Les médias israéliens s’attaquent au journaliste qui a révélé la violence des colons

Par Maureen Clare Murphy, le 8 octobre 2021

Des soldats israéliens arrêtent un manifestant pendant un rassemblement contre les colonies en août 2021 dans les Collines du Sud d’Hébron. (Oren Ziv / Active Stills)

Après que des colons masqués aient agressé le mois dernier une communauté palestinienne sous le regard des soldats, la réponse d’Israël a été d’attaquer et de réduire au silence le messager.

Basil al-Adraa, journaliste palestinien et défenseur des droits de l’Homme, a écrit sur la violence dans les Collines du Sud d’Hébron en Cisjordanie occupée le 28 septembre. L’incident « a reçu une large couverture médiatique », d’après B’Tselem, association israélienne de défense des droits de l’Homme.

Le rapport qu’al-Adraa a coécrit avec Yuval Abraham sur le carnage fait par les colons a été publié sur le site internet israélien de +972 Magazine sous le titre « Scènes d’un pogrom juif » (l’attaque a eu lieu le dernier jour de la fête juive de Simhat Torah [la joie de la Torah]).

Dans ce rapport, les résidents palestiniens ont décrit l’agression terrifiante sur leur communauté qui a laissé un tout petit enfant avec une fracture du crâne après qu’un colon lui ait lancé une pierre à la tête.

L’attaque a commencé lorsque les colons ont agressé un berger et tranché la gorge de trois de ses moutons dans le village de Mufaqara.

« Peu après, plusieurs dizaines d’autres colons masqués sont arrivés armés de pistolets, de pierres, de clubs et de bâtons », d’après le rapport dans +972.

« Au moins 60 Israéliens ont participé à l’attaque à Mufaqara, qui avait déjà été la cible de la violence des colons – mais jamais ainsi », ajoutent les rédacteurs.

Les colons ont sectionné les canalisations qui fournissent l’eau aux habitions dont ils ont mis à sac le contenu, tandis que « d’autres ont renversé les véhicules appartenant aux résidents et ont essayé des les précipiter dans la vallée voisine. »

Un colon, l’un de ceux qui portaient un fusil, a tiré sur un Palestinien qui jetait des pierres pour défendre sa maison. L’homme qui défendait sa maison « n’a pas été blessé », d’après +972.

Au lieu de faire cesser la violence des colons, les soldats israéliens ont tiré des gaz lacrymogènes et des balles d’acier enrobées de caoutchouc sur les Palestiniens qui essayaient de repousser les attaquants avec des pierres.

Campagne de dénigrement

La défense des colons violents par l’armée ne s’est pas arrêtée là.

Deux semaines plus tard, al-Adraa a subi une campagne de dénigrement, un reporteur d’une des émissions d’information les plus populaires déclarant que le journaliste palestinien avait essayé de mettre le feu à une maison pour la présenter comme « un crime juif ».

Les déclarations de Channel 12 reposent entièrement sur un petit clip vidéo tourné par la caméra incorporée d’un soldat. Il montre un soldat israélien qui s’approche d’al-Adraa et l’accuse de mettre le feu à une maison afin de pouvoir en faire porter la responsabilité « aux Juifs ».

Ofer Hadad de Channel 12 a repris les allégations sans fondement du soldat comme étant la vérité, sans fournir aucune preuve pour étayer son affirmation. Ce faisant, Channel 12 a essayé de suggérer que la violence des colons, parfaitement évidente dans le document vidéo d’al-Adraa sur le pogrom, n’est pas ce qu’elle semble être :

D’après al-Adraa, le feu a en fait été allumé par une bombe de gaz lacrymogène tirée par les soldats.

L’accusation du soldat a été motivée par « une rancune personnelle » après qu’al-Adraa l’ait récemment décrit en train de tabasser des manifestants israéliens [de gauche], a dit le journaliste.

La fausse accusation du soldat contre al-Adraa et son amplification par un grand média ont de plus larges implications.

« Cette épreuve n’est pas qu’un exemple de fausse nouvelles – c’est une tentative désespérée pour m’empêcher de raconter la violence de l’occupation et pour que d’autres Palestiniens aient peur de faire la même chose », déclare al-Adraa dans un article qu’il a écrit sur la campagne de dénigrement dirigée contre lui et publiée par +972.

Al-Adraa enregistre aussi des vidéos pour l’association de défense des droits de l’Homme B’Tselem.

De temps en temps, ses reportages et documents, et ceux d’autres Palestiniens, percent le mur d’impunité autour de l’occupation. C’est pour cela qu’ils sont diffamés et harcelés, sans protection contre ceux qui veulent les faire taire.

B’Tselem a publié des images supplémentaires qui démontrent la véracité du reportage d’al-Adraa et le mensonge de l’accusation du soldat contre lui :

Comme le fait remarquer B’Tselem, « les Nouvelles de Channel 12 n’ont pas fait une vérification élémentaire des faits avant de partager l’enregistrement et les allégations infondées contre al-Adraa – ni ne lui ont demandé de les commenter ». Au lieu de cela, le média a rejoint « les soldats, les colons, les bureaucrates, les ministres du gouvernement et les juges israéliens »  dans l’exécution de leur âpre violence contre les Palestiniens ».

La vérité n’est pas une protection

La vérité, même lorsqu’il y a une preuve par vidéo, procure peu de protection aux Palestiniens qui vivent sous l’occupation militaire israélienne et le terrorisme des colons.

L’armée israélienne n’a rien fait après qu’un colon ait été vu sur une vidéo tirant sur des Palestiniens avec l’arme d’un soldat en juin dans les Collines du Sud d’Hébron.

L’armée a également assuré l’impunité d’un soldat qui a été enregistré en train d’ouvrir le feu vers des Palestiniens tout en masquant son visage avec sa chemise au mois de mai dans le village d’Urif au nord de la Cisjordanie.

Nidal Safadi, résident de ce village, a été tué au cours de l’incident pendant lequel les colons ainsi que le soldats ont tiré sur les Palestiniens.

Il n’y a pas de démarcation entre Israël et ses colonies de peuplement. Les colons font avancer l’objectif de l’État en créant un environnement coercitif pour obliger les Palestiniens à quitter leur terre.

Colons et soldats sont des partenaires vers le même objectif de colonisation de la terre des Palestiniens. Ce n’est pas une grande surprise que l’armée veuille blanchir la violence des colons envers les Palestiniens.

Le gouvernement, les médias et les associations de défense israéliennes – dont certaines sont financées par l’État – attaquent les individus et les organisations qui révèlent la violence qu’engendre la colonisation.

Des associations anti-palestiniennes telles que Ad Kan et NGO Monitor ont utilisé les mensonges de Channel 12 sur al-Adraa pour attaquer B’Tselem et son financement par les gouvernements européens :

À la suite du pogrom dans les Collines du Sud d’Hébron du mois dernier, une coalition d’associations israéliennes de défense des droits de l’Homme a lancé une campagne publicitaire sur les bus appelant Benny Gantz, ministre de la Défense d’Israël, et Omer Bar-Lev, ministre de la sécurité intérieure, à faire cesser les attaques des colons contre les Palestiniens.

Les annonces, qui montrent le tout petit palestinien hospitalisé après l’agression sur Mufaqara, déclarent : « Un petit garçon de trois ans a été blessé dans une attaque terroriste. Il est temps de faire cesser la violence des colons. »

Les annonces ont été retirées après que des militants de droite aient menacé d’utiliser la violence contre les compagnies des bus.

« Tout d’abord vous frappez un enfant à la tête avec une pierre, et puis vous menacez de brûler des bus pour qu’on n’en parle pas. Voilà à quoi ressemble le terrorisme », a déclaré Avner Gvaryahu, de l’association anti-occupation Breaking the Silence (traduction de Yossi Gurvitz dans Mondoweiss.

Aucune retenue

La violence des colons envers les Palestiniens est en hausse dans le cadre d’« une atmosphère permissive » alors que l’armée cherche à éviter les confrontations avec les colons, ont dit récemment les responsables israéliens au journal de Tel Aviv Haaretz.

Basil al-Adraa, 25 ans, a grandi avec la violence des colons dans les Collines du Sud d’Hébron. Les agressions par les colons sont devenues plus fréquentes et plus violentes.

« Au cours des deux derniers mois, depuis la dernière guerre sur Gaza, les attaques des colons sont devenues plus vastes et mieux coordonnées, et on a commencé à y voir des armes à feu », a-t-il écrit en août dans Haaretz.

« Les attaques des colons israéliens ne sont pas aléatoires et ne reflètent pas non plus quelque penchant que ce soit pour les explosions violentes », a-t-il ajouté.

« Ce qu’ils font, ils le font pour créer des faits sur le terrain. Ils veulent notre terre. »

Et ils ont le soutien total de l’État au nom duquel ils agissent.

Source : The Electronic Intifada

Traduction : J.Ch. pour l’Agence Média Palestine

Retour haut de page