Alors que les dirigeants mondiaux se réunissent à l’ONU, la violation des droits des palestiniens doit figurer à l’ordre du jour

Hanane Ashrawi et Lakhdar Brahimi, samedi 25 septembre 2021

Cette semaine, les dirigeants mondiaux se sont réunis à New York pour la 76ème session de l’Assemblée générale des Nations Unies, s’efforçant de montrer qu’elle reste pertinente dans un monde meurtri. Jusqu’ici, les thèmes essentiels ont été la crise climatique, la vaccination mondiale contre la COVID-19 et le nouveau régime en Afghanistan – et ce, à juste titre. Mais il y a une autre question qui demande notre attention, où les progrès pourraient rétablir notre confiance dans la capacité de l’Assemblée générale à agir : l’aggravation du régime de suprématie juive israélienne sur des millions de Palestiniens, qui a été reconnu par des observateurs de plus en plus nombreux comme un régime d’apartheid.

Nous rejoignons de nombreux dirigeants mondiaux pour demander à l’Assemblée générale de mener une enquête sur ce régime, et de prendre alors les mesures nécessaires de responsabilité pour le démanteler.

L’année dernière, en réponse aux projets d’Israël d’annexer encore plus de terre dans le territoire palestinien occupé, nous avons été rejoints par des dizaines de dirigeants de la société civile arabe et de diplomates arabes pour appeler à des sanctions contre Israël et défendre le droit des Palestiniens à s’engager dans une résistance légitime, y compris grâce au boycott, désinvestissement et sanctions. Il s’agit de sauvegarder non seulement les droits inaliénables du peuple de Palestine, particulièrement à l’autodétermination, mais aussi le caractère sacré de l’état de droit international.

Par son incessante annexion et l’expansion de son contrôle absolu sur la totalité de la Palestine, Israël nie de manière flagrante le droit inaliénable du peuple palestinien à l’existence et à la souveraineté sur sa propre terre natale. Il détruit par ailleurs la base de toute solution reposant sur les principes du droit international, tout en continuant à consolider, par des lois et des décisions politiques, un système législatif de discrimination, de ségrégation et d’inégalité institutionnalisées, à travers la totalité de la Palestine historique. Ce système répond à la définition onusienne de l’apartheid.

Le peuple palestinien – qu’il soit sous occupation à Gaza et en Cisjordanie, dont Jérusalem, à l’intérieur d’Israël, ou vivant en tant que réfugiés ou dans des exils forcés – attend depuis des décennies que l’ONU fasse appliquer les dizaines de résolutions qu’elle a adoptées pour défendre les droits des Palestiniens. Travailler à détruire l’apartheid israélien donnerait aux Palestiniens, et à toute autre communauté souffrant d’injustice dans le monde, l’espoir que la justice peut effectivement prévaloir.

Où qu’il soit, l’apartheid est un crime contre l’humanité, et les États aussi bien que l’ONU sont responsables de son abolition. L’Assemblée générale a joué un rôle essentiel dans la victoire sur l’apartheid en Afrique du Sud, qu’elle a considéré comme une menace pour la sécurité internationale et une violation flagrante de la charte de l’ONU et du droit à l’autodétermination pour les peuples sous domination coloniale et étrangère. Elle a appelé tous les États à rompre leurs relations militaires, économiques, culturelles et diplomatiques avec l’Afrique du Sud et a installé un comité et un centre spécial de l’ONU pour aider à éradiquer l’apartheid.  Il est grand temps pour l’ONU de faire la même chose avec Israël.

Des organisations palestiniennes majeures ont, depuis des décennies, condamné et fourni de la documentation sur la perpétration par Israël du crime d’apartheid contre le peuple palestinien. En juin 2020, 47 experts indépendants en droits de l’homme ont déclaré avec autorité que les projets du gouvernement israélien d’annexer illégalement de larges pans de la Cisjordanie occupée constituerait « une conception d’un apartheid du 21ème siècle ».

Depuis juillet 2020, 19 anciens chefs d’État, plus de 700 députés, et quantité de mouvements sociaux et de peuples autochtones d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine ont rejoint la Réponse de l’Hémisphère Sud, exprimant leur soutien à l’appel de la société civile palestinienne à une enquête de l’ONU sur l’apartheid israélien et aux sanctions ciblées et légales qui en découlent pour y mettre fin.

En janvier 2021, l’association israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem a publié un rapport accablant intitulé « Un régime de suprématie juive du Jourdain à la Méditerranée : C’est l’apartheid. »

En avril 2021, Human Rights Watch a publié son propre rapport historique, « Un Seuil a été Franchi », précisant comment la politique d’Israël contre des millions de Palestiniens s’apparente aux crimes contre l’humanité de persécution et d’apartheid.

Les États d’Afrique du Sud et de Namibie, où les populations ont successivement vaincu l’apartheid, ont reconnu Israël comme étant un régime d’apartheid et ont suggéré à l’ONU des mécanismes pour y enquêter.

En juin 2021, Ban Ki-moon, ancien chef de l’ONU et vice-président des Anciens, a également suggéré qu’Israël impose un apartheid aux Palestiniens, expliquant que « c’est un conflit avec un État puissant, Israël, qui contrôle les Palestiniens grâce à une occupation illimitée ».

Il incombe alors à l’ONU d’enquêter en urgence sur l’apartheid israélien, en tant que première étape en vue de le démanteler. En attendant, les États sont appelés à adopter des mesures de responsabilisation efficaces afin de montrer à Israël que ses violations brutales et incessantes des droits des Palestiniens et son mépris de l’état de droit ont de graves conséquences. Le silence, de vagues déclarations diplomatiques ou des condamnations rhétoriques ne dissuaderont pas Israël de continuer à déposséder et à opprimer méthodiquement les Palestiniens. Une riposte sérieuse doit comporter un large éventail de sanctions efficaces et ciblées par la communauté mondiale qui respecte la légalité internationale et les droits de l’homme.

Les États membres de l’ONU peuvent commencer par imposer un embargo militaire et sécuritaire sur Israël dans les deux sens et en interdisant tout commerce avec les sociétés complices qui figurent sur la liste de la base de données de l’ONU des sociétés impliquées dans l’entreprise israélienne illégale de colonisation. En s’élevant contre l’apartheid israélien, l’Assemblée générale de l’ONU peut véritablement exprimer la conscience du monde et démontrer sa pertinence dans la poursuite mondiale de la liberté, la justice et l’égalité pour tou-te-s.

Hanane Ashrawi est une femme politique, législatrice, militante et universitaire palestinienne, qui a fait partie des dirigeants de l’Organisation de Libération de la Palestine ; Lakhdar Brahimi est Algérien et diplomate de l’ONU. Il a été ministre des Affaires étrangères d’Algérie de 1991 à 1993, et est également membre des Anciens, groupe de dirigeants mondiaux rassemblés par Nelson Mandela en 2007.

Source : The Guardian

Traduction ; J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

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