Une lettre ouverte de Palestine à Miss Afrique du Sud

Le 14 novembre 2021, par Haidar Eid

Lalela Mswane, Miss Afrique du Sud 2021. (Photo : saisie video)

Chère Mme Lalela Mswane,

Nous ne nous connaissons pas. Je sais seulement que vous êtes Miss Afrique du Sud et j’ai entendu parler de votre nom il y a deux jours, quand les médias ont annoncé que vous représenterez l’Afrique du Sud au concours de Miss Univers sur les ruines du village ethniquement nettoyé d’Um Al-Rashrash dans l’Israël de l’apartheid. Je suppose que vous ne connaissez pas suffisamment les souffrances du peuple palestinien qui résulte de l’occupation, de la colonisation et de l’apartheid d’Israël en Palestine. J’ai moi-même passé six ans en Afrique du Sud où j’ai obtenu mon doctorat et même la citoyenneté.

Avant même la fin du système d’apartheid en 1994, nous, Palestiniens, avons soutenu sans réserve la lutte en Afrique du Sud et avons joué un rôle dans le mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) qui a constitué l’un des principaux piliers de la lutte pour faire tomber l’apartheid. Nelson Mandela a clairement indiqué à plusieurs reprises que sans le soutien de l’organisation de libération de la Palestine, parmi d’autres mouvements de libération nationale, la fin du régime raciste aurait été retardée.

Je vis dans le camp de concentration de Gaza, qui subit un siège médiéval imposé par l’Israël de l’apartheid depuis 2007. Mais même avant cela, Israël l’occupait depuis 1967. En raison des politiques racistes d’Israël, nos enfants souffrent de malnutrition ; les 2 millions de personnes qui vivent dans la bande n’ont pas accès à l’électricité, à l’eau potable, aux médicaments et à des centaines d’autres éléments qu’Israël n’autorise pas. Au cours de la dernière décennie, le pays que vous visitez a lancé quatre guerres massives contre Gaza, tuant plus de 4 000 civils, dont des centaines de femmes et d’enfants, et détruisant des centaines de bâtiments, d’usines, de routes et d’écoles.

Une mission d’enquête de l’ONU, dirigée par nul autre que votre propre Richard Goldstone, a qualifié ces massacres de « crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité ». Et des activistes anti-apartheid, comme Desmond Tutu et Ronnie Kasrils, nous ont dit que ce que nous vivons en Palestine est « bien pire que l’apartheid ». Par ailleurs, deux grandes organisations de défense des droits de l’Homme, Human Rights Watch et l’organisation israélienne des droits humains la plus respectée, Btselem, ont publié deux rapports accablants l’année dernière, qualifiant Israël d’État d’apartheid qui pratique la discrimination non seulement à l’égard des résidents de Gaza et de Cisjordanie, mais également à l’égard de ses propres citoyens palestiniens de troisième classe.

Madame Mswane, permettez-moi de vous poser cette question. Qu’auriez-vous ressenti si une femme palestinienne avait décidé de participer à un concours similaire en Afrique du Sud dans les années 70 et 80 du siècle dernier ? Comment auriez-vous réagi si un concours similaire avait été organisé dans la ville de Sofia, par exemple ? Et comment le peuple sud-africain aurait-il réagi à la participation de Palestiniens à des concerts et des rencontres sportives dans l’Afrique du Sud de l’apartheid ?

Vous avez dû entendre parler des dizaines de belles femmes incarcérées dans les donjons israéliens sans inculpation ni procès, pour la simple raison qu’elles s’élèvent contre l’occupation et l’apartheid. Nos femmes, comme les femmes sud-africaines avant elles, sont les victimes d’un système d’oppression à plusieurs niveaux et attendent la solidarité de leurs sœurs noires.

Je suis professeur agrégé de littérature ; j’enseigne à des centaines d’étudiantes qui viennent de camps de réfugiés et dont les parents et grands-parents sont également des réfugiés. Mes étudiants ont eu un message quand je leur ai dit qu’une femme sud-africaine venait dans l’Israël de l’apartheid ; ils m’ont demandé d’écrire ce message et de vous appeler à vous abstenir de violer nos directives BDS et à vous tenir du bon côté de l’Histoire. Je suis certain que vous ne les décevrez pas.

Le sentiment souvent cité de Nelson Mandela, selon lequel « la liberté (sud-africaine) est incomplète sans la liberté des Palestiniens », orne les murs des camps de réfugiés de la bande de Gaza, où des millions de réfugiés attendent le jour de leur retour dans les villes et villages qui ont fait l’objet d’un nettoyage ethnique en 1948 par les bandes racistes au pouvoir dans le pays que vous visitez. Nous vous demandons seulement de prendre la bonne décision que des milliers d’artistes, d’écrivains et de personnalités culturelles – y compris Miss Malaisie et Miss Indonésie – ont prise pour s’opposer à l’apartheid israélien.

Sincèrement vôtre,

Haidar Eid

Gaza assiégée, Palestine occupée

Source : The Palestine Chronicle

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