La musique comme moyen de survie et de guérison

Le 27 décembre 2021, par Ayman H. El-Hallaq

Malgré les conditions insupportables sous le siège israélien, les jeunes de Gaza ont ouvert la voie au prestigieux Concours national de musique de Palestine de cette année.

Le Dr Ismail Dawoud, président de l’Institut Edward Saïd à Gaza, avec ses étudiants en musique.

Malgré les calamités qui durent de la bande de Gaza et les conditions de vie insupportables causées par le siège de l’occupation israélienne, la soif inassouvie des enfants palestiniens de la bande de Gaza de vivre et de résister à la détresse, par l’amour, la musique et la joie, a conduit un groupe d’entre eux à remporter plusieurs premières places au Concours national de musique de Palestine 2021.

Chaque année en décembre, l’Institut du Conservatoire national Edward Saïd organise le Concours national de musique de Palestine pour jouer, chanter et composer. C’est un concourt qui est ouvert aux musiciens, aux chanteurs et aux compositeurs palestiniens et qui vise à motiver les musiciens, chanteurs et compositeurs talentueux et à apprécier leur créativité, leurs performances et leurs réalisations artistiques. Le concours est organisé de façon centralisée à Jérusalem, et les concurrents peuvent échanger par vidéoconférence depuis Ramallah, Gaza et les pays de la diaspora, et le concours se poursuit pendant une semaine à compter de la date de début.

Siraj El-Sersawy (Photo : Ismail Dawoud)
Mohammed Shoman (Photo : Ismail Dawoud)
Mohamed Saad (Photo : Ismail Dawoud)
Bashir Al-Ayoubi (Photo : Ismail Dawoud)

Le Concours national de musique de Palestine est considéré comme l’un des concours de musiques les plus spécialisés et les plus complets en Palestine, et dans le monde arabe. Les enfants et les jeunes participants palestiniens sont répartis en groupes selon leur tranche d’âge et selon les sections du concours, lesquelles comprennent la plupart des instruments de la musique arabe, des instruments occidentaux, du chant, des groupes et de la composition musicale.

Les organisateurs ont toujours eu à cœur d’organiser le concours avec les plus hauts niveaux musicaux utilisés dans les concours internationaux, et par conséquent, ils ont recruté des musiciens et des spécialistes internationaux pour former des comités de jury dans toutes les sections du concours. Avec les défis et les conditions actuelles que connaissent la Palestine en général, et la bande de Gaza en particulier, en raison des bouclages provoqués par les deux pandémies – l’occupation israélienne et le Covid-19 – l’institut a continué d’organiser le concours en Cisjordanie et dans la bande de Gaza.

Rima Al-Habbash (Photo : Ismail Dawoud)

Cette année, le 6 décembre, le concours a commencé à la fois à Gaza et en Cisjordanie, et j’ai eu la chance d’assister à des bribes de cet incroyable concours aux côtés du Dr Ismail Dawoud, qui est le président de l’Institut du Conservatoire national Edward Saïd. J’ai ressenti un plaisir insondable à voir ces petites mains jouer des chansons d’amour et de la musique sur leurs instruments avec une persévérance manifeste à continuer de vivre au mieux de leurs propres capacités, et aussi naturellement que n’importe quel autre enfant sur cette planète. J’ai senti qu’ils constituaient un chœur d’enfants, au talent incomparable, interprétant un choral pour la vie, et le bonheur.

Les résultats du concours ont été pour moi encore plus surprenants que l’excellence du jeu. La plupart des premières places ont été remportées par des joueurs et des groupes de la bande de Gaza. Les gagnants du premier prix en Solo de Gaza ont été :

  • À la guitare : Mohamed Shoman
  • À l’instrument kanoun : Rima Al-Habbash
  • À l’instrument kanoun : Firas Al-Sharafi
  • À l’oud : Siraj El-Sersawy
  • À la nay (flûte soufflée à l’extrémité) : Bashir Al-Ayoubi (deuxième place)
  • Dans les jeux de groupes : le groupe Tartim s’est classé premier
Feras Al-Sharafi (Photo : Ismail Dawoud)

J’ai demandé au Dr Dawoud quelle était l’explication possible à l’obtention de ces premières places malgré la rareté des ressources dans la bande de Gaza. Il a répondu « Cela est imputable à l’intérêt qu’ont les étudiants à acquérir les premières places, atteindre l’excellence et porter haut le nom de Gaza en tant que ville palestinienne qui connaît la musique, l’art, et la culture, comme elle connaît aussi les agressions, la mort et le son des obus et des canons« . Et il poursuit, « La superficie petite de la bande de Gaza assiégée, le manque d’installations et de lieux de divertissement, et la difficulté qu’il y a à voyager hors de la Bande font que les étudiants investissent leur temps dans la formation, dans un travail acharné et dans la diligence, en jouant et en chantant. Ils sont aussi formés et supervisés par des professeurs universitaires spécialisés et expérimentés, qui ont l’habitude de jouer des instruments de musiques et du chant. Ils se rencontrent à maintes occasions et jouent collectivement, ce qui développe aussi leurs capacités« . « Et nous ne devons pas oublier le soutien des parents » dit-il, « surtout quand ils participent à des concours nationaux qui offrent des prix en argent« .

Malgré la réponse convaincante du Dr Dawoud, j’ai toujours mes propres spéculations sur la raison d’un tel effort accompli par les enfants à Gaza pour remporter le Concours national. La musique, je le pense, pour un groupe d’enfants comme celui de Gaza, représente plus qu’une collection de mélodies à jouer sur des instruments de musique ; elle est un moyen de survie, elle a un effet salutaire, tel un traitement qui soulage les blessures de la vie à Gaza. C’est une méthode afin d’éliminer les risques de dépression, de réduire la souffrance physique, et d’aiguiser la motivation. Elle est, probablement, la raison de la performance de ces enfants au Concours national de musique de Palestine, comme s’ils essayaient de prouver, d’une manière ou d’une autre, et en jouant de la musique, qu’ils sont, sous la mort de l’occupation israélienne, en faveur de la vie et du bonheur, malgré l’angoisse, la douleur, et la souffrance qui frappent leurs familles et leur patrie.

Ayman H. El-Hallaq

Ayman H. El-Halla est professeur agrégé en littérature anglaise et en théorie critique à l’Université islamique de Gaza. Il est diplômé de l’Université d’Indiana en Pennsylvanie et il a publié un livre sur le Réalisme subjectif du XIXè siècle, dans la littérature de George Eliot, ainsi que de nombreux articles universitaires dans des revues internationales SCOPUS à comité de lecture.

Source : Mondoweiss

Traduction : BP pour l’Agence Média Palestine

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