Après une décennie d’escalades, certains Gazaouis se retrouvent sans domicile pour la quatrième fois

Par Tareq S. Hajjaj, le 10 septembre 2021

Des milliers de Palestiniens de Gaza ont été dans l’impossibilité de reconstruire leurs logements endommagés au cours des quatre conflits de ces 13 dernières années avec Israël.

Un Palestinien est assis sur les décombres de sa maison détruite après être revenu chez lui le 31 août 2014 dans le quartier de Tufah dans la partie orientale de la ville de Gaza. (Photo : Ashraf Amra/APA Images)

Quand il pleut dans le camp de réfugiés d’al-Burej dans la Bande de Gaza, l’eau s’accumule dans le séjour, la cuisine et la chambre à coucher de Zoher Alsayd.

« Parfois, comme l’hiver dernier, nous ne pouvions rester dans notre maison », a dit cet homme de 49 ans, père de cinq enfants. « Nous sommes partis chez des gens de notre famille, mais nous n’avons pu le supporter. Nous étions deux familles dans un espace étroit et l’autre famille est également pauvre, comme nous. »

« C’était vraiment gênant pour nous d’y rester », a-t-il ajouté.

Comme pour beaucoup de Palestiniens, la maison de l’ancien peintre en bâtiment a été démolie par les tirs d’artillerie et les débris de frappes aériennes pendant la dernière escalade entre Israël et le Hamas plus tôt cette année, en mai. D’après les Nations Unies, au cours des 11 jours d’explosion de violence, 1.147 logements ont été complètement détruits, et 13.000 maisons ont été endommagées.

Ce n’était pas la première fois que le toit d’Alsayd était soufflé. Celui-ci fait partie d’un groupe croissant de Palestiniens dont les logements ont été endommagés au point de devenir inhabitables, non pas une fois, mais de multiples fois au long de ces quatre conflits avec Israël au cours de ces 13 dernières années.

La première fois que son toit s’est effondré, c’était en 2014. Les combats à proximité ont laissé sa maison en ruines. « Il n’y a pas une seule fenêtre dans la maison. J’ai recouvert toutes [les ouvertures] avec des couvertures », a-t-il dit.

Au cours de cette escalade, 12.600 logements ont été complètement détruits et 6.500 gravement endommagés.

Dans l’incapacité de s’offrir une réparation complète, Alsayd a recouvert son logement de tôles d’occasion. Le métal était en mauvais état et il a dû rafistoler les faux plis avec des couvertures. Les deux petits trous au-dessus de sa chambre n’ont jamais semblé se boucher parfaitement.

Un autre Palestinien, Abdelhadi Musallem qui est un lien entre les familles dont les maisons sont détruites et l’UNRWA, a dit que son logement a été endommagé quatre fois depuis 2008. En mai dernier, il s’est retrouvé dans l’incapacité de couvrir les frais de la reconstruction et, même s’il avait eu les moyens, les matériaux de construction sont rares à Gaza.

Après les dernières escalades avec Israël, « certaines personnes ont pu reconstruire leurs logements par elles mêmes », a dit Musallem. D’autres « ont obtenu des prêts des banques » ou ont emprunté à des parents. Ceux dont la famille avait des biens ont vendu des objets de valeur, en particulier des bijoux.

« Mais les pauvres sont restés impuissants », a dit Musallem. « Certains d’entre eux sont dans l’incapacité jusqu’à maintenant de reconstruire leur maison. »

« Nous avons organisé tant de grèves au quartier général de l’ONU à Gaza pour les exhorter à aider les familles pauvres obligées de vivre dans leurs maisons endommagées car elles n’ont nulle part où aller », a-t-il ajouté.

Les propriétaires gazaouis dont les maisons ont été détruites pendant la guerre israélienne de 2014 prennent part à un rassemblement le 6 juillet 2021 devant les bureaux de l’UNRWA à Gaza ville pour réclamer la reconstruction de leurs maisons. (Photo : Omar Ashtawy/APA Images)

L’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens, ou UNRWA, a confirmé que des milliers de Palestiniens ont reçu de l’aide en espèces pour financer les réparations de leur maison et les frais de logement temporaire. Et pourtant, à cause d’un manque de fonds, des milliers de personnes dont les maisons et les appartements avaient subi de graves dommages n’ont reçu aucune aide.

« Il est arrivé qu’on trouve des familles qui n’ont rien reçu du programme de reconstruction de l’UNRWA, en partie parce que nous avons plus de 70 millions de dollars de déficit par rapport au coût total estimé pour la réparation des logements endommagés », a dit Adnan Abu Hasna, porte-parole de l’UNRWA à Gaza.

« Au cours des sept dernières années, après la fin de la guerre de 2014, l’UNRWA a supervisé la reconstruction de 7.183 maisons qui avait été complètement détruites », a-t-il dit.

Quelques Palestiniens ont bénéficié d’hébergements fournis temporairement par des propriétaires.

Ahmed Derdsawi, qui se fait appeler Abu Maher, est un fonctionnaire à la retraite de 66 ans, avec une longue carrière au ministère des Transports, et connu localement pour sa générosité. Il possède à Gaza ville un immeuble de cinq étages où il vit dans un appartement avec sa femme et qui possède d’autres  logements pour ses quatre fils et leurs familles.

Quand les combats ont commencé en mai, Abu Maher a ouvert ses biens locatifs libres à des familles déplacées. Il a hébergé neuf familles, en tout 50 personnes, dans son immeuble. Il a procuré à ceux qui fuyaient la violence de la nourriture, des lits, de l’électricité grâce à son groupe électrogène, internet, et a répondu aux besoins de leurs enfants.

« Dans ces temps de guerre, quand l’esprit et les vies s’effondrent, l’argent n’est pas une considération importante lorsqu’il s’agit de bonnes actions », a-t-il dit.

« J’ai hébergé auparavant trois ou quatre familles pendant les dernières guerres, mais cette fois-ci, c’était différent », a dit Abu Maher.

« Mon quartier n’était pas tranquille, nous avons entendu chaque obus tiré », a-t-il expliqué, faisant remarquer que sa maison était à une distance de marche des tours qui ont été rasées, provoquant d’importantes destructions aux structures avoisinantes. « Nous tous dans l’immeuble, nous vivions dans la peur. »

Tareq S. Hajjaj est un journaliste indépendant et un membre du Syndicat des Écrivains palestiniens. Il a étudié la Littérature anglaise à l’université Al-Azhar de Gaza. Il a débuté sa carrière dans le journalisme en 2015, travaillant comme rédacteur/traducteur d’informations au journal local Donia al-Watan. Il a travaillé pour Elbadi, Middle East Eye et Al Monitor.

Source : Mondoweiss

Traduction : J. Ch. pour l’Agence média Palestine

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