Gaza : Ce que le mur de fer construit par Israël signifie pour les Palestiniens assiégés

Le 14 décembre, par Andrei Popoviciu et Lubna Masarwa pour le Middle East Eye

Des dizaines d’antennes, des centaines de caméras et de radars sont tous positionnés sur la fortification qui entoure Gaza.

S’étendant sur toute la longueur de la frontière entre Israël et la bande de Gaza, le nouveau mur et la nouvelle clôture en fer d’Israël, d’un coût de 1,1 milliard de dollars, ont été salués comme « uniques au monde » lors de leur inauguration mardi.

Pour Israël, il s’agit de l’aboutissement de trois ans et demi de travail, le dernier d’une série de fortifications et de mesures de sécurité qui ont isolé Gaza et la Cisjordanie occupée, étouffant les espoirs d’une solution à deux États.

Pour les deux millions de Palestiniens qui vivent à Gaza – dont la moitié sont des enfants – le mur high-tech représente plus qu’une innovation technologique ou sécuritaire : il confirme qu’ils vivent dans la plus grande « prison à ciel ouvert » du monde.

« Le mur a laissé un énorme impact psychologique sur la population de Gaza, en particulier sur les jeunes », explique Ruwaida Amir, enseignante et journaliste.

« Maintenant, nous avons vraiment l’impression d’être dans une prison avec ce mur d’acier qui nous entoure ».

Voici ce que vous devez savoir sur la nouvelle barrière israélienne de Gaza :

Une technologie de sécurité dystopique

S’étendant sur 65 kilomètres depuis la frontière égyptienne, contournant la bande de Gaza et se jetant dans la mer Méditerranée, la toute nouvelle barrière d’Israël est truffée d’équipements de surveillance. Des dizaines d’antennes, des centaines de caméras et de radars sont positionnés sur la fortification construite avec 140 000 tonnes de fer et d’acier.

En surface, la barrière est une clôture qui s’élève à plus de six mètres de haut. Il existe également un mur métallique souterrain équipé de capteurs.

Les responsables israéliens ont refusé de préciser la profondeur de ce mur, mais on pense qu’il se trouve à plusieurs mètres sous terre.

Le mur est équipé d’un système d’armement télécommandé et d’une barrière maritime dotée d’équipements de surveillance capables de détecter les incursions par les voies maritimes.

Le général de brigade Eran Ofir a été chargé de diriger la construction, qu’il a qualifiée de « l’un des projets les plus complexes jamais réalisés par l’establishment de la défense ».

Fortifications israéliennes et égyptiennes

Depuis 2016, date à laquelle le projet a été annoncé, Israël a cité les tunnels entre Israël et Gaza comme la principale raison de construire la nouvelle barrière.

La bande de Gaza est déjà entourée de clôtures et de fortifications en terre, et les forces israéliennes sont présentes tout le long de la frontière.

Avec le nouveau mur métallique souterrain, il sera beaucoup plus difficile de creuser des tunnels pour sortir de Gaza. Les tunnels servent à la fois de bouée de sauvetage pour les Palestiniens étouffés par le siège et pour le mouvement Hamas, qui les utilise pour la contrebande et la préparation d’attaques.

« La barrière, qui est un projet innovant et technologiquement avancé, prive le Hamas de l’une des capacités qu’il a tenté de développer », a déclaré le ministre israélien de la défense, Benny Gantz.

Israël n’est pas le seul pays à imposer un siège à Gaza depuis 2007, lorsque le mouvement Hamas a pris le contrôle de l’enclave. L’Égypte, elle aussi, a imposé le blocus, permettant rarement l’ouverture du passage de Rafah. En 2020, l’Égypte a achevé la construction d’une clôture de 14 km le long de sa frontière avec la bande de Gaza.

Le Dr Basem Naim, ancien ministre de la Santé de Gaza, a déclaré à MEE que le nouveau mur d’Israël révèle sa « nature raciste », qui « insiste pour transformer le peuple palestinien en groupes séparés vivant dans des prisons à ciel ouvert, fermées et isolées les unes des autres ».

La barrière de Gaza, bien sûr, n’est pas la première d’Israël. Une barrière de séparation controversée s’étend sur 700 km entre Israël et la Cisjordanie, combinant murs de béton, tours de guet et clôtures.

La barrière a été mise en place en 2002, Israël affirmant qu’elle était nécessaire à la sécurité. Elle pénètre profondément dans les terres palestiniennes, empêchant souvent les Palestiniens d’accéder à leur propre propriété et les excluant de Jérusalem.

Ahmed Abu Artema est le fondateur du mouvement de la Grande Marche du retour, qui a organisé des manifestations de masse le long de la frontière de Gaza en 2018 pour réclamer le droit au retour des réfugiés palestiniens et la fin de l’occupation. Diverses répressions israéliennes violentes contre ces manifestations ont tué plus de 250 personnes et en ont blessé des milliers.

« La puissance occupante présente des revendications sécuritaires pour justifier la construction du mur, tout comme elle l’a fait pour justifier la construction du mur en Cisjordanie en 2002. Mais l’erreur qu’Israël persiste à répéter est qu’il traite la question palestinienne comme une question de sécurité et ignore la racine du problème », dit-il à Middle East Eye.

« Ce mépris ne lui servira en rien sur le plan stratégique, car la racine du problème est que tant qu’il refusera à tout un peuple le droit à la liberté et à l’émancipation, celui-ci restera déterminé à obtenir sa libération. »

Israël prévoit également de commencer à construire une clôture à sa frontière avec le Liban l’année prochaine, qui s’ajoutera à une clôture existante datant de 1970.

Ces projets de murs frontaliers suggèrent qu’Israël s’appuie de plus en plus sur des murs de haute technologie dans le cadre de sa stratégie de sécurité.

En état de siège

L’ONU a prédit en 2012 que Gaza serait invivable d’ici 2020. Les Palestiniens affirment que la nouvelle barrière ne fera qu’aggraver encore les conditions.

Les habitants de Gaza vivent de façon précaire, avec peu d’accès à l’eau potable, des pénuries d’électricité paralysantes et des systèmes de santé et d’éducation inadaptés.

Environ 97 % de l’eau potable de Gaza est contaminée, et les habitants sont contraints de vivre avec des coupures de courant constantes en raison d’un réseau électrique fortement endommagé.

Les conditions de vie épouvantables ont créé une épidémie de santé mentale, provoquant une flambée des taux de suicide dans la bande de Gaza.

Selon l’UNRWA, l’agence des Nations unies qui s’occupe des réfugiés palestiniens, des années de conflit et de blocus ont rendu 80 % de la population de Gaza dépendante de l’aide internationale.

« Parfois, nous entendons dire que des efforts sont faits pour rendre possible notre accès au monde, mais cette clôture vise maintenant à nous maintenir dans cette prison. L’objectif est de tuer notre espoir dans la vie et de nous isoler du monde et de la Cisjordanie », déclare Amir.

« Au lieu de trouver des solutions au siège, on l’a maintenant rendu permanent. Israël ne sera pas en mesure d’enterrer Gaza derrière le mur. »

Traduction AFPS

Source : Middle East Eye

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