Pourquoi Israël n’est pas différent des « colonies »

Par Maureen Clare Murphy, le 19 juillet 2021 

Cette capture d’écran d’une vidéo publiée par B’Tselem semble montrer un soldat israélien en uniforme coopérant avec un colon masqué et armé dans le village d’Urif au nord de la Cisjordanie le 14 mai

Les Palestiniens qui sont la cible de la colonisation israélienne ont décrié le processus de paix depuis le début, en insistant sur le fait que leur terre et leurs droits ne sont pas sujets à négociation.

Aujourd’hui, d’importants groupes internationaux de défense des droits humains et un ancien Secrétaire général des Nations unies se sont détachés du paradigme du processus de paix et appellent à une approche de la situation d’injustice en Palestine qui soit basée sur les droits.

Le cadre de la solution négociée à deux états qui continue à prévaloir a favorisé une culture d’impunité, encourageant Israël à commettre des myriades de sérieuses violations aux droits humains. 

La farce de ce processus de paix a permis à la colonisation israélienne des terres palestiniennes de proliférer depuis que les accords d’Oslo ont été signés par Israël et l’Organisation de libération de la Palestine au milieu des années 1990. 

A l’heure actuelle, il y a près de 300 colonies en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem-Est, hébergeant plus de 680 000 colons israéliens.

Le transfert de la population civile d’une puissance occupante dans le territoire qu’elle occupe est une violation du droit humanitaire international — le droit en usage dans les conflits armés —, c’est-à-dire un crime de guerre.

Et celui-ci est actuellement l’objet d’une enquête de la Cour pénale internationale (CPI), qui poursuit des individus, non des Etats. 

La colonisation israélienne des terres palestiniennes est la raison d’être de l’Etat.

Donc ce ne devrait pas être une surprise que presque chaque aspect du gouvernement — et donc son personnel — est impliqué dans l’entreprise de colonisation d’Israël en Cisjordanie occupée. 

Les juges apposent leur tampon sur les crimes de guerre 

Ceci est illustré par la tentative d’Israël de déplacer par la force les résidents de Khirbet Humsa, une communauté pastorale du nord de la vallée du Jourdain, plus tôt ce mois-ci.

B’Tselem, un groupe israélien de défense des droits humains, a dit que la responsabilité des magistrats supérieurs et des ministres devrait être évaluée par la Cour pénale internationale dans son enquête sur le transfert forcé des Palestiniens de leurs terres. 

Le 7 juillet, les autorités israéliennes ont déclaré Khirbet Humsa «  zone militaire fermée » et ont misen oeuvre « ce crime de guerre approuvé par un tribunal et commis en plein jour », selon les termes de B’Tselem.

Israël «  a refusé l’accès aux journalistes, aux militants des droits humains et aux diplomates » pendant que ses forces armées démantelaient les maisons et les structures agricoles appartenant à neuf familles et saisissaient leurs biens.

«  Les forces armées ont aussi détruit quatre citernes d’eau, des conduites d’eau, des clôtures et de l’équipement agricole », selon B’Tselem.

L’armée israélienne a chargé la propriété privée des membres de la communauté dans des camions qui ont transporté ces biens à Ein Shibli, une ville où Israël cherche à réinstaller par la force les résidents de Khirbet Humsa.

Israël a cherché à transférer aussi les résidents, mais « les membres de la communauté ont fui dans les montagnes avec leurs troupeaux, laissant vides les bus amenés pour les transférer de force à Ein Shibli ». 

Déclarer les communautés palestiniennes « zones militaires fermées » est une méthode administrative parmi de nombreuses autres utilisées par Israël pour chasser la population autochtone de leurs terres afin qu’elle puisse être remplacée par des colons juifs.

Elimination et remplacement constituent le principe organisateur central de l’Etat israélien. 

Michael Lynk, le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits humains en Cisjordanie et à Gaza, a récemment appelé « la communauté internationale » à appliquer ses propres lois et à classifier les colonies israéliennes comme des crimes de guerre. 

« Pour Israël, les colonies servent deux objectifs liés », a dit Lynk au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies le 9 juillet. 

«  L’un est de garantir que le territoire occupé restera à perpétuité sous contrôle israélien. Un deuxième ojectif est de garantir qu’il n’y aura jamais un authentique Etat palestinien. »

Lynk a décrit les colonies comme le « moteur de cette occupation de 54 ans par Israël, la plus longue du monde moderne ».

« Le manque de toute reddition de comptes juridique internationale … a permis à Israël d’ignorer des résolutions successives de l’ONU » demandant qu’il cesse toutes les activités coloniales, a dit Lynk.

Il a appelé à un plan d’action international pour soutenir l’enquête de la CPI sur l’entreprise de colonisation d’Israël, pour imposer qu’Israël et ses dirigeants responsables des violations du droit international rendent des comptes, et que les Etats membres des Nations unies ne fournissent aucune assistance à Israël qui puisse être utilisée en connexion avec les colonies.

« Une nouvelle approche fondée sur le droit international est le seul chemin vers une fin juste à cette occupation perpétuelle », a déclaré Lynk.

Un tel chemin divergerait du cadre de la solution négociée à deux états imposée par les puissances mondiales pendant les trois dernières décennies.

C’est un paradigme sur lequel le prétendu Quartet du Moyen-Orient — les Nations unies, les Etats- unis, l’Union européenne et la Russie — continue d’insister bien qu’il soit détaché de la réalité sur le terrain : un état permanent d’occupation militaire, d’apartheid et de colonisation. 

Le paradigme du processus de paix a permis à ces puissances de contourner la contradiction fondamentale entre l’universalité prétendue des droits humains et le fait qu’Israël, avec l’aide de ses alliés internatioaux, a dénié aux Palestiniens la possibilité d’exercer leurs droits universels depuis des décennies.

Il épargne aussi aux puissances mondiales d’avoir à imposer une quelconque mesure de reddition de comptes à Israël pour garantir son respect du droit international.

Pas de ligne de démarcation entre Israël et les colonies

Cette farce devient de plus en plus difficile à maintenir alors qu’il est pratiquement impossible de nier que l’entreprise de colonisation d’Israël — une violation nette du droit international – est organisée au plus haut niveau de l’Etat.

Une récente enquête publiée en anglais par The Intercept révèle que des colons et des soldats israéliens « travaillant comme une milice coordonnée » ont tiré sur quatre Palestiniens et les ont tués, en Cisjordanie, au cours d’une seule journée de mai pendant laquelle 11 Palestiniens ont été abattus. 

C’est une illustration horrible du brouillage des lignes entre l’état et ses colonies, y compris les avant-postes supposés non-autorisés.

Parmi les Palestiniens tués en Cisjordanie ce jour-là se trouvait Nidal Safadi. Père de trois enfants, futur père d’un quatrième, il a été blessé mortellement, à 25 ans, ce 14 mai. 

« Nous ne savons pas si c’est un colon ou un soldat qui l’a abattu », a dit Mazen Shehadeh, le chef du conseil villageois d’Urif, un village du nord de la Cisjordanie où Safadi a été tué.

C’est Yitzhar, une colonie israélienne avec une population connue pour sa violence, harcelant et attaquant depuis longtemps les Palestiniens et leurs biens, qui a empiété sur Urif. 

Les colons attaquent les Palestiniens avec une impunité presque universelle. La coopération entre soldats et colons dans les morts par balles des Palestiniens, quoique choquante, n’est que le résultat logique de la situation qui a prévalu tout au long de décennies du « processus de paix ». 

Les colons fournissent un service clé au régime colonisateur en se chargeant de la dernière offensive dans un système d’état d’oppression destiné à expulser les Palestiniens de leurs terres. 

Israël enveloppe son occupation de la Cisjordanie — et son siège de Gaza — dans le langage de la sécurité et du maintien de la loi. Donc il souhaite éviter que soient diffusées les images de la violence complètement illégale et débridée contre les Palestiniens.

 Israël et ses alliés internationaux préféreraient éviter d’avoir à répondre aux protestations contre de tels spectacles. Et donc les colons sont freinés périodiquement et l’apparence d’un régime légal en Cisjordanie est maintenue pour le bénéfice de la réputation d’Israël à l’étranger.

Admettre ouvertement la vérité, à savoir qu’il cherche à coloniser la terre palestinienne, rendrait plus difficile à Israël de jouir d’un bon prestige dans la prétendue communauté internationale. Et donc il a imposé une occupation « temporaire » pour des raisons de « sécurité » en Cisjordanie depuis plus d’un demi-siècle.

Mais quand les vidéos montrent des soldats et des colons faisant feu ensemble sur des Palestiniens, avec des armes fournies par l’armée, l’absence d’une ligne de démarcation entre l’état et ses colonies est révélée.

Malgré cela, les complices internationaux d’Israël continuent de jouer fidèlement leur rôle dans cette farce grotesque, insistant sur une solution à deux états négociée qui achète du temps à Israël pour voler encore plus de terre palestinienne — avec toute la violence mortelle que cela implique.

Maureen Clare Murphy est rédactrice adjointe à The Electronic Intifada et vit à Chicago. @maureenclarem sur Twitter

Source : The Electronic Intifada

 Traduction CG pour l’Agence média Palestine

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