant l’attaque)” a dit Kamel. « Depuis quand tuer des innocents et laisser des enfants sans parents peut-il être considéré comme une réussite ? ».

Amjad Ayman Yaghi est un journaliste de Gaza.

Source : The Electronic Intifada

Traduction SF pour l’Agence média Palestine

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