La justice oblige Deutsche Welle à réintégrer un deuxième journaliste Palestinien

par Ali Abunimah, le 6 septembre

Lundi était un « jour de fête », a écrit Farah Maraqa.

La journaliste palestino-jordanienne, Farah Maraqa, venait de gagner son procès contre Deutsche Welle.

La chaîne de télévision publique allemande a été condamnée par le tribunal du travail de Berlin à la réintégrer et à payer tous ses frais de justice.

La victoire décisive « suggère que le tribunal a reconnu que le licenciement de Farah, basé sur une enquête controversée et des allégations infondées d’antisémitisme liées à des rapports publiés avant son contrat de travail, était illégal », a déclaré le Centre européen d’assistance juridique, ELSC.

ELSC a aidé Maraqa dans son combat pour la justice et travaille avec d’autres journalistes dans la même situation.

Maraqa faisait partie des sept journalistes arabes licenciés par Deutsche Welle en février à la suite d’une campagne officielle de diffamation les accusant de fanatisme anti-juif en raison de commentaires ou de critiques sur Israël.

Il s’agit de la deuxième victoire judiciaire liée à la purge au motif politique.

En juillet, un tribunal du travail de Bonn a jugé que Deutsche Welle avait licencié illégalement Maram Salem, une autre journaliste palestinienne du réseau, sur la base de fausses accusations d’antisémitisme.

Une troisième affaire a été réglée à l’amiable, tandis que les autres sont toujours en attente, selon l’ELSC.

https://twitter.com/elsclegal/status/1566875852163485699

« Message clair »

Les licenciements sont survenus à la suite de la publication d’un rapport commandé par Deutsche Welle pour enquêter sur l’antisémitisme supposé au sein du réseau.

Rédigé par Ahmad Mansour, un psychologue palestino-allemand étroitement lié au lobby israélien, et Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, une ancienne ministre allemande de la justice, le rapport accuse les journalistes de fanatisme anti-juif en raison de commentaires et d’opinions critiques à l’égard d’Israël.

Les opinions anti-musulmanes, anti-arabes et pro-israéliennes de Mansour ont fait de lui le chouchou des médias allemands et des institutions financées par l’État, car il leur offre une façade à leurs propres visions racistes.

« C’est un soulagement que le juge ait statué en faveur de Farah et ait tenu Deutsche Welle pour responsable de ce licenciement illégal », a déclaré le directeur de l’ELSC, Giovanni Fassina. « Nous espérons que cela envoie un message clair qu’ils doivent mettre fin à leurs pratiques de censure. »

Fassina a ajouté que l’affaire illustrait comment l’institutionnalisation de la définition de l’antisémitisme selon l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste, IHRA – sur laquelle le rapport s’appuyait – « pouvait conduire à de graves atteintes à la liberté d’expression et à la liberté de la presse ».

Promue par Israël et son lobby, la définition de l’IHRA mélange la critique d’Israël, d’une part, avec le fanatisme anti-juif, d’autre part. Il est devenu l’arme clé du lobby israélien en Amérique du Nord et en Europe pour imposer la censure sur les crimes d’Israël contre les Palestiniens.

« Code de conduite »

Malgré ses défaites judiciaires, rien n’indique que la Deutsche Welle renoncera à sa politique anti-palestinienne institutionnalisée.

Un nouveau « code de conduite » obligatoire pour les employés de Deutsche Welle impose un soutien à Israël.

« La liberté, la démocratie et les droits de l’homme sont les pierres angulaires de notre message et de notre profil journalistique et de développement », déclare le code de conduite.

« Nous défendons les valeurs de liberté et, où que nous soyons, prenons des positions indépendantes et claires, notamment contre toute forme de discrimination, y compris le sexisme, le racisme et l’antisémitisme. En raison de l’histoire de l’Allemagne, nous avons une obligation particulière envers Israël.

« La responsabilité historique de l’Allemagne dans l’Holocauste est aussi une raison pour laquelle nous soutenons le droit d’Israël à exister », affirme le document.

L’affirmation d’Israël selon laquelle il a le « droit d’exister » en tant qu’État juif sur la terre des Palestiniens est en fait une affirmation selon laquelle il a le « droit » de nettoyer ethniquement les Palestiniens et de les soumettre à des lois racistes visant à préserver la démographie et la politique suprématistes juives.

Le tour de passe-passe verbal de Deutsche Welle assimile le soutien obligatoire et inconditionnel au régime israélien d’occupation, d’apartheid et de colonialisme de peuplement – un édifice construit et entretenu sur la violence systémique et le racisme – à l’antiracisme.

On ne peut pas promouvoir « la liberté, la démocratie et les droits de l’homme » tout en soutenant l’idéologie d’État raciste d’Israël, le sionisme.

Toutefois, dans l’Allemagne contemporaine, l’extermination par le gouvernement allemand de millions de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale justifie le fait que les Palestiniens doivent aujourd’hui être soumis à l’occupation israélo-sioniste, au meurtre, au déplacement forcé et à la colonisation, afin d’expier la culpabilité allemande.

C’est une position profondément hypocrite qui implique que non seulement les Allemands n’ont rien appris des crimes de leurs ancêtres, mais qu’ils sont heureux d’imposer les coûts de ces crimes à ceux qui sont évidemment considérés comme des humains inférieurs.

La hiérarchisation raciste de l’humanité est prouvée par le fait que Deutsche Welle n’exprime aucune « obligation spéciale », envers la Namibie ou la Tanzanie, territoires sur lesquels l’Allemagne a perpétré d’horribles génocides des décennies avant de ramener cette même barbarie sur le continent européen.

Le code de conduite stipule qu’il s’agit d’un «ensemble de règles contraignantes pour tous les employés de Deutsche Welle» et encourage les travailleurs à dénoncer en toute confidentialité les infractions présumées – une atmosphère difficilement propice à la liberté d’expression et à l’exploration journalistique de questions difficiles.

Ceux qui sont trouvés en infraction peuvent être sanctionnés ou licenciés.

Le racisme anti-palestinien forcé que Deutsche Welle impose à ses employés laisse présager pour ceux qui ont été licenciés à tort, et qui seront réintégrés, un environnement déshumanisant pour le simple fait d’être qui ils sont.

La victoire de Maraqa, comme celle de Salem en juillet, reste cependant une étape importante dans la lutte contre le racisme et l’intolérance officiellement sanctionnés de Allemagne.

Trad. L.R pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

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