Amira Hass : je subventionne des groupes terroristes

Amira Hass, le 27 octobre

J’annonce et je confesse ici que je finance le terrorisme. Une partie des impôts que je paie au gouvernement israélien est transférée à ses activités terroristes et à certains de ses représentants, les colons, contre le peuple palestinien.

Si par « terrorisme » on veut dire imposer la terreur et la peur — alors que font les commandants de l’armée et les services de sécurité du Shin Bet quand ils envoient des soldats masqués perquisitionner les maisons des Palestiniens nuit après nuit ? Accompagnés de chiens et de fusils braqués, les soldats éveillent les familles de leur sommeil, renversent le contenu des placards, confisquent des biens et frappent les adultes devant leurs enfants.

Que font les inspecteurs de l’Administration civile quand ils déambulent dans les communautés de bergers et vérifient si une tente a été ajoutée, ou peut-être un toboggan pour les enfants, qu’il faudrait démolir ? Que font les caméras de surveillance collées à chaque checkpoint, à la sortie d’une ville palestinienne, si ce n’est intimider et régenter ?

Et la police aux frontières à Jérusalem, hommes et femmes, qui détiennent quiconque leur semble un Arabe, et les soldats et les policiers qui distribuent un coup de pied par ci, une gifle par là, à quiconque ose argumenter avec eux, ou récolter ses olives – quel est leur job si ce n’est instiller la peur ?

Et les gangs de colons masqués, avec leurs poitrines nues, leurs franges sacrées et leurs armes, à feu ou autres, « non létales » – comment appellerons-nous leur orgies d’attaques contre les personnes et les arbres si ce n’est du terrorisme ? Des fractions de pourcentages des impôts que je paie les atteignent certainement : peut-être finissent-elles par aller aux conseils des colonies qui accueillent ces voyous à bras ouvert, peut-être à leurs cadres et à ceux du ministère de la défense qui ont planifié et mis en œuvre ensemble le performant modèle des avant-postes de bergers.

Dans toute la Cisjordanie les avant-postes opèrent selon le même schéma : une famille de colons chevronnés s’empare d’une parcelle de terre palestinienne, reçoit un troupeau de moutons ou de chèvres et du bétail et ensuite, en utilisant des fusils, des pierres, des chiens, de jeunes bergers et des drones, menace les Palestiniens et empêchent leurs troupeaux d’atteindre leurs zones de pâturage.

 Le concept de « terrorisme » a depuis longtemps excédé les bornes de la simple intimidation et inclut aussi des actes de destruction et d’assassinat. Mes impôts les financent, et ceux de tous les citoyens israéliens, de tous les résidents en Israël.

Une partie de mes impôts est passée dans le bombardement de structures résidentielles et l’assassinat de leurs habitants palestiniens, y compris de jeunes enfants et des femmes. Mes impôts financent les balles qui tuent et blessent les manifestants dans le village cisjordanien de Beita et à Gaza. Nos impôts subventionnent les colonies et couvrent le coût de la démolition des maisons palestiniennes par l’Administration civile et la municipalité de Jérusalem. Sous le camouflage d’un état de droit et au moyen de notre financement, Israël a perpétré tous ces actes de terrorisme et beaucoup d’autres. Jour après jour. Heure après heure.

Ceux qui contrôlent les centres de pouvoir ont toujours essayé et essaient encore d’exercer aussi un monopole sur le langage, comme un moyen de perpétuer leur suprématie. Le patriarcat a dérivé le terme médical « hystérie » de la racine grecque pour utérus, comme un moyen de cimenter le statut inférieur des femmes. Les Anglais se sont assurés que « Irish », Irlandais, serait un synonyme de stupide et plus tard de paresseux et d’ivrogne, comme un moyen d’expliquer leur colonisation de l’Irlande.

« Stupide », « noir » et « terroriste » étaient aussi des synonymes chez les Blancs d’Afrique du Sud, utilisés pour justifier l’exploitation, la ségrégation raciale et l’oppression terroriste. Et c’est ainsi que l’occupant israélien décide ce qu’est le terrorisme, et y inclut encore six ONG palestiniennes.

La raison pour les persécuter est si claire : ces organisations de la société civile ont obtenu plusieurs résultats impressionnants dans leur opposition à la cruelle occupation israélienne. C’étaient elles qui ont agi, et agissent, pour poursuivre les Israéliens responsables de crimes de guerre et de crimes d’apartheid devant la Cour pénale internationale à La Haye, elles qui ont exhorté l’Autorité palestinienne à suivre ce chemin. Ce sont elles qui exposent le système israélien de détention en masse, en particulier de mineurs, et le scandale appelé le tribunal militaire.

Ce sont elles qui soutiennent les fermiers palestiniens contre le harcèlement de l’Administration civile et contre les colons. Elles nourrissent les valeurs de gauche et les valeurs féministes et critiquent tout aussi bien les autorités palestiniennes.

Elles (et pas seulement elles) sont dans une bataille permanente contre le terrorisme et l’occupation. Et l’occupation, par sa persécution de ces organisations, aspire à terroriser d’autres Palestiniens et à les empêcher d’organiser une quelconque résistance.

Traduction CG. pour l’Agence Média Palestine

Source : Haaretz

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