Retour aux lois du régime militaire présentées comme « décisions temporaires »

17 Décembre 2021
Par Mohammed Zeidan
Ex Directeur de l’Institution Arabe des Droits de l’Homme
Militant des Droits Humains

La Knesset a approuvé cette semaine en première lecture 3 lois proposées par la coalition au pouvoir qui les présente comme simple « mises à jour de décisions provisoires » et qui concernent des affaires liées à « la sécurité et aux appareils sécuritaires – armée et police » selon leur nature et leur contenu.

Il est important d’éclaircir ce qui relie entre elles ces lois du point de vue de leur sens et de leur effet sur les Droits Humains fondamentaux et sur les droits du citoyen face à l’État.

Et en particulier ce qui concerne la relation de l’armée avec 3 situations qui devraient être du ressort d’instances civiles dans tout État qui se prétend démocratique.

En plus du fait que [ces lois] sont liées à la délimitation de nouvelles frontières dans les rapports de l’État et de ses institutions aux Droits Humains en général, et en particulier avec les droits de la société palestinienne de l’intérieur.

La première loi permet « le renforcement des services pénitenciers par des soldats de certaines unités de l’armée ». Ce qui signifie qu’il devient possible pour l’armée d’intervenir dans le traitement des prisonniers et des détenus. Un genre de mesures permis seulement par des États militarisés et dictatoriaux.

Son objectif est de permettre, de par la loi, aux unités de l’armée d’intervenir dans toute mesure qui vise la répression de tout mouvement ou protestation à l’intérieur des prisons.

Évidemment ce qui est visé ce sont les prisonniers palestiniens, et la répression de tout mouvement ou protestation à l’intérieur des prisons israéliennes.

Quant à la seconde loi, elle permet à la police et à l’armée de violer les domiciles arabes, et elle leur octroie tout pouvoir de fouiller des maisons sans permission préalable du tribunal comme c’était le cas jusque-là.

Avec la culture implantée dans les rang de la police qui est de traiter les Arabes comme des ennemis (ce qui est reconnu dans des rapports officiels, le rapport Or n’étant pas le dernier de ces rapports), on peut imaginer comment seront mises en œuvre ces facultés nouvelles. Dans nos maisons et dans nos quartiers arabes…

Quant à la troisième loi, elle permet à l’armée d’intervenir dans des opérations qui étaient jusque-là civiles, permettant « l’envoi de certaines unités militaires pour appuyer et renforcer les forces de police et de sécurité investies pour assurer des objectifs sécuritaires nationaux ».

Et tout cela, naturellement, en plus des unités des « garde-frontières » (qui agissent sous la direction de la police !) et auxquelles il était déjà permis d’intervenir avant même l’édiction de ces nouvelles lois.

En vérité tout un chacun sait par expérience – répétée des dizaines de fois – quel sens il faut donner à de tels « objectifs sécuritaires nationaux », dans un État qui a poursuivi « des buts et des projets nationaux » ayant abouti à exiler et à violer tous les droits nationaux et humains du peuple palestinien en général et en particulier ceux des Palestiniens de l’intérieur.

En plus de la longue expérience de la manière dont l’État et ses divers appareils sécuritaires ont traité par la répression les manifestations et mouvements de masse palestiniens à l’intérieur de la ligne verte et à Jerusalem-Alqods, qui sont au cœur de tels « objectifs et tâches sécuritaires nationaux.

Après avoir éclairci le lien étroit entre ces trois lois qui représentent un changement fondamental et grave, du fait qu’elles donnent aux « appareils sécuritaires » des marges d’action et des fonctions nouvelles en mettant l’armée en première ligne dans la répression des droits civiques et politiques ainsi que des droits humains fondamentaux, il en résulte une configuration qui est une révision du point de vue du droit de l’action, avec les apparences d’un « gouvernement militaire » et de ses pratiques dans nos rues, nos foyers et nos lieux de résidence à l’intérieur de la ligne verte, et cela de manière tout à fait semblable à ce qui des pratique dans les territoires occupés depuis 1967 … ce qui signifie le renforcement des pratique d’apartheid qui condamnent nos lieux de résidence arabes à subir des mesures militaires qui ne se pratiquent pas dan les lieux de résidence juifs – et cela non pas du fait de la loi, mais  par décision politique.

Il n’y a personne ni au gouvernement ni en dehors du gouvernement qui prétend que de telles lois ont été édictées pour gérer les protestations des Haredim à Jérusalem où celles des Éthiopiens, ou encore celles des homosexuels à Tél Aviv.

Et, pour rappel, les politiciens et les ministres du gouvernement Benett et les membres des partis de droite, ceux de la coalition ou ceux de l’opposition, ont exigé l’application de telles mesures durant le soulèvement de la dignité en Mai dernier.

[C’est à ce moment qu’] il a été question d’accorder à l’armée la capacité de déplacer ses forces des casernes et des territoires occupés en 67, pour réprimer les manifestations et tout phénomène de protestation dans les municipalités arabes et dans les villes mixtes.

Mais ce qui est étonnant et bizarre, c’est la justification et l’argument [avancés par certains] que « ces pratiques avaient cours avant même l’établissement des nouvelles règles ». Est-ce que l’existence de l’occupation et de la colonisation rend acceptable l’appui par des députés arabes à l’édictions de lois d’occupation et d’expansion des colonies – selon la même logique ?

Ou alors ce qui se dit qu’elles auraient été édictées « pour combattre le crime et protéger le citoyen arabe » alors même que tout le monde connait – y compris la police – les liens entre les milieux de la délinquance avec le « Shabak » et les appareils sécuritaires.

Tout point de vue critique et toute analyse réaliste du véritable sens de ces trois lois montre sans aucun doute possible la nature du rapport qu’entretient cet État et son gouvernement avec le concept de séparation des pouvoirs [qui signifie] la nécessité du contrôle continu des actions de ses différents organes, et en particulier pour ce qui concerne les affaires ayant un lien avec l’abus de pouvoir et la répression des libertés et droits humains fondamentaux.

Ces lois et des mesures positionnent notre société comme victime de pratiques du pouvoir militaire du simple fait d’une décision politique qui est à l’abri de tout contrôle du pouvoir juridique. À noter que pour la première fois, la loi a été édictée avec l’appui de partis et de députés Arabes et islamiques.

Et que cette fois, la décision a bénéficié de l’appui de partis sionistes qui se prétendent « de gauche » et qui se proclamaient jusqu’à très dernièrement partisans des droits de l’homme et du citoyen et de l’opposition à l’occupation.

Traduction Sion Assidon pour l’Agence Média Palestine

Source : Alraya

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