Reconstruction de Gaza: vers un mécanisme autodéterminé

Par Talal Ahmad Abu Rokbeh,  le 10 août 2021

Photo : Ashraf Amra

À la suite de l’attaque israélienne contre Gaza en 2014, les gouvernements palestinien et israélien, avec un parrainage international, ont constitué un accord temporaire par lequel de grandes quantités d’articles “à double usage » ont été autorisées à entrer à Gaza à des fins de reconstruction. Ce mécanisme est connu sous le nom de Mécanisme de Reconstruction de Gaza (MRG), et est considéré par de nombreux Palestiniens comme corrompu et injuste, car il légitime le blocus israélien imposé à Gaza depuis 2006, et entrave efficacement le processus de reconstruction. Le MRG donne à Israël le droit de contrôler complètement ce qui est autorisé à entrer dans la bande de Gaza, y compris les matériaux nécessaires à la reconstruction.


Les attaques israéliennes incessantes de ces dernières années, sur Gaza, notamment l’assaut de plus récent en mai 2021, ont entraîné une destruction généralisée des ressources matérielles qui compromet les perspectives de redressement et de reconstruction dans l’enclave assiégée. Comme le MRG perpétue fondamentalement le siège du régime israélien, un nouveau mécanisme de reconstruction est nécessaire. 

Ce mémo politique explore ce à quoi devrait ressembler un plan de reconstruction palestinien plus robuste, plus efficace et plus représentatif. Il propose des recommandations aux dirigeants et à la société civile palestiniens, ainsi qu’à la communauté internationale des donateurs, sur la manière dont ils peuvent mettre en place un mécanisme de reconstruction autodéterminé.

Les exigences d’un nouveau mécanisme 

Le MRG se limite à la reconstruction de bâtiments et d’équipements publics, y compris les infrastructures et les routes, dans un contexte de colonisation. Il est entrelacé avec les structures et les politiques du néolibéralisme d’une manière qui répond aux besoins du régime israélien et qui, par conséquent, sape les possibilités de résistance. Son objectif est d’occulter le fait que la reconstruction doit s’étendre au secteur politique afin d’imposer à Israël des conditions qui le poussent à mettre fin à son siège permanent de Gaza.

Un nouveau mécanisme de reconstruction doit revitaliser la lutte nationale palestinienne comme condition préalable à la reconstruction de l’infrastructure palestinienne. Il doit également être conçu pour mettre fin à la division politique palestinienne, afin de ne pas limiter sa portée à Gaza. En d’autres termes, le nouveau mécanisme doit établir un plan pour une sphère politique palestinienne unifiée qui défie leur fragmentation, et qui contribue à renforcer la confiance des Palestiniens dans leurs dirigeants comme moyen d’atteindre un avenir politique souhaité. Cela nécessiterait la formation d’un comité de supervision pour le mécanisme de reconstruction – un comité dont les membres comprendraient des Palestiniens politiquement et socialement diversifiés de toutes les parties de la Palestine colonisée.

Recommandations

Les dirigeants et la société civile palestiniens, ainsi que la communauté des donateurs participant au MRG, devraient prendre en considération les recommandations suivantes : 

  • Les dirigeants et la société civile palestiniens doivent se mobiliser au niveau national et international contre la poursuite du MRG, en profitant de la montée de la solidarité internationale avec la cause palestinienne. Ils doivent s’exprimer publiquement contre le MRG afin de faire prendre conscience que le MRG est un outil du colonisateur qui doit être dénoncé. Ceci est particulièrement important pour les jeunes, qui sont à l’avant-garde de la nouvelle lutte de libération.
  • La direction palestinienne doit travailler activement à la réconciliation interne dans le cadre de sa campagne de sensibilisation contre le MRG. Un front politique palestinien unifié contre un mécanisme de reconstruction colonial est une plateforme idéale pour promouvoir l’unité au niveau politique. Cela contribuerait à restaurer la confiance des Palestiniens dans leurs dirigeants, et à renforcer la confiance de la communauté des donateurs dans le financement d’un plan de reconstruction réformé mené par des Palestiniens unis.
  • Les dirigeants palestiniens et la société civile doivent former un Conseil national pour la Reconstruction non partisan, composé de professionnels et de spécialistes de toute la Palestine colonisée. Ce conseil doit garantir la séparation des fonds de reconstruction des fonds publics accordés aux gouvernements de l’Autorité palestinienne et du Hamas. Il doit également jouer un rôle actif dans toutes les étapes du processus de reconstruction, notamment dans la conception, la planification, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation.
  • La communauté internationale des donateurs doit veiller à ce que le financement du nouveau mécanisme ne porte pas atteinte à la lutte pour l’autodétermination des Palestiniens. Elle doit coupler cette aide à une pression politique, notamment en boycottant et en sanctionnant le régime israélien jusqu’à ce qu’il lève son siège sur Gaza.
  • De même, la communauté internationale des donateurs doit réformer les programmes de financement afin de revitaliser directement le secteur économique palestinien, réduisant ainsi sa dépendance vis-à-vis du régime israélien.

Talal Ahmad Abu Rokbeh

L’analyste politique d’Al-Shabaka, Talal Ahmad Abu Rokbeh, est un Palestinien résidant à Gaza. Il est chercheur politique et titulaire d’un doctorat en sciences politiques de l’Université de Carthage à Tunis. Il travaille comme analyste politique et rédacteur en chef du magazine Tasamoh, et il est membre du Réseau arabe pour la tolérance. Il a mené plusieurs projets de recherche, ainsi que des études politiques et juridiques. Il est un formateur spécialisé dans les affaires politiques palestiniennes et a écrit de nombreux ouvrages sur le système politique palestinien. Il a participé à de nombreuses conférences régionales et locales sur diverses questions politiques et de droits de l’homme. Il est analyste politique pour plusieurs chaînes satellites locales et arabes, rédacteur pour des médias et des sites de recherche, et formateur spécialisé dans les questions de démocratie, de droits de l’homme et d’esprit critique pour les institutions de la société civile palestinienne. C’est également un militant communautaire qui défend les intérêts des jeunes.

Source : Al-shabaka

Traduction JPB pour l’Agence média Palestine

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