Le combat pour mettre fin à l’isolement d’Ahmad Manasra se poursuit alors que sa santé se dégrade

« Le monde doit agir en urgence, le temps joue contre nous. Chaque jour qui passe est une perte », dit à Mondoweiss l’avocat de Manasra, Khaled Zabarqa.

Par Mariam Barghouti, le 22 juillet 2022

Un tribunal israélien a repoussé pour la troisième fois mercredi une audience pour Ahmad Manasra, changement qui va le soumettre à un mois supplémentaire de confinement dans la prison israélienne.

Une audience au tribunal était prévue pour Manasra, 20 ans, dans la Prison d’Eshel dans le complexe carcéral de Beersheba, au sud de Jérusalem. Son équipe juridique fait appel pour qu’on le sorte de son confinement à l’isolement où il a déjà passé sept mois d’affilée.

Ses avocats font par ailleurs appel pour qu’il soit transféré soit dans une des prisons soit du Negev, soit de Nafha, où de plus vieux prisonniers palestiniens se sont engagés à prendre soin du jeune Manasra qui a souffert d’une détérioration de sa santé mentale.

L’audience de mercredi a été repoussée pour la troisième fois, à la demande du ministère public israélien, jusqu’au 16 août.

Le combat pour sauver ce qui peut encore l’être pour Manasra

Manasra, qui a été arrêté quand il avait 13 ans, a été maintenu à l’isolement par les Services Carcéraux israéliens depuis octobre 2021, quand sa santé mentale a commencé à se dégrader davantage.

« Il faut que le monde bouge en urgence, le temps joue contre nous. Chaque jour qui passe est une perte », a dit l’avocat de Manasra, Khaled Zabarqa à Mondoweiss.

Depuis près d’un an, la famille de Manasra, son équipe juridique, et ses défenseurs sont engagés dans un combat avec le système juridique israélien au vu des abus qu’il a dû affronter en tant qu’enfant sous la garde des forces armées et militaires d’Israël. Jusqu’à aujourd’hui, Manasra s’est vu dénier ses droits à un procès équitable, aux visites de sa famille, et il continue d’être détenu dans un complet isolement malgré les avertissements des médecins, avocats et défenseurs des droits de l’homme sur l’impact tragique que cela a sur son bien-être général.

Des études faites dans le monde entier montrent que l’impact de la détention à l’isolement sur la santé des prisonniers est largement négatif, et se traduit en nervosité, dépression, psychose, paranoïa, et même suicide. Et c’est encore plus notable chez des jeunes détenus à l’isolement.

« L’état [d’Ahmad] a empiré ces deux dernières années », a expliqué Zabarqa à Mondoweiss, faisant remarquer que son état s’est dégradé depuis qu’il n’avait que 18 ans. 

Le 28 juin de cette année, Manasra s’est vu refuser une libération anticipée par la commission israélienne des libérations conditionnelles dans la prison de Ramle. Sa détention à l’isolement a été assortie d’un refus de contact familial, et la perturbation émotionnelle causée par son procès le met dans une condition encore plus fragile.

« Quand je l’ai vu, c’était comme s’il s’accrochait à la moindre impression d’être à la maison », a raconté Zabarqa à Mondoweiss.

La pratique de la détention à l’isolement pour les Palestiniens dans les prisons israéliennes est maintenue depuis longtemps. Des milliers de Palestiniens, adultes comme enfants, ont souffert de cette pratique, malgré un consensus sur l’impact négatif sur la vie des êtres humains.

En 2004, Israël a retenu Mansour Shahteet d’Hébron à l’isolement pendant des années, même alors qu’il n’avait que 17 ans. Son père, Yousef, s’est rappelé le moment où il a été confronté au juge israélien dans une interview avec le média turc, l’agence Anadolu. « J’ai demandé… pourquoi mon fils est à l’isolement, je lui a dit que c’était déshumanisant et que cela devait prendre fin. » Yousef a poursuivi : « Le juge m’a dit que mon fils devait rester à l’isolement jusqu’à sa mort. »

Des Palestiniens tiennent des pancartes pendant une manifestation de solidarité avec le prisonnier Ahmed Manasra devant le bureau de la Croix Rouge, le 13 avril 2022, dans la ville d’Hébron en Cisjordanie. (Photo par Samar Bader/WAFA)

La vengeance d’Israël contre un enfant

« Le monde a toujours considéré les enfants comme des victimes de la guerre, non comme ceux qui la font », à dit Zabarqa à Mondoweiss. « Et pourtant, nous atteignons ici un point où les autorités israéliennes accusent un enfant. »

Dans le cadre juridique international, les enfants doivent être protégés dans les zones de conflit. Pourtant, en Israël, Manasra a non seulement été condamné à de la prison à l’âge de 13 ans, mais il a été contraint à des aveux, sous la menace d’une arme, par l’armée et les enquêteurs israéliens. En plus, quand le droit israélien n’a pas permis à Manasra d’être jugé à cause de son jeune âge, les législateurs israéliens se sont mis à changer la loi afin de permettre sa détention.

Le cas de Manasra continue d’être l’illustration des abus d’Israël contre les enfants palestiniens, avec un impact non seulement sur les populations actuelles, mais sur les générations encore à venir. Les intimidations et menaces sur ce jeune garçon, même alors qu’il était menotté à son lit d’hôpital à Jérusalem, ont contribué à détériorer la santé mentale de Manasra, et des représentants de l’ONU ainsi que des responsables, militants, avocats, travailleurs en santé mentale et défenseurs des droits de l’homme ont exhorté Israël à le libérer.

Les autorités israéliennes continuent non seulement à refuser ses droits à Manasra, mais les Services Carcéraux israéliens, avec le soutien des tribunaux israéliens, continuent d’abuser de cette illusion en violation du droit international, dans les abus retenus contre un enfant.

Pour l’instant, il y a trois exigences prioritaires pour les autorités israéliennes pour sauver ce qui reste de Manasra : le libérer immédiatement, lui accorder une probation anticipée, et le sortir de l’isolement et le mettre sous la protection de détenus politiques palestiniens approuvés en coordination avec sa défense juridique.

Ce mouvement a besoin d’une salle de rédaction qui puisse couvrir tout ce qui concerne la Palestine et le mouvement mondial de libération des Palestiniens.

Le gouvernement israélien et ses soutiens économiques, culturels et politiques ici aux États-Unis se sont investis depuis des décennies pour réduire au silence et délégitimer la voix des Palestiniens.

Nous construisons un défi puissant face à ces courants dominants et démontrons qu’écouter les Palestiniens est essentiel pour faire bouger les choses.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : Mondoweiss

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