Pourquoi Israël accélère son plan expansionniste dans le Naqab

Le 24 janvier 2022, par Ameer Makhoul

La région a acquis une nouvelle importance stratégique dans le cadre des plans économiques et de sécurité israéliens, en particulier ceux qui concernent le commerce international et les relations régionales.

Il y a quelques semaines, le Premier ministre israélien Naftali Bennett s’est tenu au sommet d’une colline du Naqab (Néguev), surplombant la ville bédouine palestinienne de Rahat, et a annoncé que l’État israélien allait passer à une stratégie d’attaque. Et « attaque », dans le langage israélien, signifie un nouvel assaut contre la présence arabe restante dans cette partie de la Palestine.

La région a acquis une nouvelle importance stratégique dans le cadre des plans économiques et sécuritaires israéliens pour la région, en particulier ceux relatifs au commerce international et aux relations régionales avec les Émirats arabes unis et le prince héritier saoudien en exercice, qui a fait un certain nombre de promesses à Israël qu’il a l’intention de réaliser lorsqu’il succédera à son père.

Au fil des ans, Israël a tenté de déraciner et d’expulser la population du Naqab en démolissant des maisons et en détruisant les cultures de blé par la dispersion chimique des avions. Il a également détruit les rendements agricoles en rasant chaque année des terres agricoles au bulldozer, tout en confisquant le bétail et les troupeaux de chèvres des Bédouins.

Il s’est en outre employé à affaiblir et à fragmenter la communauté en laissant prospérer la criminalité et les ventes d’armes, épuisant les habitants de la région et rendant leur vie invivable, dans l’espoir que cela ouvre la voie à ses projets expansionnistes.

Israël s’est même efforcé de gagner le soutien de groupes arabes soutenant « Abu Yair » – le surnom de Benjamin Netanyahou parmi les électeurs arabes – ce qui s’inscrit dans le droit fil de l’histoire coloniale plus large d’Israël en matière de cooptation arabe, d’abord pratiquée par le parti Mapai (qui fusionnera plus tard avec le parti travailliste).

Cependant, Bennett, un partisan plus violent du colonialisme de peuplement, qui estime que les colons sont « l’avant-garde sioniste d’aujourd’hui » et qui a été le précédent chef du conseil des colonies en Cisjordanie, a commencé sa plus récente attaque contre le Naqab au sommet de cette colline. En effet, pour lui, et pour l’histoire du sionisme, la colonisation commence au sommet des collines – et à défaut, elle adopte la stratégie de la « tour et de la palissade », dans laquelle un camp militaire est érigé près des terres arabes avant leur confiscation, pour se défendre contre les représailles des propriétaires légitimes de ces terres.

Déclaration de loyauté

Bennett est arrivé armé de sa coalition composée de la Liste arabe unie et du parti de gauche juif-arabe Meretz, qui ont déclaré leur loyauté envers lui et son gouvernement. Ces partis ne seront pas sauvés par le mantra politique familier qu’ils répètent si souvent – que « faire partie de la coalition est mille fois plus difficile que de faire partie de l’opposition » et que « notre responsabilité envers notre société fait de [l’appartenance à la coalition] un impératif », comme si rejoindre la coalition israélienne actuellement au pouvoir au détriment des principes nationaux était un sacrifice acceptable pour l’influence supposée qu’elle leur conférerait sur l’État.

Bien qu’ils soient partenaires de la coalition, les politiciens arabes n’ont pas été et ne seront pas partenaires dans l’acte de gouverner – ce qui est en soi une proposition qui devrait être rejetée comme une question de principe national.

Le gouvernement a tenté de faire croire qu’il n’exécutait pas directement les ordres de son Premier ministre, mais qu’il les confiait au Fonds national juif.

Le gouvernement a tenté de faire croire qu’il n’exécutait pas directement les ordres de son Premier ministre, mais qu’il les confiait à l’un des outils les plus importants de la colonisation sioniste en Palestine : le Fonds national juif (JNF).

Fort de la bénédiction rabbinique, le JNF a été exempté de l’observation de l’année de shmita, la septième année d’un cycle de sept ans au cours duquel la halakha (loi juive) interdit toute forme d’activité agricole en terre sainte. Exempté de cette obligation, le JNF a eu le champ libre pour mener ses activités dans le Naqab, sous prétexte que la plantation de dizaines de millions d’arbres dans la région était une grave nécessité et « dans l’intérêt du peuple juif ».

Quant à l’État, son devoir était de protéger ces zones nouvellement boisées tout en rasant 55 000 dunams de terres arabes palestiniennes, en construisant des collines et des barrages artificiels et en érigeant des clôtures pour empêcher leurs propriétaires d’entrer. Puis le rôle de la loi est intervenu lorsque ces terres ont été protégées par des ordonnances forestières et agricoles.

Partie inhérente du sionisme

Rien de tout cela n’est nouveau, bien sûr, car c’est une partie inhérente du sionisme, incarnée par le crime ultime de la Nakba de 1948, qui fait partie de l’esprit fondateur de l’État et du régime militaire qui a suivi jusqu’en 1966. Durant cette période, l’État a utilisé le régime des « zones militaires fermées » pour empêcher le retour des gens sur leurs terres, villages, maisons et biens, avant qu’ils ne deviennent des réfugiés permanents, soit dans la diaspora, soit en Palestine.

Et il convient de rappeler qu’Israël, qui a déjà exploité le « brouillard de la guerre » pour procéder à des vols de terres, à des nettoyages ethniques et à des massacres, a également utilisé bon nombre des divers accords de « paix » avec les États arabes pour poursuivre sa confiscation et son vol d’encore plus de terres. Pendant les accords de Camp David de 1978 avec l’Égypte, Israël a confisqué un million de dunams de terres arabes dans le Naqab, et aujourd’hui il construit des projets stratégiques en partenariat avec les Émirats pour le transfert de gaz naturel à travers le Naqab vers l’Europe.

Et tout cela sans parler du nettoyage ethnique et des expulsions qui ont lieu dans les villes arabes palestiniennes de Galilée et du Naqab, toutes deux considérées comme ayant les terres agricoles les plus fertiles.

La politique de l’État profond

L’assaut actuel sur les terres arabes du Naqab et la répression qui l’accompagne constituent un crime de guerre et un crime contre l’humanité, puisqu’il s’agit d’une terreur et d’un nettoyage ethnique sanctionnés par l’État. C’est ainsi que la situation doit être rapportée à la Commission d’enquête du Conseil des droits de l’homme de l’ONU qui enquête sur les crimes d’Israël contre les Palestiniens, ainsi qu’à tous les forums internationaux.

L’assaut du gouvernement ne sera pas dissuadé par l’absentéisme aux sessions de la Knesset, mais plutôt par leur obstruction et leur abrogation – le simple absentéisme n’a pas de dents.

Dans le même temps, les partis arabes ne doivent pas être dupes et croire que ce qui se passe sur le terrain est le produit de la politique d’un seul gouvernement. Il s’agit plutôt de la politique de l’État profond, soutenu par son histoire coloniale agressive, de David Ben-Gourion à Bennett.

La seule dissuasion à cette politique est la lutte populaire et la fermeté des Arabes palestiniens dans le Naqab et au-delà. Le Naqab sert aujourd’hui de champ de bataille, et le Naqab n’appartient pas seulement à ses habitants actuels mais à nous tous. On peut dire la même chose de la Galilée, de la côte et du Triangle (une concentration de villes et de villages arabes israéliens adjacents à la ligne verte), et de toute la Palestine.

Ce qui est le plus réconfortant à voir, c’est la forte présence d’une nouvelle génération dans le Naqab, portant la bannière de la lutte et tenant la promesse de sa continuation. C’est ce qui dissuadera le projet colonial, aux côtés de notre lutte pour la liberté et la dignité nationale.

Traduction : AFPS

Source : Middle East Eye

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