À propos de Sally Rooney, de Susan Sarandon et de l’Expo 2020 Dubai

Au moment où les régimes arabes réactionnaires normalisent leurs relations avec Israël, État d’apartheid, des intellectuel·les et artistes de plus en plus nombreux rejoignent l’appel palestinien au BDS.

Par Haidar Eid, le 27 octobre 2021

Panneau de l’Expo 2020 Dubai UAE à l’aéroport international  de Dubai, Émirats arabes unis. (Photo Wikimedia)

La décision prise par la romancière irlandaise Sally Rooney de boycotter une maison d’édition israélienne et de ne pas l’autoriser à traduire ses romans est un coup sévère porté aux normalisateurs, en particulier les Arabes. C’est aussi une gifle assenée à ceux qui se moquaient de l’appel au boycott lancé par la société civile palestinienne en 2005, et une cause de malaise pour les campagnes attaquant le BDS (mouvement Boycott, Désinvestissement, Sanctions).

Selon ces campagnes, le BDS n’a pas réussi, n’aboutissant à aucun véritable succès – et pourtant, ces succès sont visibles. Par exemple, Rooney a précisé clairement que sa décision de boycotter les éditeurs israéliens était une réponse à l’appel au BDS lancé par la société civile palestinienne. Certains opposants au BDS font un véritable tri quand ils choisissent quoi écrire et quoi comprendre.

La décision de Rooney est survenue au moment même où l’actrice américaine Susan Sarandon, lauréate de plusieurs Oscars, a choisi la Journée des peuples autochtones pour tweeter une infographie montrant la confiscation par Israël de la terre des peuples autochtones de Palestine depuis le 20e siècle. Cette infographie compare le vol des terres palestiniennes à la confiscation des terres des peuples autochtones d’Amérique par les colons européens.

Israël de l’apartheid, ainsi que ses soutiens, ont exprimé leur colère comme on pouvait s’y attendre dans les deux cas, affirmant que Sarandon et Rooney étaient “antisémites” et ne soutenaient pas la “paix” – le type de paix favorisé par l’État voyou, qui implique l’occupation militaire de la Palestine. 

Les États arabes qui ont normalisé les relations avec Israël, surtout ceux de la région du Golfe, ont accueilli les bras ouverts la technologie et les industries militaires de l’État d’apartheid à l’Expo 2020 Dubai aux EAU, sans s’inquiéter du fait que les produits de ces industries ont été testés par les forces d’occupation israéliennes sur des enfants, des femmes et des hommes palestinien·nes. Le mouvement BDS palestinien a publié un communiqué appelant à ce titre au boycott de l’Expo. Le ministère israélien des Affaires étrangères, qui supervise le pavillon israélien à l’Expo, a déclaré : “Pour nous, la valeur ajoutée réside dans le visiteur arabe et musulman [à l’Expo].” Cette déclaration est peut-être l’expression la plus claire des bénéfices qu’Israël compte tirer de sa présence à cette manifestation – c’est-à-dire qu’il va pouvoir vendre de l’armement aux pays arabes. Le comble, c’est que les organisateurs émiratis présentent élogieusement la participation israélienne comme une “lueur d’espoir” pour la région !

La présence d’Israël de l’apartheid à l’Expo Dubai va au-delà de la promotion commerciale d’armes meurtrières et contribue aux efforts sans relâche d’Israël pour occulter ses crimes incessants contre les Palestiniens en normalisant sa présence dans le monde arabe. Cette normalisation permet de rompre l’isolement international croissant d’Israël en tant qu’État d’apartheid pratiquant la colonisation de peuplement.

Il est attristant de voir certains artistes arabes participer à cette mascarade, contribuant à embellir et à légitimer la normalisation des relations entre le gouvernement des EAU et Israël, État d’apartheid, en jouant sur la même scène que des formations israéliennes. Les superstars Kadim Al-Sahir (Iraq), Muhammad Abdo (Arabie saoudite), Nancy Ajram (Liban), Omar Al-Abdallat (Jordanie), Ragheb Alama (Liban), Sami Yusef (Azerbaïdjan), Abdul Rahman Muhammad (Arabie saoudite) et Ahlam Al-Shamsi (EAU) devraient avoir honte. N’ont-ils pas entendu parler de la liste croissante d’artistes de renommée internationale qui refusent de fournir à Israël de l’apartheid une feuille de vigne censée le légitimer ? Sally Rooney et Susan Sarandon figurent parmi ces artistes, celui qui fait le plus de bruit étant peut-être Roger Waters. 

On croirait que la demande d’un soutien moral minimum faite par le peuple palestinien au monde arabe est dépourvue de sens, que les informations sur le sang des enfants répandu dans la rue Al-Wahda et dans le quartier de  Shuja’iyah, ou sur le déplacement forcé des habitants de Sheikh Jarrah, ne sont jamais arrivées jusqu’aux oreilles de ces Arabes-là.

En même temps, perpétuant le crime de la normalisation, le royaume de Bahreïn a ouvert une ambassade à Tel Aviv. Aujourd’hui, nous avons le spectacle obscène de régimes arabes réactionnaires liant leurs intérêts stratégiques à ceux d’Israël, État d’apartheid, pendant que la société civile internationale, les intellectuel·les et les artistes du monde entier répondent de façon positive à la lutte du peuple palestinien en tenant compte de l’appel au BDS lancé en 2005 par la société civile palestinienne.

Les intellectuel·les, les artistes, les écrivain·es, les athlètes qui ont répondu en grand nombre à l’appel au BDS lancé par le peuple opprimé d’Afrique du Sud ont été acclamés pour leur contribution à la victoire sur un des régimes les plus hideux de l’histoire, et ce n’est que justice. De même, nous fêterons la victoire aux côtés de Sally Rooney et de Susan Sarandon, et des milliers d’autres écrivain·es, artistes et icônes de la culture qui se dressent du bon côté de l’histoire et refusent de donner au régime colonial d’apartheid d’Israël ce dont il a besoin afin de déguiser son visage raciste. Quant aux artistes arabes qui ont accepté de jouer ce rôle, l’histoire les jugera comme il convient.

Traduction SM pour l’Agence Média Palestine

Source : Mondoweiss

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