Dossier de presse : les prisonniers politiques palestiniens en danger – 13 septembre 2021

Par l’Agence média Palestine, le 13 septembre 2021

Si la Palestine a vibré pendant quelques jours suite à l’annonce de l’évasion de six prisonniers palestiniens d’une prison de haute sécurité israélienne, la chasse a l’homme lancée par les autorités israéliennes a pour l’instant abouti à l’arrestation de quatre des six prisonniers politiques palestiniens qui avaient creusé un tunnel à la petit cuiller sous l’évier de leur cellule et s’étaient enfuis dans la nuit le six septembre dernier.

Une intense chasse à l’homme débouchant sur quatre arrestations

Parmi les six évadés, quatre sont condamnés à perpétuité. Mahmoud Abdullah Ardah, Mohammed Qassem Aardah, Yaqoub Mahmoud Qadri et Ayham Nayef Kamamji étaient jusqu’alors emprisonnés car ils étaient accusés d’appartenir au Jihad islamique, de même pour Munadil Yaqoub Infaat, alors que Zakaria Zubeidi ferait partie des Brigades des martyrs d’al-Aqsa, bras armé du Fatah.

Suite à l’annonce de leur évasion, les habitants des villes palestiniennes voisines, et particulièrement de la ville de Jénine – qui s’illustre depuis plusieurs années comme un haut lieu de la résistance palestinienne – sont descendus dans la rue scander le nom des évadés et les célébrer comme de véritables héros.

Pourtant, dans la nuit de vendredi à samedi, dans le nord d’Israël, la chasse à l’homme entreprise par les autorités israéliennes a porté ses fruits. Face aux drônes, aux chiens, à l’armée israélienne encerclant les villages alentours et bouclant totalement la ville de Jénine et au terme d’une chasse en hélicoptère, quatre des six évadés ont été contraints de se laisser capturer sans opposer de résistance, à une trentaine de kilomètres de la prison de Gilboa d’où ils s’étaient évadés.

C’est tard au soir du vendredi 10 septembre que la police a annoncé l’arrestation à Nazareth de Yaqoub Qadri et de Mahmoud Abdullah, membres du Jihad islamique ayant passé une vingtaine d’années en prison. Le lendemain matin, Israël annonçait avoir capturé Zakaria al-Zoubeidi, ancien chef de la branche armée du Fatah dans le camp de Jénine, et de Mohammad Ardah, du Jihad islamique. Selon les médias israéliens, largement relayés par la presse occidentale, ce seraient des habitants de la ville de Nazareth qui auraient appelé la police après avoir vu deux des six évadés, Yaqoub Qadri et Mahmoud Abdullah, chercher de la nourriture dans la ville. En ce qui concerne Zakaria al-Zoubeidi et Mohammad Ardah, les deux hommes auraient été appréhendés par les forces spéciales dans le parking du village de Shibli Umm al-Ghanam dans lequel ils se cachaient.

La répression s’abat sur les Palestiniens

Si le Premier Ministre israélien Naftali Bennett a d’ores et déjà félicité les forces de sécurité pour avoir procédé avec « détermination » à ces arrestations, il n’en reste pas moins que l’anxiété et la fébrilité gagnent peu à peu les autorités israéliennes. En s’évadant à la petite cuiller d’une des prisons de haute sécurité les mieux gardées d’Israël, les prisonniers palestiniens ont ridiculisé les autorités israéliennes et leur système carcéral – ce que n’ont pas manqué de retenir les Palestiniens qui, dans les rues, ont brandi des petites cuillers en soutien aux prisonniers, mais également pour saluer l’exploit qu’une telle évasion signifiait s’agissant d’une prison réputée inviolable.

Dans l’exercice naturel de sa répression coloniale, Israël a alors procédé à l’arrestation des proches des six évadés en Cisjordanie occupée. Ainsi les deux frères ainsi que l’une des sœurs de Mahmoud Ardah ont-ils par exemple été arrêtés dans le village d’Arraba, à proximité de Jénine. La stratégie des forces israéliennes est claire : s’introduire, parfois par effraction, chez les familles, les arrêter et les utiliser comme moyen de pression sur les évadés.

La focalisation semble s’exercer sur la ville de Jénine (au Nord de la Cisjordanie), ville d’origine des évadés, et surtout sur le camp de réfugiés du même nom, considéré comme un laboratoire de la lutte contre l’occupation israélienne et qui fait souvent les frais d’attaques israéliennes.

Des prisonniers laissés à la merci de la vengeance israélienne

Si la répression israélienne fait d’ores et déjà rage contre la population, les prisonniers politiques palestiniens paient eux – et cela depuis longtemps – le tribut des évasions et tentatives d’évasions supposées ou avérées. Ainsi les évadés ont-ils été frappés et privés de contact avec leurs avocats après leur arrestation, comme le rapporte le Club des prisonniers palestiniens.

Zakaria Zubeidi, 46 ans, aurait été particulièrement blessé au côté droit du visage. D’après Hasan Abed Rabbo, porte-parole du Palestinian Detainees Affairs Commission, aucun avocat n’a été autorisé à rendre visite aux prisonniers afin de vérifier leur condition de santé et les seules informations disponibles à ce sujet émanaient de l’agence de sécurité israélienne (Shin Bet). Il est à craindre que les prisonniers soient soumis à des pratiques de tortures allant à l’encontre du droit international, notamment des Conventions de Genève.

Zakaria Zubeidi, le 11 septembre

Au-delà des évadés, c’est la totalité des prisonniers politique palestiniens qui risquent de subir la répression sous forme de punitions collectives. Interrogé par l’Agence média Palestine, Majd Kayyal, journaliste à Haifa, explique que les stratégies punitives israéliennes sont diverses : les prisonniers palestiniens peuvent être transférés très régulièrement dans d’autres centres pénitentiaires, afin de leur faire perdre les habitudes qu’ils avaient pu prendre et les liens sociaux qu’ils avaient pu créer. Les autorités israéliennes n’hésitent pas non plus à instrumentaliser les différends stratégiques et tactiques entre les différents groupes de lutte armée, cela afin de diviser les prisonniers. A ces pratiques s’ajoutent les privations de nourriture, d’eau, de visites familiales et de contacts avec l’extérieur. Tout cela forme les piliers de la stratégie répressive d’Israël pour maintenir par la force sa puissance d’occupation et de contrôle de la population.

Plusieurs organismes de défense des droits, dont le Club des prisonniers palestiniens, ont lancé plusieurs appels au Comité international de la Croix-Rouge afin qu’ils interviennent immédiatement auprès des quatre prisonniers arrêtés pour vérifier leur état de santé.

L’étincelle de la révolte gagne les prisons

Face au traitement déshumanisant que subissent les prisonniers palestiniens – traitement symptomatique d’un pouvoir colonial fébrile- les premières étincelles de résistance ont vu le jour dans les deux prisons du Neguev, où des prisonniers ont mis le feu à une dizaine de cellules mercredi après-midi.

La résistance contre les mauvais traitements et la répression israéliens est une résistance contre l’occupation. Israël est une puissance coloniale, qui détient des prisonniers politiques en vertu de sa position d’occupant, grâce à des lois et des tribunaux militaires propres à une société coloniale dans laquelle toute résistance et remise en question de l’ordre établi sont rendues impossibles par des arrestations massives et des incarcérations sans procès équitables par des instances militaires échappant à tout contrôle. Comme le souligne Gwenaelle Lenoir dans un article publié le 12 septembre à propos de Zakaria Zubeidi, « Il ne faut pas oublier que les prisonniers détenus dans les geôles israéliennes tiennent une place centrale dans la société, la politique et l’imaginaire palestiniens. Ils ont même un ministère. Il y a au total 850 000 personnes qui sont passées par les prisons de l’État hébreu depuis 1967, et 4 400 étaient détenues en mars 2021. Autant dire que chaque famille a, ou a eu, au moins un de ses membres directement concerné ». Face au régime d’occupation et d’apartheid israélien, la résistance populaire éclot à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons pour remettre en question le colonialisme partout où il fait des victimes.

La presse occidentale aux abonnés absents

Abolissant tout contexte politique et colonial, et dans le meilleur des cas se contentant de relayer le narratif israélien des faits, construit pour soutenir la peur face à la menace que ferait planer l’évasion de dangereux terroristes, la plupart des médias occidentaux sont aux abonnés absents. Qualifier les évasions de « rocambolesques », ou de « dignes d’un scénario hollywoodien » ne fait en effet qu’occulter les dynamiques de colonisation et de résistance à l’œuvre dans l’évasion, la chasse à l’homme puis l’arrestation et le mauvais traitement des prisonniers politiques palestiniens par le régime israélien.

Nouvelles informations au 15 septembre 2021: Khaled Mahajna, l’avocat des 3 palestiniens évadés et ré-arrêtés a indiqué qu’après un recours à la Cour suprême de Jérusalem déposé le 14 septembre, l’interdiction pour les prisonniers de voir leur avocats avait été levée et qu’il allait pouvoir les rencontrer. Il a donc affirmé avoir rencontré Mahmoud Ardah, l’un d’entre eux.

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