La Haute Cour israélienne donne le feu vert à une expulsion forcée de plus de 1000 Palestiniens à Masafer Yatta

Par Yumna Patel, le 6 mai 2022

Des Palestiniens protestent tandis que les forces israéliennes démolissent une maison palestinienne près de Hebron en Cisjordanie occupée, 25 novembre 2020 (Photo: Mosab Shawer/APA Images)

La Haute Cour israélienne a donné mercredi le feu vert à l’expulsion forcée de 1 200 Palestiniens de la zone de Masafer Yatta au sud de la Cisjordanie, mettant fin à plus de deux décennies de bataille judiciaire.

Le gouvernement israélien prétend que les habitants de huit villages de pasteurs d’un secteur des collines du sud de Hebron connu sous le nom de Masafer Yatta, résident « illégalement » dans une zone de tir et qu’il essaie de les en chasser depuis des décennies.

Les habitants de Masafer Yatta, font néanmoins remonter leur présence dans ces lieux à plusieurs décennies en arrière, avant que la zone ne soit occupée par Israël en 1967 et qu’elle ait été déclarée zone de tir par l’armée dans les années 1980.

Tard dans la nuit de mercredi, la Haute Cour a rejeté l’appel des habitants contre leur expulsion, ouvrant la voie à l’armée israélienne pour qu’elle démolisse leurs maisons et les expulse de force de leur terre, un crime en droit international.

Dans sa décision, la cour a déclaré que les habitants palestiniens « n’étaient pas des résidents permanents de cette zone » lorsqu’elle a été déclarée zone de tir dans les années 1980, considérant donc leur présence « illégale ».

Dans sa décision, la Cour a incité les habitants à parvenir à un « compromis » avec l’armée israélienne consistant à les autoriser à cultiver certaines parcelles, ce que les habitants ont rejeté.

Dans une déclaration suivant la décision de justice, le maire de Masafer Yatta, Nidal Abu Younis, a rejeté la décision de la Cour, disant qu’elle « prouve que ce tribunal est partie prenante de l’occupation, selon ce qu’a rapporté Reuters.

« Nous n’allons pas quitter nos maisons. Nous resterons ici » a-t-il dit.

Un Palestinien observe les forces armées israéliennes démolir une maison palestinienne près de Hebron à Masafer Yatta, 25 novembre 2020. (Photo: Mosab Shawer/APA Images)

La zone de tir 918

Dans les années 1980, l’armée israélienne a déclaré zone militaire réservée un secteur d’environ 3 000 hectares à Masafer Yatta, qu’ils ont appelée « Zone de tir 918 ».

Depuis, le gouvernement israélien a souhaité expulser les habitants de cette zone. En dépit d’un grand nombre de requêtes en justice présentées par les habitants, Israël a traité cette région comme une zone militaire fermée, expulsant de force des centaines d’habitants et démolissant leurs maisons.

La décision du tribunal de mercredi renvoie à une affaire qui a démarré en 1999, lorsque l’armée israélienne a expulsé tous les habitants de Masafer Yatta, qui étaient environ 700 à l’époque, au motif qu’ils « vivaient illégalement dans une zone de tir ». En réponse, l’Association pour les Droits Civils en Israël (ACRI) et l’avocat Shlomo Lecker ont déposé une requête auprès de la Haute Cour au nom de 200 familles palestiniennes.

Après cette démarche, le tribunal a publié une injonction provisoire permettant aux villageois de retourner dans leurs maisons et de cultiver la terre, mais leur interdisant de faire toute nouvelle construction, que ce soient des maisons ou des équipements essentiels tels des installations électriques ou d’eau.  

Selon le groupe israélien de défense des droits humains, B’Tselem, Israël a démoli 64 maisons depuis 2006 dans les villages de Masafer Yatta, déplaçant au moins 346 personnes dont 155 mineurs.

« Après 20 ans de procédure légale, la Haute Cour de Justice d’Israël a décidé que le transfert forcé de centaines de Palestiniens de leurs maisons -dans l’objectif évident de s’emparer de leurs terres au service d’intérêts juifs- était légal » a dit B’Tselem jeudi en une déclaration cinglante.

Cette décision, prouvant une fois de plus que l’occupé ne peut attendre de justice du tribunal de l’occupant, entrelace une interprétation juridique sans fondement avec des faits décontextualisés, ce qui fait clairement apparaître qu’il n’est pas de crime que les juges de la Haute Cour ne trouveront pas moyen de légitimer » a dit le groupe.

Le Conseil Norvégien des Réfugiés (NRC) a aussi condamné la décision de la Cour, la qualifiant de « dangereuse étape qui doit être inversée ».

« Cette décision de justice ouvre effectivement la porte à l’armée israélienne pour déraciner des communautés entières qui vivent à Masafer Yatta depuis des décennies. Les dommages que cette décision va infliger aux maisons des gens et à leurs sources de revenus sont irrémédiables. Ces gens pourraient devenir des sans-abris du jour au lendemain sans lieu où aller » a déclaré Caroline Ort, la directrice régionale de NRC pour la Palestine.

Si elle est appliquée, elle constituerait une violation du droit international qui interdit à Israël en tant que puissance occupante de transférer des membres de la population occupée hors de leurs villages contre leur gré » a-t-telle dit.

Source : Mondoweiss

Traduction SF pour l’Agence média Palestine

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