Aucun droit pour les travailleurs de Gaza en Israël

Par Amjad Ayman Yaghi, le 7 avril 2022 

Des travailleurs de Gaza passant par le checkpoint Erez sont souvent interrogés par l’armée israélienne (Ashraf Amra / APA images)

Muhammad Abdelwahab a eu un accident alors qu’il travaillait sur un chantier de construction en Israël.

Sa blessure était sévère — hémorragie d’une blessure à la tête — et il est allé à un dispensaire.

Le dispensaire lui a conseillé d’aller à l’hôpital, mais Abdelwahab a préféré attendre de retourner à Gaza pour son traitement. Comme il n’a pas d’assurance médicale, le traitement aurait été trop coûteux en Israël. 

Malgré la gravité de la blessure d’Abdelwahab, son employeur ne lui a offert aucune indemnité financière, ni aucun traitement médical. 

Abdelwahab, 39 ans, est père de quatre enfants et vit dans le camp de réfugiés de Jabaliya au nord de la Bande de Gaza. 

Il a été au chômage pendant trois ans avant de commencer à travailler dans la construction en Israël en décembre 2021. Son accident s’est produit en février de cette année.

Bien qu’il soit un forgeron professionnel, cela n’ennuie pas Abdelwahab de travailler dans n’importe quel domaine en Israël, non seulement parce que ces jobs paient relativement bien, mais aussi parce que le blocus d’Israël sur Gaza – imposé en 2007 – a sévèrement diminué les possibilités de trouver du travail dans la Bande de Gaza.

Abdelwahab a pu obtenir un permis pour travailler en Israël, mais il n’a pas été officiellement désigné comme « travailleur ». 

Au lieu de cela, il a reçu un permis pour « besoins financiers », permis qui dépouille le travailleur d’un accès à des avantages comme l’indemnisation des travailleurs, une assurance santé et d’autres droits du travail accordés aux travailleurs en Israël. 

« J’attends de récupérer de ma blessure pour retourner au travail », a-t-il dit. « Plus je reste à la maison, plus les choses deviennent pires pour moi. J’ai des enfants, trois d’entre eux vont à l’école et j’ai de grosses dépenses. »

Bien qu’Abdelwahab considère importantes des questions comme l’assurance santé ou l’assurance vie, il a dit que les conditions à Gaza sont si dures que n’importe quel travail, même sans avantages sociaux, est « comme un rêve ». 

En cela, Abdelwahab prend en considération les avenirs de ses enfants, qui semblent en péril quand lui et ses collègues n’ont pas la sécurité d’un travail. 

Travailleurs sans assurance

Israël a récemment accordé 8000 permis supplémentaires aux travailleurs palestiniens de la Bande de Gaza pour travailler à l’intérieur d’Israël dans le cadre d’un accord avec le Hamas, avec l’Egypte comme médiateur.

Pourtant, à cause de la nature de ces permis, ces travailleurs n’ont pas d’avantages liés au travail ni d’avantages sociaux et sont traités différemment et payés moins que les travailleurs palestiniens de Cisjordanie occupée.

 Au lieu de permis de travail, les travailleurs de Gaza se voient accorder des permis pour « besoins financiers » qui ne leur garantissent pas de droits du travail.

Les travailleurs de Cisjordanie, par ailleurs, ont des permis fixés.

Fahmi Amin, 40 ans, qui travaille dans une usine israélienne près de Gaza, a dit qu’obtenir de tels permis peut coûter à un Palestinien de Gaza jusqu’à 1000 dollars en frais d’enregistrement au ministère des Finances de Gaza, une somme énorme pour une personne au chômage. 

Pourtant beaucoup sont retenus et interrogés par les autorités israéliennes pendant de brèves périodes au checkpoint d’Erez, le seul point de passage pour les personnes entre Gaza et Israël. 

 Amin a souligné que les travailleurs palestiniens en Israël, à cause de leur absence de droits, craignent que l’aide humanitaire de l’Autorité palestinienne ne soit coupée et qu’à tout moment, une dispute entre Israël et Gaza n’éclate, les laissant sans emploi et avec peu de perspectives d’obtenir un autre travail.

Amin a dit que travailler en Israël peut payer cinq fois le salaire qu’il recevrait à Gaza.

 « Mais ce sera un désastre si nous pensons quitter le travail » en Israël, a dit Amin.

« Nous sommes trop inquiets que l’aide que nous obtenons de l’Autorité palestinienne — qui a déjà été suspendue pendant plusieurs mois – ne soit coupée », a-t-il dit. 

L’Autorité palestinienne — dépendante de l’aide étrangère — accorde des allocations sociales aux familles les plus pauvres de Gaza.

«  Le travail en Israël n’est pas garanti », a-t-il ajouté. « Nous retournerons chercher une façon de convaincre les autorités officielles de notre besoin de soutien financier périodique au cas où cette aide serait coupée. Nous ne voulons pas atteindre ce stade ». 

Amin a dit que lui et les autres travailleurs travailleraient n’importe où, aussi longtemps qu’ils peuvent offrir de la nourriture et des vêtements pour leurs enfants.

« Nous espérons que nos droits nous seront donnés à l’avenir pour que rien ne puisse nous empêcher de travailler », a-t-il dit.

Déni des droits fondamentaux

Après l’attaque d’Israël sur Gaza en mai 2021, Israël a autorisé 3000 permis supplémentaires de commerçants pour des Palestiniens de Gaza, élevant le nombre total de permis à 10000. Pourtant ces permis, commerçants ou de besoins financiers, n’impliquent pas de droits du travail.

Jusqu’au déclenchement de la Deuxième Intifada en 2000, le nombre total de travailleurs de Gaza à l’intérieur d’Israël avoisinait 30000. 

Aujourd’hui, ce nombre n’excède pas 10000 travailleurs palestiniens de Gaza, selon Sami al-Amasi, qui dirige la Fédération générale palestinienne des syndicats à Gaza.

Al-Amasi a indiqué que les Israéliens, en refusant de désigner les Palestiniens de Gaza comme « travailleurs », échappent à tout engagement à leur fournir des droits du travail ou des droits financiers. 

Beaucoup de travailleurs qui ont été blessés ou licenciés avant 2000, a dit al-Amasi, ont recherché des avocats palestiniens avec la citoyenneté israélienne pour obtenir leurs droits.

Quelques-unes de ces affaires sont restées dans les tribunaux pendant des années étant donné que les employeurs israéliens cherchaient à dénier leurs droits aux travailleurs palestiniens. 

Al-Amasi a expliqué qu’Israël a remplacé les permis de commerçants par des permis de besoins financiers pour éviter de fournir aux travailleurs des assusrances santé, ou des indemnités en cas de blessure ou de licenciement.

Al-Amasi a noté qu’avant 2000 les Gazaouis employés en Israël se voyaient accorder le titre de « travailleurs ». 

Tout le monde devrait se voir accorder le statut de travailleur, a-t-il ajouté, « pour que chacun obtienne les droits qui lui sont dus ». 

Le syndicat qu’il représente fait maintenant pression pour qu’au moins 30000 permis soient délivrés afin que les gens de Gaza travaillent en Israël. Ces efforts ont été aidés par ce qu’al-Amassi appelle « des intermédiaires ».

Selon le Bureau central palestinien des statistiques, environ 230 000 personnes à Gaza ont été sans emploi en 2021.

Parmi les Palestiniens diplômés entre 19 et 29 ans de la Bande de Gaza, 66% des femmes sont au chômage et 39% des hommes.

Maher al-Tabaa, directeur de la Chambre de commerce de Gaza, a dit que les permis de commerçants et de besoins financiers délivrés aux Palestiniens de Gaza ne leur accordent aucun droit. 

Pourtant les travailleurs acceptent ces permis, a-t-il dit, à cause des taux élevés de pauvreté et de chômage.

Il a ajouté qu’Israël pourrait utiliser cela plus tard comme une manière de faire pression sur les factions palestiniennes afin qu’elles acceptent un armistice de long terme avec Israël, ce qui n’a pas été pris en compte lors des précédentes négociations arrangées par l’Egypte.

Actuellement, les travailleurs qui ont des permis ont un impact très limité sur l’économie de Gaza en comparaison avec les années précédentes, a dit al-Tabaa. le nombre de personnes cherchant des jobs étant bien plus élevé que le nombre de permis disponibles.

Le salaire minimal à Gaza est inférieur à 600 dollars par mois, mais le véritable salaire mensuel moyen est de 200 dollars.

« Les bas salaires sont les plus courants dans Gaza assiégée », a dit al-Tabaa, ajoutant que très peu d’institutions publiques ou privées sont capables de payer le salaire minimal.

Même ainsi, a-t-il noté, «  c’est limité aux institutions importantes comme les banques et les principales compagnies de télécommunications, pendant que les autres travailleurs de Gaza reçoivent la moitié ou moins de la moitié du salaire minimum ». 

Amjad Ayman Yaghi est un journaliste basé à Gaza.

Source : The Electronic Intifada

Traduction CG pour l’Agence média Palestine.

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