Ce que la hasbara veut que vous ignoriez à propos d’Al-Aqsa

Par Haggai Matar, le 25 avril 2022 

Photo: Un homme place un drapeau palestinien sur le Dôme du Rocher après les prières du vendredi pendant le mois sacré de Ramadan sur l’esplanade des Mosquées, Jérusalem, 22 avril 2022. (Jamal Awad/Flash90) (Flash90)

Alors que les tensions montent depuis quelques semaines sur l’esplanade des Mosquées et autour d’elle, des miliants de la hasbara, [la propagande] pro-Israël, ont essayé de mettre en avant deux messages principaux : qu’Israël n’est pas en train de changer le dit « statu quo » sur le Mont du Temple/Haram al-Sharif, comme l’affirment les Palestiniens ; et que ce sont en fait les juifs qui sont discriminés et à qui la liberté de culte est retirée selon les paramètres du statu quo.

Le premier argument n’est simplement pas vrai. S’il y a eu des rumeurs non fondées sur les réseaux sociaux palestiniens à propos d’une décision du gouvernement israélien de s’emparer d’Al-Aqsa et d’en faire un site religieux entièrement juif, personne ne peut nier qu’Israël a remodelé activement le statu quo dans un des lieux les plus explosifs de la région. Il n’y a pas longtemps, le Waqf de Jérusalem avait l’exclusivité de la gestion de l’esplanade, la présence juive entre ses murs était marginale, et toute prière juive au sommet du Mont interdite — comme cela l’a été pendant des décennies. 

Mais tout cela a changé au cours des dernières années. On voit les forces de police israéliennes plus souvent à l’intérieur de l’esplanade ; les nombres des fidèles juifs explosent ; et le phénomène a été banalisé au point que le Comité sur l’éducation de la Knesset a récemment recommandé d’emmener les écoles israéliennes visiter le site. L’ambassadrice actuelle au Royaume-Uni, Tzipi Hotovely, parmi d’autres hauts responsables, a dit qu’elle rêve de voir un drapeau israélien flotter au sommet du Mont.

La militante en faveur des colonies Ayala Ben Gvir, l’épouse du député kahaniste Itamar Ben Gvir, a loué les précédents gouvernements Netanyahou pour avoir « ouvert la possibilité de monter facilement sur la montagne. Il y a maintenant une Yechiva [centre d’étude des textes religieux du judaisme] et un Kollel [centre avancé d’études de la Torah] sur le Mont, en plus des enseignements religieux et des prières régulières … nous devons progresser pour faire des sacrifices animaux et rebâtir le Temple. » En juillet 2021, le journal de la chaîne 12 d’Israël appelait ces changements « une révolution ayant lieu paisiblement et graduellement, sous le radar ». Sous le gouvernement actuel, ces politiques ont continué sans interruption, comme Baker Zoabi l’a rapporté, avant l’escalade récente. Le statu quo qui a gouverné Al-Aqsa pendant des décennies, dans ces sens, n’est plus.

L’argument du second point à discuter est plus compliqué. «  Comment pouvez-vous blamer les juifs de vouloir prier dans leur site le plus sacré ? Comment pouvez-vous justifier la discrimination contre les juifs et l’obstruction à la liberté de culte ? » Jusqu’à un certain degré, ces points sont vrais : le fait qu’un site a une signification si importante pour deux communautés religieuses requiert des solutions intelligentes et sensibles, qu’on devrait atteindre par un dialogue réfléchi entre égaux. Mais il n’y a pas d’égaux en Israël-Palestine et Israël a montré de plus en plus qu’il n’est pas intéressé par un dialogue réfléchi sur la question.

L’esplanade des Mosquées/Al-Aqsa a été pendant des années l’un des seuls endroits où les Palestiniens jouissent d’une apparence de souveraineté et de liberté par rapport à leurs occupants. Mais ce n’était pas réellement un îlot de souveraineté. Avec Israël en plein contrôle du pays entier entre le fleuve et la mer, c’est Israël qui a décidé, par exemple, de bloquer la liberté de culte pour des millions de Palestiniens dans la Bande de Gaza ou en Cisjordanie, et parfois même aux citoyens palestiniens d’Israël, en leur refusant l’accès à Al-Aqsa.

C’est Israël qui décide quand restreindre la souveraineté limitée de l’enceinte en envoyant la police faire un raid sur les mosquées et attaquer les fidèles et les journalistes. C’est Israël qui change le statu quo unilatéralement. Et, le plus important, c’est Israël qui a créé un système d’apartheid dans lequel, dans toute autre partie du pays, la suprématie juive sur les Palestiniens est garantie, maintenue et enracinée par la loi et par la force. 

Toute tentative pour déchiffrer les développements sur le Mont du Temple/Haram al-Sharif sans prendre en compte le contexte plus large de la domination juive, de la discrimination profonde et intrinsèque contre les Palestiniens, et de la restriction de leurs droits humains et religieux, créée de l’injustice dans une réalité politique déjà injuste. Pour voir un jour une solution au conflit religieux sur Jérusalem, nous devons créer les structures politiques qui garantiront une pleine équité, la démocratie et la justice pour chaque personne de ce pays. 

Cet article a été publié à l’origine dans « The Landline », la lettre d’information hebdomadaire de +972. Souscrire ici.

Haggai Matar est un journaliste et activiste politique israélien primé, et il est directeur exécutif de « 972 – Advancement of Citizen Journalism » [972 – Avancement du journalisme citoyen], l’organisme sans but lucratif qui publie +972 Magazine.

Source : +972 Magazine

Traduction CG pour l’Agence média Palestine

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