Un projet de loi interdisant le drapeau palestinien adopté en vote préliminaire à la Knesset israélienne

Par Mariam Barghouti, le 9 juin 2022

Bien que le projet se refère aux « drapeaux ennemis », le seul drapeau qui est explicitement mentionné est le drapeau palestinien. Le projet de loi doit passer par trois votes supplémentaires à la Knesset pour devenir une loi.

Vendredi 24 août, le groupe « Solidarité Retour » manifestait depuis le côté oriental de la barrière de Gaza en solidarité avec la Grande Marche hebdomadaire du Retour, à Gaza, marche qui avait lieu pour le 22e vendredi consécutif. Les militants du groupe Solidarité Retour ont été rapidement évacués de force de la zone, mais ils sont allés sur une colline d’où ils ont agité de nombreux drapeaux palestiniens et ont été vus par les manifestants de l’autre côté de la barrière. (Photo: Haim Schwarzenberg)

Le mercredi 1er juin, la Knesset israélienne a approuvé la lecture préliminaire d’un projet de loi proposé par le député du Likoud Eli Cohen, visant à interdire le déploiement de « drapeaux ennemis » dans les institutions israéliennes subventionnées par l’Etat. 

Apèrs la première lecture préliminaire, la Knesset a voté en faveur du projet de loi par 63 votes pour et seulement 16 contre. Le prétexte pour proposer la motion était le déploiement du drapeau palestinien à l’université Ben Gourion en mai de cette année. La motion était soutenue au départ par le Premier ministre israélien Naftali Bennet, ainis que par des membres des partis israéliens  Yamina et Nouvel Espoir. 

Bien que le projet de loi mentionne l’interdiction des « drapeaux ennemis », le seul drapeau qui est explicitement indiqué est le palestinien.

Pendant le vote de la Knesset, Cohen a intimé à ceux qui s’opposaient au projet dans la Coalition de la Liste jointe à majorité arabe, dont le député palestinien Sami Abu Shehadeh, d’ « aller à Gaza ou en Jordanie ». Il a dit que « ceux qui se voient comme palestiniens sont invités à déménager à Gaza ou en Jordanie. Je vous promets un financement pour le transport ». Avant le vote, Cohen a exprimé des sentiments anti-palestiniens analogues, disant : «  quiconque…se voit comme Palestinien, aura toute l’aide dont il a besoin de notre part pour un aller simple à Gaza ». 

Le projet arrive après que des organisations internationales de défense des droits humains de premier plan ont publié les résultats de leurs enquêtes de plusieurs années sur les pratiques israéliennes et ont conclu qu’Israël commet des crimes contre l’humanité, l’apartheid et des persécutions.

Si le projet doit être soumis à trois votes supplémentaires à la Knesset avant de devenir une loi, le soutien massif en sa faveur à la Knesset a déclenché des inquiétudes parmi les Palestiniens vivant en Israël et dans tout le territoire palestinien occupé, à cause de de ce que cela pourrait signifier pour leurs vies et leurs identités en tant que Palestiniens.

L’importance du drapeau palestinien

Le drapeau palestinien est un symbole comparativement nouveau dans la politique palestinienne. Il n’a été formellement adopté par l’OLP  que dans les années 1960 et hissé pour la première fois au siège des Nations Unies seulement en 2015

Après la Naksa (arabe pour « revers ») de 1967, lorsque Israël s’est emparé du  Sinai, des Hauts du Golan, de Gaza et de la Cisjordanie par la force militaire, la politique israélienne officielle a banni les couleurs nationales du drapeau palestinien (rouge, blanc, vert, noir).  Dans les années 1980, les députés israéliens ont interdit des oeuvres d’art perçues comme ayant « une portée politique ».   

L’armée et la police  israéliennes sont allées jusqu’à menacer des artistes palestiniens utilisant les couleurs du drapeau dans leur travail artistique.  Même les coquelicots et les pastèques sont vues comme de l’incitation et une violation de la loi israélienne. Si la loi a été révoquée après les Accords d’Oslo en 1993-94, la confiscation et la criminalisation du drapeau palestinien et de ses couleurs sont restées pratique courante. 

Ce que cela signifie pour les Palestiniens 

Ce projet de loi se combine à la marche israélienne au drapeau qui a eu lieu en mai. Des groupes israéliens ont défilé dans la cité de Jérusalem en chantant des  slogans comme «  mort aux Arabes »   et « puissent vos villages brûler », les mêmes slogans qui avaient provoqué et amplifié l’attaque de masse contre des Palestiniens l’an dernier.

Le député Eli Cohen, qui a introduit le projet de loi, est aussi membre du Lobby pour Eretz Israel, un des groupes de pression les plus forts de la Knesset. Le principal objectif du groupe est de renforcer la mainmise de l’Etat israélien sur la Cisjordanie occupée et la Zone C et d’inclure les colonies illégales réservées aux juifs en Cisjordanie comme zones israéliennes souveraines

Pour les Palestiniens, le projet de loi n’est pas seulement une attaque contre leur drapeau, il est aussi symbolique d’une attaque continue et systématique contre   les symboles qui expriment l’identité palestinienne. Les conséquences potentielles du projet de loi sont particulièrement effectives pour les Palestiniens de Jérusalem et ceux possédant la citoyenneté israélienne, dont l’identité palestinienne est considérée comme une menace pour le problème démographique d’Israël. 

Le projet de loi est vu comme une tentative supplémentaire pour effacer l’existence des Palestiniens dans la région. Interdire le drapeau dans les institutions subventionnées par l’Etat inclut non seulement les universités, mais s’étend aussi aux institutions culturelles, parmi d’autres.

L’attaque contre le drapeau palestinien pourrait aussi signaler une répression supplémentaire contre les symboles palestiniens dans la sphère numérique. Pendant l’attaque à grande échelle contre les Palestiniens en mai 2021, des Palestiniens ont témoigné de shadow-banning [blocage furtif], de censure et d’effacement de la documentation et des témoignages palestiniens sur les réseaux sociaux.  

Source : Mondoweiss

Traduction CG pour l’Agence média Palestine

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