Des familles de Sheikh Jarrah priées de choisir le pragmatisme plutôt que les principes

Par Omar Karmi, le 6 octobre 2021 

Des Israéliens et des Palestiniens manifestent à Sheikh Jarrah en juillet contre les tentatives d’expulser par la force des familles palestiniennes de leurs maisons (Matan Golan SIPA)

Quatre familles menacées d’expulsion dans le quartier de Sheikh Jarrah de Jérusalem-Est occupée se sont vu proposer lundi par la Cour suprême d’Israël ce qui a été crédité dans les médias israéliens de proposition de « compromis » .

Ce compromis verrait trois des familles assurées pendant deux générations de ne pas être expulsées de force et une quatrième famille assurée pendant une génération, en les désignant comme « locataires protégés ». 

Mais en retour ils auront à payer un loyer à l’organisation de colons derrière la tentative d’expulsion — Nahalat Shimon, basée aux Etats-Unis. Cela reconnaîtrait de fait que ce groupe est propriétaire de la zone, jusqu’à ce qu’un jugement sur cette propriété soit rendu, à un moment indéterminé dans le futur.

« Ce que nous disons est ‘ramenons cela du niveau des principes à un niveau pragmatique’ », a dit Isaac Amit, un des trois juges de la Cour suprême d’Israël, lors de la décision sur l’affaire. « Les gens devraient pouvoir continuer à vivre là — c’est l’idée — pour essayer d’atteindre un arrangement pratique sans faire de déclarations d’une sorte ou d’une autre ». 

Les avocats des familles ont encore à répondre à la proposition mais l’écrivain Mohammed El-Kurd, une des personnes menacées d’être jetées hors de la seule maison qu’il ait jamais connue, a rejeté toute idée de reconnaître que des colons en soient propriétaires. 

« Ces tribunaux ne rendront pas la justice. Ils sont construits pour servir les colons et légaliser l’expansion coloniale en Palestine. Alors que nous discutons des prochaines étapes pour rester ancrés dans Jérusalem occupée, une chose est claire. Nous n’accepterons jamais que des colons de Long Island ou d’ailleurs soient les propriétaires de nos maisons » — Mohammed El-Kurd (@m7mdkurd) 5 octobre 2021

Les tentatives pour expulser de force des Palestiniens de leurs maisons ont aussi affecté plusieurs familles dans le quartier de Silwan à Jérusalem.

Là, ce mercredi, Israël a poursuivi la démolition de la maison d’une famille et a émis des ordres de démolition contre plusieurs autres. 

« Regardez | Les forces d’occupation israéliennes démolissent aujourd’hui la maison de Mr. Mohammad Matar, un citoyen palestinien, dans le quartier de Silwan, dans Jérusalem occupée.#SaveSilwan pic.twitter.com/IREFz6Kxt1« — Quds News Network (@QudsNen) 6 octobre 2021

Les menaces d’expulsions à Sheikh Jarrah ont provoqué en mai, quand elles devaient avoir lieu, un examen sans précédent des mécanismes juridiques par lesquels Israël discrimine entre les réclamations concernant les droits de propriété des colons juifs et ceux des Palestiniens autochtones non-juifs.

Au coeur même de la machinerie pseudo-juridique d’Israël se trouve la Loi de propriété des absents de 1950 qui ouvre la voie à une expropriation par l’état des terres et des propriétés des réfugiés palestiniens. 

Cela, et une loi passée en 1970, ferment toute piste juridique israélienne aux Palestiniens – comme les familles de Sheikh Jarrah – pour réclamer les maisons ou les terres qu’ils ont fuies ou dont ils ont été chassés en 1948.

Les requérants juifs, d’un autre côté, sont libres de poursuivre des réclamations sur la propriété datant d’avant 1948, et dans le cas des terres de Sheikh Jarrah en question, même de la fin du XIXe siècle. 

Une discrimination aussi flagrante dans la loi est l’une des nombreuses raisons pour lesquelles Israël a été étiqueté « système d’apartheid » par plusieurs organisations de défense des droits humains, qu’elles soient palestiniennes, israéliennes ou internationales.

Israël, dont l’imposition de son système juridique sur Jérusalem-Est occupée a été déclarée nulle et non avenue par les Nations Unies, a essayé de dépeindre ses efforts pour expulser les Palestiniens de Jérusalem comme une simple série de disputes immobilières privées. 

Mais dans ce cas, en particulier grâce aux efforts de militants comme El-Kurd et sa soeur jumelle Muna, cela a pour le moment échoué. 

La proposition du tribunal ce lundi était assez explicitement destinée en partie à ne pas attirer la sorte d’attention médiatique que les affaires de Sheikh Jarrah ont attirée auparavant – ce qui a conduit à des manifestations à Jérusalem, à une réaction armée du Hamas, à une attaque globale d’Israël sur Gaza faisant des centaines de morts et à des manifestations internationales de solidarité avec Sheikh Jarrah et Gaza.

Amit, le juge israélien, a déclaré : «  Nous avons vu combien les médias sont intéressés par tout ceci. Nous voulons une solution pratique ». 

« Il est clair pour nous que les tribunaux de l’Occupation retardent intentionnellement la dépossession de Sheikh Jarrah et évitent de rendre un jugement, à cause de l’attention médiatique et des demandes politiques internationales qui ont condamné à plusieurs reprises cette expulsion de masse en tant que crime de guerre. »— Mohammed El-Kurd (@m7mdkurd) 5 octobre 2021

Omar Karmi est un journaliste indépendant, ancien correspondant à Jérusalem et à Washington, DC, pour le journal The National.

Source : The Electronic Intifada

Traduction CG pour l’Agence média Palestine

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