“Israël cherche à criminaliser toute l’action humanitaire”

Par Sara Gomez Armas, le 3 septembre 2021

Photo : Agencia EFE

Tel Aviv, 3 septembre. La travailleuse humanitaire espagnole Juana Ruiz, emprisonnée en Israël parce qu’accusée d’appartenir à une organisation palestinienne illégale, est « innocente » et « les accusations portées contre elle font partie de la stratégie générale de criminalisation de toutes les activités humanitaires dans les territoires occupés » a assuré son avocat, l’avocat israélien renommé, Avigdor Feldman, dans une interview donnée à Efe.

« L’accusation est fondée sur une preuve secrète supposée prouver son engagement dans une organisation considérée terroriste, le Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) » a expliqué Feldman depuis son bureau dans le centre de Tel Aviv.

Juana Ruiz Sánchez, qui a 62 ans, vit en Palestine depuis 1984 ; elle a été arrêtée le 13 avril à son domicile dans la ville de Beit Sahour en Cisjordanie occupée et elle est actuellement détenue à la prison de Damon, à Haïfa, où elle a bon moral dans la situation pénible de l’emprisonnement ».

Après l’avoir détenue pendant près d’un mois sans accusation formelle, le bureau du procureur militaire israélien a prononcé cinq accusations contre elle début mai, notamment « d’appartenir à une organisation illégale », de « recevoir de l’argent et de l’introduire dans les territoires palestiniens » et de « recevoir de l’argent pour une fausse destination » – toutes accusations liées à son travail de levée de fonds pour les Comités pour les Oeuvres de Santé, une organisation humanitaire qui agit en Cisjordanie occupée.

Cette ONG palestinienne a été accusée en mai par Israël de faire partie d’un réseau d’organisations qui ont détourné de l’argent européen vers le FPLP considéré comme un groupe terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union Européenne.

« Nous n’avons pas encore vu une preuve évidente de la solidité des accusations, qui sont très générales. Elles ne précisent pas comment Juana aurait appris l’implication d’un groupe terroriste dans ses activités » a précisé cet avocat expérimenté de 73 ans.

Pour cette raison il pense que Juana sert de bouc émissaire pour intimider d’autres humanitaires étrangers travaillant en Palestine et pour « déconnecter ces territoires des organisations humanitaires ».

« Elle affirme, et il n’y a pas de raison de ne pas la croire, qu’elle n’a travaillé que dans un but humanitaire, essentiellement dans la santé et qu’elle n’avait connaissance d’aucune activité terroriste » a dit Feldman qui a reçu en 1991 le prix Robert Kennedy pour les droits humains.

Son cabinet a en charge quatre autres cas semblables à celui de Juana, dans lesquels des organisations humanitaires agissant en Palestine ont été accusées d’activités terroristes ; aussi y voit-il clairement un même schéma se reproduire, qui correspond au fait « qu’Israël ne se satisfait pas d’une aide étrangère qui a accès à la population des territoires occupés ».

« Ils veulent que les Palestiniens ne dépendent que de l’assistance israélienne alors qu’en réalité ils leur refusent toute aide humanitaire dans des domaines tels que la santé, l’éducation ou la culture » a dit Feldman, qui est porteur d’une longue histoire de défense des victimes d’abus dans le contexte de l’occupation militaire en Palestine.

En raison de la « faiblesse de la base » de l’accusation contre Juana, la défense a demandé, lors de la première audience du 10 août au tribunal militaire – le délit supposé a été commis dans les territoires sous occupation militaire israélienne – « le retrait de toutes les accusations étant donné que l’instruction n’a apporté aucune preuve d’activité terroriste ».

Ce jour-là a été la première fois que Juana a pu quitter sa cellule pour se rendre au tribunal militaire de la prison d’Ofer, près de Ramallah en Cisjordanie occupée, où elle est apparue visiblement fatiguée et menottée, bien qu’elle ait eu l’opportunité d’échanger quelques mots avec son mari, le Palestinien Elias Rishmawi.

Une nouvelle audience était programmée pour le 1er septembre mais elle a été repoussée sine die du fait de l’intention du bureau du procureur militaire de présenter davantage de preuves compromettantes, que la défense n’a toujours pas vues, étant donné que « l’état d’urgence en Israël permet  de retenir quelqu’un en prison sans montrer de preuves accusatoires ».

« Il est très difficile de rassembler les éléments d’une bonne défense quand la preuve est un secret » a critiqué l’avocat, dont l’objectif principal est désormais d’assurer que Juana puisse être en résidence surveillée pendant l’instruction du procès, ce qui peut durer plus d’un an.

Feldman a accepté de prendre en charge le cas de Juana en juillet – après que son avocate précédente, Gaby Lansky, a dû se démettre lorsqu’elle a été élue députée à la Knesset (le Parlement israélien) – « convaincu qu’il était de son innocence une fois qu’il en a vérifié les preuves » et confiant que son expérience dans ce type de cas peut aider à obtenir pour elle un verdict de non-culpabilité.

Et si elle est déclarée coupable ? « J’essaie de ne pas imaginer cette possibilité. Je ne pense pas qu’elle soit coupable. Je ne pense pas qu’il y ait une quelconque preuve. J’espère que nous pourrons prouver son innocence et qu’elle pourra rentrer chez elle » a dit Feldman.

Source : Archyde

Traduction SF pour l’Agence média Palestine

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