Des réalisateurs israéliens appellent le Festival de Locarno à abandonner la projection d’un film israélien « complice »

Le 2 août 2022

Des réalisateurs et artistes israéliens, dont Guy Davidi, réalisateur nominé aux Oscars, et Tai Shani, co-récipiendaire du prix Turner, ont demandé au Festival international de cinéma de Locarno d’annuler la projection d’un film israélien, prévue jeudi [4 août], à cause du problème posé par son financement. 

My Neighbor Adolf [Mon voisin Adolf] a été subventionné par le Projet Cinéma Israël de la Fondation Rabinovich, le plus grand fonds cinématographique d’Israël. La semaine dernière, Artistes pour la Palestine-Royaume-Uni a révélé que la fondation oblige par contrat les réalisateurs à promettre « qu’il n’y a et n’y aura pas dans le film une présentation, une déclaration ou un message qui appelle … au déni de l’existence de l’Etat d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique, [ou] qui décrive le Jour de l’indépendance ou le jour de l’établissement de l’Etat comme un jour de deuil  ».

Le groupe des réalisateurs et artistes a cité des organisations de premier plan de défense des droits humains comme Amnesty International, Human Rights Watch et le groupe israélien majeur pour la défense des droits humains B’Tselem, qui ont tous indiqué dans leurs rapports qu’Israël, loin d’être une « démocratie », est un régime d’apartheid.

Les réalisateurs et artistes ont ajouté : « ce régime d’oppression a été fondé grâce au déplacement et à la dépossession par la violence de la plus grande partie de la population palestinienne autochtone. Que l’Etat israélien, ses institutions complices et ses groupes influents de lobbying veuillent qu’en tant qu’Israéliens juifs nous restions silencieux sur ce nettoyage ethnique systématique n’est pas surprenant. Mais que des narrateurs acceptent de telles conditions de censure et de manque d’éthique pour leurs projets de films est une forme indéniable de complicité, qui sert de couverture à cette Nakba continuelle à laquelle les Palestiniens sont confrontés ».

Plus tôt cette semaine, la Campagne palestinienne pour le Boycott académique et culturel d’Israël (PACBI), membre fondateur du mouvement pour le Boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS), a appelé «  toutes les institutions cinématographiques, y compris les festivals internationaux, les cinémas et les distributeurs, à boycotter les films subventionnés à partir de 2022 par le Projet Cinéma Israël de la Fondation Yehoshua Rabinovich pour les Arts ». 

Soulignant les conditions contractuelles de la Fondation, PACBI a dit qu’« en imposant qu’aucun producteur de film israélien à la recherche de financement … ne représente sur l’écran la perpétration par Israël de l’apartheid et du nettoyage ethnique, la Fondation Rabinovich conditionne ses subventions au fait de protéger Israël vis-à-vis d’un examen international et d’une reddition de comptes ». 

Tant PACBI que les réalisateurs israéliens ont souligné que le contenu d’un film subventionné par la Fondation Rabinovich n’est pas pris en compte pour savoir s’il devrait être ou non boycotté. Mais en revanche, selon PACBI, s’il y a des « contraintes politiques » attachées au financement d’un film, alors « le film en question devient clairement complice du blanchiment par l’art du système colonial et d’apartheid d’Israël, contribuant à ses tentatives pour obscurcir ou aseptiser la réalité ».

Eyal Sivan, réalisateur israélien de documentaires et spécialiste du cinéma, a ajouté : « toute institution cinématographique qui visionne un tel film violerait ses obligations artistiques. C’est le cinéma d’une représentation déformée, qui ne devrait avoir de place dans aucun festival de cinéma. » 


Lisez ci-dessous la lettre complète :

Nous, artistes et réalisateurs juifs israéliens, appelons le Festival du cinéma de Locarno à annuler sa projection prévue le 4 août de « Mon voisin Adolf ». Le film a été partiellement subventionné par le Projet Cinéma Israël de la Fondation Rabinovich, qui attache à son financement des contraintes racistes et explicitement politiques. La fondation oblige contractuellement les réalisateurs à promettre « qu’il n’y a et n’y aura pas dans le film une présentation, une déclaration ou un message qui appelle … à nier l’existence de l’Etat d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique [ou] à présenter le Jour de l’indépendance ou le jour de l’établissement de l’Etat comme un jour de deuil ». 

Israël est un Etat d’apartheid, comme l’ont argué depuis longtemps des Palestiniens, des Sud-Africains et des experts juridiques, et comme Amnesty International et Human Rights Watch l’ont confirmé dans les dernières années dans des rapports détaillés. Loin d’être une démocratie, Israël est « un régime de suprématie juive du Jourdain à la Méditerranée », comme l’a dit le principal groupe israélien de défense des droits humains, B’Tselem.

Ce régime d’oppression a été fondé grâce au déplacement et à la dépossession par la violence de la plus grande partie de la population palestinienne autochtone. Que l’Etat israélien, ses institutions complices et ses groupes influents de lobbying veuillent qu’en tant qu’Israéliens juifs nous restions silencieux sur ce nettoyage ethnique systématique n’est pas surprenant. Mais que des narrateurs acceptent de telles conditions de censure et de manque d’éthique pour leurs projets de films est une forme indéniable de complicité, qui sert de couverture à cette Nakba continuelle à la quelle les Palestiniens sont confrontés. 

La plus vaste coalition de la société civile palestinienne, qui mène le mouvement pacifique de Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS), a appelé pour cette raison les festivals de cinéma internationaux à refuser de projeter les films subventionnés par la Fondation Rabinovich. Comme il est écrit dans les directives de BDS mises en place par la Campagne palestinienne pour le Boycott académique et culturel d’Israël (PACBI) et acceptées par la société palestinienne, le contenu d’un produit culturel, y compris celui des films, n’est pas pris en compte pour savoir s’il devrait être ou non boycotté. Dans le cas de « Mon voisin Adolf », ce sont les contraintes politiques attachées au financement du film qui sont le problème. 

Nous refusons de rester silencieux pendant que le régime israélien d’apartheid, d’occupation et de colonialisme de peuplement opprime les Palestiniens et pendant que ses institutions publiques comme le Fondation Rabinovitch engendre racisme et complicité chez les réalisateurs. Nous faisons écho à l’appel palestinien pour le boycott des films financés par la Fondation Rabinovitch et nous appelons le Festival de cinéma de Locarno à annuler sa projection complice.

Signé :
Haim Bresheeth-Zabner (réalisateur, universitaire), Guy Davidi (réalisateur), Dror Dayan (réalisateur de documentaires), Avi Hershkovitz (réalisateur), Ohal Grietzer (compositeur), Liad Hussein Kantorowicz (artiste, musicien), Yosefa Loshitzky (autrice, universitaire experte en cinéma), Jonathan Ofir (chef d’orchestre, violiniste), Michal Sapir (musicien, écrivain), Eyal Sivan (réalisateur), Tai Shani (artiste)

Source : Artists for Palestine UK

Traduction CG pour l’Agence média Palestine

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