L’État d’Israël a collecté illégalement des dizaines de millions de shekels auprès des travailleurs palestiniens – et ne les rendra pas

Par Nteel Bandel, le 21 juin 2021

Pendant 50 ans, l’État a déduit des « frais de traitement » des salaires des travailleurs agricoles et les a transférés à la Histadrut (principal syndicat de travailleurs israéliens), bien qu’ils n’y soient pas représentés. Lorsqu’une action collective a été intentée, l’État a émis un « avis de cessation » à l’intention du tribunal et s’est exempté de toute compensation.

L’ Autorité de la population et de l’immigration a collecté illégalement des dizaines de millions de shekels (1 shekel valent environ 0,25€) auprès des travailleurs palestiniens chaque année et les a transférés à la Histadrut. Au début du mois, le tribunal de district de Jérusalem a statué que cela avait été fait en violation de la loi, mais l’État s’est dispensé de dédommager les travailleurs par un « avis de cessation » qu’il a remis au tribunal.

Une décision gouvernementale de 1970 ordonnait aux Israéliens employant des Palestiniens dans l’industrie agricole d’égaliser leurs conditions sociales à celles des travailleurs israéliens. Pendant 50 ans, l’Autorité de la population et de l’immigration a imposé aux employeurs de déduire des « frais de traitement » d’un montant de 0,75 % des salaires des travailleurs palestiniens dans l’agriculture, et de transférer ces fonds à la Histadrut. Mais la plupart des travailleurs ne sont pas membres d’une convention collective ou d’une organisation de travailleurs, de sorte que cette déduction est contraire à la loi sur la protection des salaires. Il s’agit de dizaines de milliers de Palestiniens de qui des dizaines de millions de shekels ont été déduits chaque année et transférés illégalement à la Histadrut. Les employeurs qui ne déduisaient pas les salaires de leurs employés se voyaient infliger une amende de plusieurs dizaines de milliers de shekels.

En 2020, une pétition contre la collecte a été déposée auprès du Tribunal national du travail par les associations Ma’an et Kav LaOved. Ma’an affirme que les travailleurs palestiniens n’ont rien reçu en échange de l’importante somme d’argent qu’ils ont versée, car les syndicats palestiniens n’ont pas le statut nécessaire pour représenter les travailleurs en Israël, tandis que la Histadrout ne permettait même pas du tout aux Palestiniens d’en être membres jusqu’à récemment. « Cela s’est manifesté ces dernières années par la révélation de graves accidents de travail, qui ont porté préjudice aux travailleurs palestiniens de la construction sans qu’ils bénéficient d’une protection ou même de soins médicaux appropriés », a déclaré l’association. Suite à la pétition, l’ Autorité de la population a annoncé en décembre 2020 qu’elle cesserait de collecter les frais auprès des employés. Au même moment, dans le cadre d’un recours collectif déposé en 2019 par l’avocat Yigal Danino contre l’ Autorité de la population, au nom d’une entreprise agricole appelée Neta Haaretz, l’Autorité de la population a annoncé qu’elle cesserait également de facturer des frais aux employeurs. L’État a affirmé que l’ Autorité de la population ne servait que de mécanisme de liaison pour la Histadrout, une affirmation qui, selon le tribunal, « aurait mieux fait de ne pas être faite ».

L’année dernière, Adv. Danino a déposé un recours collectif au nom de tous les travailleurs palestiniens à qui l’Autorité de la population et la Histadrut a facturé des frais illégalement. Dans le cadre de la procédure instruite par le tribunal de district de Jérusalem, Adv. Danino a révélé les taux de collecte illégaux par le biais d’une demande de liberté d’information. Au cours des années 2018-2020, l’Autorité de la population a collecté illégalement 69 millions de NIS auprès des Palestiniens pour la Histadrut. De 2012 à 2018, les travailleurs palestiniens ont été illégalement facturés 19 millions NIS. L’ Autorité de la population a répondu au recours collectif par un « avis de cessation », selon lequel elle cessera cette action administrative. Un avis de cessation dans le cadre d’un recours collectif permet à l’État d’admettre une erreur et de cesser de la commettre, ce qui lui permet d’être exempté de l’obligation d’indemniser les plaignants. Comme l’État, par l’intermédiaire de l’Autorité de la population, est celui qui a illégalement collecté l’argent pour la Histadrout, son annonce a également accordé une exemption à la Histadrout.

Le juge Alexander Ron, au début du mois, a critiqué l’État dans sa décision, écrivant que « certaines actions collectives sont plus justifiées que d’autres. Le motif sur lequel repose cette action est hautement justifiable : en ligne de mire, les salaires des travailleurs agricoles, qui ne sont pas parmi les plus élevés. Ce sont également des travailleurs particulièrement vulnérables, quel que soit le critère choisi. Leur pouvoir de négociation est faible, et leur capacité à s’opposer à la perception de taxes inscrite dans les décisions gouvernementales, qui grugent leurs salaires, est nulle, si ce n’est moins encore. En effet, une déduction de 0,75 % est apparemment limitée. Mais les sommes s’accumulent, et réduisent le gagne-pain du pauvre, même si cela semble être de peu chaque mois. Et ce que fait l’État va à l’encontre du libellé de la législation primaire inscrite dans la loi sur la protection des salaires, qui a précisément été conçue à cette fin. La législation en question est claire, et ne nécessite aucune interprétation, et il ne peut y avoir aucun doute. »

L’ Autorité de la population et de l’immigration a déclaré : « Suite à une procédure judiciaire devant le Tribunal national du travail, la perception d’une déduction fiscale pour le traitement professionnel des salaires des travailleurs palestiniens légalement employés en Israël n’a pas été effectuée par l’intermédiaire de l’ Autorité de la population et de l’immigration depuis plus d’un an, et chaque employeur est tenu de transférer les fonds directement à l’organisation à laquelle l’employé est associé. Il convient de souligner que l’Autorité a servi dans cette affaire uniquement de mécanisme de liaison pour la collecte des frais auprès des employeurs et leur transfert à la Histadrout. »

La Histadrut a déclaré : « La Histadrout a légalement perçu et continue de percevoir légalement les cotisations des travailleurs palestiniens, bénéficiaires d’une convention collective, d’une protection professionnelle et des services professionnels de la Histadrout. La Histadrout continuera à agir, à protéger et à représenter les salariés de l’Autorité palestinienne et à veiller sur leurs droits. En effet, l’Autorité de la population a décidé, de sa propre initiative et en toute illégalité, de ne plus percevoir les cotisations des membres et les frais de traitement, et la Histadrut a lancé une pétition contre cette décision unilatérale. Il est à noter que la Histadrut fait référence à la perception des cotisations dans le cadre d’une convention collective, alors que la perception déclarée illégale est celle de frais de traitement. »

À partir de la traduction de l’hébreu en anglais de Ofer Neiman.

Source : Haaretz

Traduction MUV pour l’Agence média Palestine

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