Le Néguev est maintenant en plein centre de la lutte contre le colonialisme de peuplement israélien

Par Narmin Slamah, le 21 février 2022

L’histoire du village bédouin Sa’wa dans le Néguev est l’histoire de la Palestine. Des maisons palestiniennes sont démolies et des familles palestiniennes sont expulsées pour faire place à une population de colons israéliens.

Des Palestiniens affrontent les troupes israéliennes, dans le village bédouin palestinien de Khan al-Ahmar, à l’est de Jérusalem, le 30 janvier 2022, pendant une manifestation contre la politique israélienne dans le désert de Néguev et pour demander la légalisation de villages non reconnus qui y sont situés. Photo par WAFA.

Lundi 10 janvier, les résidents du village bédouin de Sa’wa dans le Naqab— connu en français sous le nom de Néguev —, se sont éveillés au bruit de l’assaut des forces de police israéliennes et des bulldozers, dans l’intention de mener à bien le plan de reforestation qui avait déjà commencé fin décembre. Les résidents du village et d’autres Bédouins palestiniens du Néguev ont résisté au forces de police du régime israélien qui, en retour, leur ont répondu par une sévère répression. 

Les forces de police israéliennes et les bulldozers se sont retirés le mercredi soir de la même semaine, mais sont revenus le jeudi. Ils ont été accueillis par une manifestation pacifique des résidents, accompagnés d’activistes bédouins palestiniens du Néguev et d’ailleurs. 

[Vidéo à regarder sur youtube : « Qu’est-ce qui s’est passé ? Adan Alhjooj dans le Néguev »

Cette manifestation a été une fois encore contrée par la force brute, faisant des dizaines de blessés et de personnes arrêtées. Les arrestations n’ont pas été limitées aux participants de la manifestation dans le village de Sa’wa. L’étincelle déclenchée dans ce village particulier a allumé quelque chose dans d’autres villes bédouines palestiniennes. Des manifestations de solidarité avec lae village de Sa’wa et celui d’al-Atrash, un autre village bédouin palestinien confronté à des démolitions, ont eu lieu dans toute la Palestine colonisée, en particulier dans le Néguev, des centaines de personnes ont été arrêtées, 40% d’entre elles étant des mineurs. 

Quelques jours après ces manifestaitons, les forces de police du régime israélien ont commencé à faire irruption dans les maisons, poursuivant et arrêtant des jeunes, hommes et femmes, et même des enfants, en les accusant de fomenter des émeutes et d’obstruction au travail de la police. C’était une punition collective pour avoir participé aux manifestations en soutien au village de Sa’wa. Mais même au milieu de la répression et des arrestations, les Palestiniens du Néguev n’ont pas cessé de résister.

Sous le slogan : « Nous ne laisserons pas seuls les détenus », des veilles ont été organisées devant le tribunal de la ville de Be’r Al-Sabeh (Be’er Shevah). Pendant sept jours, des gens du Néguev, de toutes les générations, se sont rassemblés devant le tribunal, protestant contre la détention prolongée des jeunes, hommes et femmes, et des enfants. Ces veilles continuent et les activistes se sont engagés à les maintenir jusqu’à ce que le dernier détenu soit relâché. 

Les dernières escalades de violence envers les Palestiniens ont placé le Néguev en plein centre de la lutte contre le colonialisme de peuplement. Le Néguev, situé dans le sud, est le plus grand district de Palestine. Depuis la Nakba et le nettoyage ethnique de 1948, les résidents qui ont survécu ont été confrontés à des expulsions constantes et à des vols de terres. Dans ce que beaucoup d’activistes appellent le déplacement lent, le régime israélien utilise des mécanismes variés pour resserrer son emprise sur les terres du Néguev et poursuivre ce qui a commencé en 1948.

Une de ces méthodes est ce à quoi Sa’wa est confronté — la démolition de maisons dans le village. Des dizaines d’entre elles sont démolies dans le Néguev chaque année, sous prétexte qu’elles auraient été construites sans autorisation. En tant que politique, cependant, cette démolition est utilisée pour limiter l’expansion de la population et pour endommager le tissu social des communautés. 3000 foyers ont été démolis rien qu’en 2021.

Le régime israélien utilise aussi le « greenwashing » — des revendications environnementalistes — pour s’approprier la terre. Dans le Néguev en particulier, le régime affirme combattre la désertification et essayer de préserver l’environnement en plantant de vastes zones de terres avec des forêts artificielles de cyprès et de pins. Cependant des recherches récentes ont montré que ces arbres — qui ne sont pas autochtones à la région — contribuent en fait à la désertification. En même temps, l’« Administration des terres d’Israël » a commencé explicitement à affirmer que la reforestation est faite afin d’empêcher « l’appropriation des terres par les Arabes ». 

Le régime israélien affirme aussi que les Bédouins palestiniens sont des envahisseurs résidant illégalement sur des terres de l’Etat. C’est une affirmation que le gouvernement lui-même a contredit lorsqu’il a offert une compensation et des sommes d’argent aux habitants d’un village nommé Al-Araqib pour qu’ils abandonnent leurs terres. Comme le dit Cheikh Sayah Al-Turi, résident du Néguev : «  Si j’étais vraiment un envahisseur dans ce pays, pourquoi m’offrez-vous une compensation pour abandonner cette terre ? ». 

Tout en affirmant en même temps que les Bédouins palestiniens sont des envahisseurs, le régime israélien a poursuivi constamment une politique pour « civiliser » les Bédouins. Cela a eu pour conséquence que des milliers de Bédouins palestiniens ont été déplacés de force de leurs terres ancestrales vers des communes sédentaires, permettant au régime d’engloutir d’énormes espaces de terres tout en concentrant la population bédouine dans l’espace le plus petit possible.

L’histoire de Sa’wa est l’histoire de la Palestine, de la Cisjordanie à Jérusalem et au-delà. Les maisons palestiniennes sont démolies et les familles palestiniennes expulsées pour faire place à une population de colons israéliens et à l’infrastructure du régime israélien.

Pourtant, l’émergence de mouvements organisés contre le vol des terres par le régime israélien dans toute la Palestine colonisée montre la détermination du peuple palestinien, du Néguev à Sheikh Jarrah.

Nous avons le droit de vivre sur notre terre et c’est ce que nous voulons et c’est pour cela que nous nous battons !

Une version de cet article a été d’abord publiée par Progressive International le 9 février 2022.

Source : Mondoweiss

Traduction CG pour l’Agence média Palestine

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