Israël a prévenu l’UE à l’avance de son projet de labelliser « terroristes » les groupes de défense des droits

Par Ali Abunimah, le 29 octobre 2021

« L’UE ne défend toujours pas pleinement ses valeurs, ses principes et ses partenaires non plus » dit Shawan Jabarin, le directeur général de Al-Haq, le groupe palestinien de défense des droits humains. (Pierre Albouy/Reuters)

L’Union Européenne a été prévenue à l’avance par Israël que ce dernier allait qualifier six groupes palestiniens de défense des droits d’organisations « terroristes ».

Selon des informations reçues par l’Electronic Intifada, la première information a été transmise à l’ambassade de l’Union Européenne à Tel Aviv environ une semaine avant que le ministre israélien de la défense n’annonce cette qualification, le 22 octobre.

L’Electronic Intifada a soumis cette allégation au porte-parole de l’UE pour les affaires étrangères le mercredi et a reçu une réponse le vendredi – mais seulement après que celui qui avait écrit a aussi tweeté sur le sujet :

Dans sa réponse, Peter Stano, le porte-parole de l’UE, s’est complètement dérobé à répondre à la question de la date à laquelle l’UE avait été informée de l’intention d’Israël d’agir contre ces groupes.

« Nous allons inciter les autorités israéliennes à dire plus précisément sur quoi sont basées ces qualifications » a dit Stano.

« L’Union Européenne est fière de son soutien continu à la société civile, qui contribue aux efforts de paix et à la construction de la confiance entre Israéliens et Palestiniens ».

“ Confirmation indirecte”

Le fin mot de l’affaire est que l’UE a été incapable d’apporter un démenti clair et simple à l’information reçue par l’Electronic Intifada.

« Ils n’ont pas répondu et cela peut être considéré comme une sorte de confirmation indirecte » a dit vendredi à l’Electronic Intifada, Shawan Jabarin, le directeur de Al-Haq, un des groupes de défense des droits humains qualifiés par Israël de « terroriste ».

« L’UE ne défend toujours pas ses valeurs, ses principes et ses partenaires non plus » a ajouté Jabarin. « Ce n’est pas qu’une question financière. Il s’agit aussi de les défendre pleinement face à l’oppression et aux campagnes de dénigrement ».

« Malheureusement, les institutions et membres de l’UE ne sont pas tous sur la même longueur d’onde sur cette question » a dit Jabarin. « Nous apprécions son soutien. Mais je pense qu’il y a des groupes et des individus qui n’agissent pas dans l’intérêt et pour les valeurs de l’UE ».

Jabarin a précisément loué le travail de la délégation de l’UE à Jérusalem – ce qui suggère que peut-être toutes les représentations de l’UE ne méritent pas la même confiance.

Il est à noter qu’aussi bien les États Unis que l’Irlande, pays membre de l’UE, ont déclaré ne pas avoir reçu d’information préliminaire par Israël.

En plus de Al-Haq, les six groupes incluent Addameer, Défense des Enfants International-Palestine, l’Union des Comités de Femmes Palestiniennes, l’Union des Comités des travailleurs agricoles et le Centre Bisan pour la Recherche et le Développement.

Israël prétend qu’ils sont impliqués dans le « terrorisme » : cela s’inscrit dans des efforts de longue date pour bloquer le soutien international à des organisations qui documentent les crimes d’Israël et visent à lui faire rendre des comptes.

L’UE et les gouvernements qui en sont membres financent plusieurs de ces groupes. Les forces d’occupation israéliennes pourraient désormais arrêter leur personnel, saisir leurs biens et fermer leurs bureaux.

Israël accuse des organisations mondialement reconnues de canaliser de l’argent en soutien au Front Populaire pour la Libération de la Palestine.

Israël considère le FPLP, à l’instar de pratiquement tous les partis politiques palestiniens, comme une organisation « terroriste » – une qualification censée délégitimer toute forme de résistance à l’occupation militaire d’Israël et à son régime d’apartheid.

La semaine dernière, la mesure prise par Israël a été vigoureusement dénoncée par des groupes de défense des droits internationaux, palestiniens et israéliens ainsi que par des experts de l’ONU.

Même le gouvernement allemand fidèlement pro-Israël a publiquement critiqué cette mesure.

Certains des six groupes ont travaillé avec la Cour Pénale Internationale sur ses enquêtes sur les crimes de guerre en Cisjordanie occupée et dans la bande de Gaza.

Des égards envers Tel Aviv

Jusqu’à présent, aucune des déclarations de l’UE, y compris celles publiées mercredi et jeudi n’ont mentionné quand Bruxelles avait appris les intentions d’Israël.

Au contraire, le message général envoyé par l’UE est extrêmement empreint d’égards, en répétant son engagement à examiner les allégations de Tel Aviv sans la moindre preuve.

La notification apparemment reçue en avance par l’UE approfondit la complicité de bloc déjà significative dans la guerre d’Israël contre les défenseurs palestiniens des droits humains.

L’UE aurait pu employer ce temps pour avertir Israël de ne pas lancer son attaque sur les groupes de défense des droits humains ou pour demander une preuve claire et convaincante – qu’Israël doit toujours produire.

Cette soumission est d’autant plus remarquable que l’UE reconnaît que de semblables accusations de détournements de fonds par des organisations palestiniennes étaient sans fondement.

L’UE aurait pu informer les États membres, qui pouvaient alors réagir collectivement. Comme cela a été noté, la déclaration du gouvernement irlandais dit clairement que Dublin n’a pas été averti en avance.

L’Irlande et d’autres États membres devraient demander des explications à Bruxelles.

Pendant ce temps, Jabarin de Al-Haq insiste sur le fait que lui et ses collègues ne seront pas détournés de leur action sur les droits humains.

« Même depuis cette qualification, jusqu’à aujourd’hui, nous avons continué à travailler comme d’habitude » a-t-il dit. « Nous allons continuer comme si de rien n’était. Nous n’avons rien à cacher et nous n’avons pas honte de ce que nous faisons ».

Traduction SF pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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