Comment Israël étouffe lentement Gaza

Par Tamara Nassar, le 21 juillet 2021

Les Palestiniens exigent la fin du siège de Gaza dans d’une manifestation devant les décombres de la tour al-Jalaa, qui abritait les bureaux de l’Associated Press et d’AlJazeera avant d’être bombardée par Israël en mai (Salam Yasser APA images)

Alors que commence la fête musulmane de l’Aïd al-Adha, Gaza est encore sous le choc de la campagne de bombardements d’Israël de 11 jours en mai.

L’agression israélienne avait commencé juste avant la fête de l’Aïd al-Fitr, qui marque la fin du Ramadan, et s’est terminée avec la mort d’au moins 245 Palestiniens à Gaza, dont 63 enfants.

Les bombes ont peut-être cessé de tomber. Mais la dévastation se poursuit.

Les Palestiniens de l’enclave côtière ont dû reconstruire et se remettre d’une destruction généralisée tout en vivant sous un blocus israélien de 14 ans qui a l’air d’entraver ce processus sur certaines négociations et résultats politiques.

Depuis l’agression, « seuls la nourriture, les fournitures médicales, le carburant, le fourrage et ‘les matières premières pour les industries cruciales’ ont été autorisées à entrer sur le territoire », rapporte le Times of Israel.

Les autorités d’occupation israéliennes ont utilisé leur « contrôle absolu » sur les points d’entrée et de sortie maritimes, aérospatiaux et terrestres « pour atteindre  leurs buts et objectifs politiques » selon le groupe de défense des droits Al-Mezan basé à Gaza.

Des responsables politiques israéliens ont laissé entendre qu’ils avaient l’intention de réduire la quantité d’argent liquide qu’ils autoriseraient à entrer dans la bande de Gaza, notamment en provenance du Qatar.

Le ministre israélien de la Sécurité publique, Omer Barlev, aurait suggéré que l’aide qatarie « n’entrera pas sous forme de dollars dans des valises qui iront tout droit au Hamas », mais plutôt que « le mécanisme fonctionnera en grande partie via les Nations unies, et entrera sous forme de bons alimentaires ou d’aide humanitaire, et non en argent liquide ».

Un éditorial du Jerusalem Post a déclaré qu’Israël avait « cherché à conditionner l’aide » à la libération de deux Israéliens détenus par le Hamas, ainsi que des corps de deux autres.

Propagande

Le 14 juillet, les autorités israéliennes ont permis l’entrée de marchandises commerciales, notamment de vêtements,  pour la première fois depuis leur agression, selon l’agence de presse Safa.

Cela est intervenu après que le COGAT, la branche bureaucratique de l’occupation militaire israélienne – l’unité du ghetto de Gaza – a annoncé la décision de faciliter les importations et exportations vers la bande de Gaza.

Le COGAT s’est vanté d’avoir étendu la zone de pêche autorisée de 9 à 12 miles nautiques au large de la côte de Gaza – ce qui reste loin des 20 miles nautiques stipulées par les Accords d’Oslo des années 1990.

Le message annonçant le changement, le 12 juillet, précisait que la décision avait été prise « suite au calme sécuritaire récent » et après « avoir obtenu l’approbation politique ».

L’entrée et la sortie des marchandises au passage commercial de Kerem Shalom seront également facilitées, a ajouté le COGAT.

Ce groupe a déclaré que la fourniture de tels services, qui profitent aux civils, est « conditionnée par le maintien de la stabilité sécuritaire ».

Le groupe israélien de défense des droits, Gisha, a déclaré que les propositions de la COGAT sont « loin d’être suffisantes » pour répondre aux besoins de Gaza ou « atténuer les dommages » causés par le blocus.

Pendant qu’Israël permet l’entrée dans Gaza d’équipements médicaux, de matériel pour la pêche, de fournitures scolaires, de chaussures et encore d’autres produits, il interdit toujours l’entrée de milliers de matériels, notamment des équipements de construction, des matières premières et des pièces de rechange, affirme le Gisha mercredi.

Que signifie être sous blocus ?

À beaucoup, cela peut sembler un concept étranger que d’envisager  même un « siège » ou un « blocus ». Certains ne comprennent pas comment la politique d’Israël rend  la « vie normale » impossible aux Palestiniens à Gaza, même lorsqu’Israël ne la bombarde pas.

Le siège équivaut à un crime de guerre, a déclaré Al-Mezan, puisqu’il s’agit d’une punition collective des deux millions de Palestiniens qui vivent à Gaza, la moitié environ étant des enfants.

Au début de ce mois, la société de distribution d’électricité de Gaza a indiqué que moins de 55 % des besoins en électricité étaient satisfaits. Selon le groupe de surveillance des Nations unies OCHA, l’électricité n’est disponible cette année que 13 heures en moyenne par jour.

Et ce chiffre suppose que toutes les lignes électriques d’Israël soient actives, ce qui, selon Al-Mezan, est rare.

De nombreux services essentiels à la vie quotidienne sont affectés par ce manque d’électricité, allant du traitement des déchets au secteur de la santé en passant par les services de l’eau.

Israël a également interdit l’importation de presque toutes les matières premières et équipements nécessaires à la reconstruction, à quelques exceptions mineures près, comme le papier et les détergents, a indiqué Al-Mezan.

Les bombardements israéliens sur les quartiers résidentiels à Gaza ont détruit complètement les maisons de 8500 personnes, dit le groupe.

Un Palestinien sur huit se trouve dans l’incapacité de réparer les dommages causés par les bombardements sur sa maison parce qu’Israël refuse de laisser entrer dans l’enclave les matériaux de reconstructions.

Gisha cite des rapports qui affirment qu’Israël conditionne les efforts pour la reconstruction de Gaza à certaines négociations politiques avec le Hamas.

Le textile, l’ameublement, l’agriculture et la pêche sont quelques –unes des grandes industries impactées par la pénurie en cours de matériaux, selon Gisha.

« Même l’acquisition d’un matelas est aujourd’hui difficile » affirme Al-Mezan, car les usines fabriquant les éponges ne peuvent pas fonctionner.

L’économie de Gaza, déjà mise à mal avant l’attaque d’Israël, a été encore plus dévastée par sa dernière agression.

Les prix sont à la hausse sur le marché de Gaza en raison des sévères restrictions, tout comme les pertes d’emploi.

Gaza avait déjà l’un des taux de chômage les plus élevés au monde – environ 50 % – avant la dernière offensive d’Israël. On s’attend à ce que ce taux augmente encore.

Gaza fait face à un niveau de pauvreté « sans précédent », affirme Al-Mezan, et la grande majorité des habitants – 68 % – se trouvent en insécurité alimentaire.

Environ 70 % des familles à Gaza reçoivent une aide sous une forme ou une autre.

Durant l’agression, Israël a également pris pour cible 24 installations médicales à Gaza, selon un rapport d’Al-Mezan.

Et à partir du deuxième jour de l’agression, puis pendant toute sa durée, les autorités militaires israéliennes ont refusé de laisser les malades quitter Gaza par le check-point d’Erez pour recevoir des soins en dehors de la bande de Gaza.

Al-Mezan affirme que ce refus a conduit à la mort de plusieurs personnes.

Le check-point d’Erez n’est que l’un des deux points d’entrée et sortie de Gaza, et le seul entre Gaza et Israël et la Cisjordanie occupée. La plupart du temps, Israël l’a maintenu fermé – à part quelques exceptions –  depuis mars 2020, sous couvert de la pandémie du COVID-19.

L’autre, c’est le point de passage égyptien, fortement sécurisé, de Rafah, qui est le seul passage entre Gaza et le monde extérieur à ne pas être sous le contrôle direct d’Israël, mais qui n’est ouvert – lorsqu’il l’est – qu’aux passagers, pas aux marchandises ni au commerce.

L’Égypte aide Israël à priver les Palestiniens de leur liberté de mouvement, à l’intérieur et à l’extérieur de Gaza.

C’est le statu quo du siège d’Israël sur Gaza – une réalité presque invivable à laquelle sont ramenés les Palestiniens de la bande de Gaza après chaque série de bombardements israéliens.

Parfois, les restrictions sur les importations et exportations sont renforcées ou assouplies. Parfois, les miles nautiques autorisés au large de la côte de Gaza sont étendus, ou réduits.

Mais tant que durera le siège israélien sur Gaza, tout changement au goutte à goutte ne fera qu’alléger les souffrances des Palestiniens qu’à très court terme.

Sans aucun changement significatif pour mettre fin au blocus, la violence du statu quo persiste.

Source : The Electronic Intifada

Traduction BP pour l’Agence média Palestine

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